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Jean Bosco Bazié, Coordonnateur de l’initiative A l’Eau l’Afrique, A l’Eau le Monde :’’ La mobilisation autour de la question d’accès à l’eau potable doit se maintenir et s’amplifier au-delà de Marseille’’

Publié le mardi 6 mars 2012 à 01h50min

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Son organisation, Eau Vive Internationale, a été une pièce maîtresse de l’initiative ‘’A l’Eau l’Afrique, A l’Eau le Monde’’ (ALAF) dont il a été le coordonnateur. Jean Bosco Bazié, c’est de lui qu’il est question, nous dresse le bilan général de cette initiative qui a permis d’appuyer six pays de la sous région (Bénin, Burkina Faso, Mali, Niger, Sénégal, Togo), dans leur préparation du 6e Forum Mondial de l’Eau qui s’ouvre le 12 mars 2012 à Marseille, en France. Le directeur général adjoint en charge des politiques et partenariats d’Eau Vive Internationale aborde également les enjeux du Forum de Marseille et se prononce sur la problématique de l’atteinte par nos pays des Objectif du Millénaire pour le Développement (OMD) dans le secteur de l’eau potable et de l’assainissement.

Vous avez clos la série des fora nationaux dans le cadre des préparatifs du 6e Forum Mondial de l’Eau par le Bénin à la mi-février. Brièvement, que peut-on retenir de positif de cette dernière étape du processus préparatif de Marseille 2012 ?

La première chose dont on peut se réjouir est d’avoir pu tenir la concertation béninoise préparatoire au forum mondial et de relever ainsi le pari de la tenue de tous les 6 fora nationaux soutenus par l’initiative A l’Eau l’Afrique, A l’Eau le Monde. La seconde chose est d’avoir pu offrir aux acteurs béninois du secteur de l’eau et de l’assainissement, l’occasion de se rencontrer, de se découvrir, de se parler et de partager en toute humilité, la responsabilité des problèmes mais aussi celle des solutions. C’est en soit positif.

Ce n’était pas évident avec les multiples reports enregistrés pour la tenue de ce dernier forum. Justement, en quoi tenaient ces multiples reports ?

L’organisation et la tenue d’un dialogue multi-acteurs quelque soit le sujet en débat n’est pas une chose facile. Les autorités béninoises en charge de l’eau et de l’assainissement ont jugé à un moment donné du processus de préparation du forum que toutes les conditions n’étaient pas réunies pour sa réussite, notamment la mobilisation des ressources financières du budget de l’Etat. Vous n’êtes pas sans savoir que même programmés dans le budget national, le décaissement en temps voulu n’est pas toujours assuré. Aussi, nous avons noté quelques hésitations dans la prise de risques y compris d’ordre politique inhérents à la réalisation d’un tel évènement multi-acteurs ; ceux qui dirigent ont bien souvent peur et à tort, de mettre en débat les questions qui préoccupent pourtant l’ensemble des parties prenantes.

Au-delà du Bénin, quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées dans l’organisation des différents fora ?

L’une des principales difficultés a été le temps relativement court entre la labellisation de l’initiative par le Comité International du Forum Mondial en juillet 2011 et la tenue des fora nationaux. Il a fallu entre temps mobiliser les Etats pour le portage politique national, préparer les contenus et mettre en place les conditions de succès dans chaque pays. La seconde difficulté a été naturellement la construction du consensus dans chaque pays sur les problèmes mais aussi sur les solutions. Ce n’est pas évident quand chaque partie prenante tire la couverture vers lui et quand chacune d’elle pense que le problème c’est l’autre. L’on a vu des débats parfois houleux et tendus entre représentants de l’Etat central et élus des Collectivités territoriales sur la question de l’exercice de la compétence eau au niveau communal. Chacun se rejette la balle des difficultés. Nous nous sommes retrouvés dans certains pays pris entre les feux des critiques de ces collèges d’acteurs et il nous fallait tenir une position d’appui à la création de points d’équilibre sur le partage de responsabilité et d’action.

Quels sont les grands enseignements que vous en tirez ?

Bien entendu, tout ceci est œuvre humaine et nous avons énormément appris au contact des rouages des institutions et des personnes acteurs du secteur de l’eau et de l’assainissement dans les six pays. La première leçon est que malgré sa présence de plus en plus croissante dans les débats sur les priorités nationales, la question de l’eau et de l’assainissement n’est pas encore en bonne position dans l’allocation des ressources et celle des conditions de leur optimisation. Ceci étant, à moyens constants, on peut faire bien mieux si seulement les ressources humaines nécessaires sont en place au niveau central, déconcentré et au niveau décentralisé des collectivités territoriales avec une exigence de performance et de reddition des comptes.

Globalement, que retenez-vous comme résultats de l’initiative ‘’A l’Eau l’Afrique, A l’Eau le Monde ‘’ ?

Le premier résultat probant est l’amorce du dialogue entre parties prenantes du secteur de l’eau et de l’assainissement dans chacun des pays. L’institutionnalisation du forum national de l’eau en tant que cadre périodique de concertation entre partie prenantes fait partie des recommandations faites par les participants à plusieurs forums nationaux. Aussi, les activités culturelles réalisées au cours des forums nationaux de l’eau avec une fête de l’eau, a porté la cause auprès du grand public. Nous espérons qu’elle sera mieux entendue.

Etes-vous satisfait de ces résultats ?

Oui, mais nous ne pouvons pas nous satisfaire de ces seuls résultats tant que des millions de personnes n’ont pas accès à l’eau en quantité et en qualité et à un assainissement adéquat. Le chemin reste long mais l’objectif d’un accès universel peut bien être atteint.

Les conclusions de ces fora suffiront-elles à faire entendre la voix de nos Etats au sixième Forum Mondial de l’Eau ?

Non, le 6e Forum Mondial de l’Eau est certes une opportunité pour partager avec le reste du monde les solutions et engagements proposés par nos pays mais la mobilisation doit se maintenir et s’amplifier pour aller au prochain Sommet de la terre Rio+20 à Rio de Janeiro au Brésil en Juin 2012 et pour l’échéance des OMD en 2015. Les décideurs politiques, techniques, financiers et autres acteurs que nous sommes, devrons affirmer davantage de volonté de rendre l’eau potable et l’assainissement à portée de tous et engager les moyens nécessaires à cela.

Qu’attendez-vous des pays ALAF comme participation à Marseille 2012 ?

D’abord qu’ils indiquent par une présence de qualité dans les différentes délégations des pays à Marseille, une avancée dans la mobilisation pour l’eau et l’assainissement. Ensuite, qu’ils y valorisent les produits des différentes concertations nationales préparatoires en occupant les espaces de débats et en s’exprimant plus fortement.

Quelle sera la participation de votre Organisation au Forum de Marseille ?

Nous avons pu faciliter la participation au forum de Marseille d’une petite centaine de personnes provenant de 8 pays africains et sommes dans le processus préparatoire du forum mondial à divers niveaux. Nous serons présents à Marseille soit en tant qu’organisateur ou coorganisateur d’évènements (sessions officielles, évènements parallèles), soit en tant que contributeur et sur des sujets aussi divers. C’est ainsi que nous animerons dès le 12 mars, une session spéciale de bilan de l’initiative A l’Eau l’Afrique, A l’Eau le Monde avec les représentants des pays et les partenaires. Nous facilitons également les travaux de plusieurs sessions de haut niveau importantes dans l’agenda du forum mondial dont une session multi-acteurs sur le financement qui sera présidée par le Ministre Laurent Sedego du Burkina Faso en présence de ses pairs d’autres pays de la sous région et une table ronde ministérielle co-pilotée par le Niger et l’Afrique du Sud et qui associent tous les autres pays de l’initiative A l’Eau l’Afrique, A l’Eau le Monde ainsi que le CMAE (Conseil des Ministres Africains de l’Eau), sur le thème « l’eau pour le développement en Afrique » pour ne citer que celles là.

Tous les problèmes ne trouveront pas des solutions en une semaine de forum. Avez-vous vraiment le sentiment aujourd’hui que tous les acteurs sont résolument engagés pour faire des OMD dans le sous secteur de l’eau et de l’assainissement une réalité d’ici à 2015 ?

Bien évidement, le forum de Marseille est une étape sur un chemin encore long et que seule une plus forte mobilisation politique, financière et des consciences peut permettre l’atteinte des OMD et au-delà celui de l’accès universel à l’eau et l’assainissement. Dans tous les cas, 2015 est pour bientôt et il faudra bien faire les comptes mais aussi les rendre aux yeux de la communauté internationale qui en jugera.

Tous les Etats en matière d’accès à l’eau potable et à l’assainissement ne sont pas logés à la même enseigne. Lesquels des 6 pays ouest-africains parties prenantes de l’ALAF (Bénin, Burkina, Mali, Niger, Sénégal, Togo) peuvent véritablement atteindre les OMD ?

Le Sénégal est l’un des pays qui a les OMD à portée de main quand bien même les conditions de cette atteinte restent fragiles. Je crois que nous devons partir du principe que tous les pays qui le veulent, peuvent atteindre les OMD en matière d’accès à l’eau et l’assainissement. Se sont des engagements qu’ils ont eux-mêmes pris en 2000 devant la communauté internationale, à la condition bien entendu qu’ils se donnent les moyens d’y arriver en mobilisant entre autre tous les citoyens autour de la cause, en mettant en place de bonnes politiques et stratégies cohérentes et efficaces, en augmentant les ressources alloués au secteur, en réduisant les coûts de transaction et la corruption dans le secteur, en se donnant les moyens humains performants pour conduire les opérations, en utilisant toute l’expertise nationale et internationale existante. Bref, on me dira que c’est plus facile à dire qu’à faire mais une chose est sûr, on ne réinventera pas le robinet d’eau potable tel qu’il existe de nos jours et les ressources financières existent pour le rendre accessible à tous. Pour le reste, tout est volonté et ambition.

Pour cela, l’on peut toujours compter sur Eau Vive Internationale ?

Absolument, Eau Vive est une organisation vieille de 34 ans ; malheureusement, les raisons de sa création en 1978 sont d’actualité. C’est pourquoi, elle continu soutenir des actions concrètes d’amélioration des services d’eau et d’assainissement dans les villes et villages d’Afrique, de militer et milite davantage pour un partage des responsabilités au niveau local au niveau international en passant par le niveau national avec une grande part de responsabilité dévolu aux dirigeant nationaux. Il leur appartient comme pour bien d’autres services de base, d’assurer un accès durable et équitable à tous les citoyens. Les ONG et autres partenaires techniques et financiers ne peuvent que partager cette responsabilité première des Etats et non l’assumer à leur place. C’est pourquoi, nous sommes mobilisés pour faciliter au mieux la participation de nos pays au concert des nations tel que le forum mondial de l’eau en mettant à leur disposition l’expertise non gouvernementale et nos divers réseaux au niveau international.

Avec ou sans ALAF ?

Affirmatif, avec ou sans A l’Eau l’Afrique, A l’Eau le Monde et avec ou sans forum mondial de l’eau.
Je saisi par ailleurs l’occasion pour rendre un hommage mérité à tous les acteurs nationaux qui se sont mobilisés dans les 6 pays, du décideur politique à l’artiste musicien ou caricaturiste en passant par les médias qui ont relayé l’information auprès du plus grand nombre. Un grand merci à tous les supports techniques et financiers de l’initiative A l’Eau l’Afrique, A l’Eau le Monde en particulier l’Agence Française de Développement. Nous leur donnons rendez-vous à Marseille pour étudier ensemble les voies du futur.

Propos recueillis par Grégoire B. BAZIE

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