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Roch Marc Christian Kaboré, président sortant du CDP, entend « libérer l’esprit » de revendication des Burkinabè (1/2)

Publié le mardi 6 mars 2012 à 01h52min

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Week-end fantomatique à Ouaga. Impossible de joindre qui que ce soit ; les cellulaires sont sur vibreur uniquement pour les coups de fil des « en haut d’en haut ». Tout ce que le pays compte « d’élites » - celles qui sont au pouvoir ou aspirent à entrer dans « le corridor des tentations » - est rassemblé au Palais des sports. Pour trois jours (2, 3 et 4 mars 2012). A l’occasion du Vème congrès ordinaire du CDP, le Congrès pour la démocratie et le progrès, la formation politique présidentielle.

Il s’agit, affirme la thématique de cette assemblée, « d’impulser dans la cohésion une dynamique nouvelle ». En fait, de tourner une page et d’ouvrir un nouveau chapitre de l’histoire de ce conglomérat politique puisque, voici quelques semaines, le 14 janvier 2012, Roch Marc Christian Kaboré, à l’occasion de la 45ème session ordinaire de son bureau national, a laissé entendre qu’il ne se représenterait pas à la présidence du parti, au nom de « l’alternance ». Ce matin (vendredi 2 mars 2012), lors de la séance inaugurale, son discours avait des accents de déstalinisation. Il a appelé à « libérer l’esprit », affirmant qu’était « révolu le temps » où celui-ci était « formaté », « incarcéré », « standardisé », « embastillé », « emprisonné », maintenu sous une « chape de plomb » derrière « un rideau de fer ». Roch sait de quoi il parle : il a été secrétaire exécutif national du CDP d’août 1999 à juin 2003 et, depuis, président de son nouvel organe dirigeant : le Bureau politique national (BPN).

Roch Marc Christian Kaboré a émergé véritablement sur la scène politique burkinabè le dimanche 20 mars 1994 quand Youssouf Ouédraogo lui a cédé le poste de premier ministre et qu’il a été appelé à former son premier gouvernement dès le 22 mars 1994. Kaboré n’était pas un nouveau venu sur la scène politique ; mais il n’appartenait pas au groupe de ceux qui, après avoir conduit la « Révolution » de 1983, avait mené à terme celle de 1987. Fils d’un banquier (Charles Bila Kaboré a été également ministre des Finances en 1963-1965 et ministre de la Santé publique et de la Population en 1965-1966), bachelier à 18 ans, titulaire d’un DESS en gestion et d’un certificat d’aptitude à l’administration et à la gestion des entreprises, il s’était retrouvé, à son retour en Haute-Volta (c’est en France, au sein de l’université de Dijon, qu’il a poursuivi ses études supérieures), au lendemain de la « Révolution », embringué dans les luttes politiques et va se retrouver à la direction générale de la Banque internationale du Burkina (BIB).

RMCK ou « le Rocco » comme on l’a appelé à Ouaga, affirmera souvent ne pas être un « politique » de vocation. « Je dois dire que j’ai eu une carrière politique qui n’était pas prévisible. Le déclic est parti de 1989 lorsque le Président du Faso m’a demandé d’assumer la fonction de ministre des Transports et des Télécommunications ». En fait, Kaboré a appartenu à l’Union de lutte communiste reconstruite (ULC-R), créée en 1984 (composante du CNR qui gouvernait le pays depuis le 4 août 1983). L’ULC-R avait pris la suite de l’ULC qui résultait d’une scission, en 1978, au sein de l’Organisation communiste voltaïque (OCV). L’ULC-R a été dirigée par une figure historique de la révolution burkinabè : Valère D. Somé.

Le 16 mai 1988, quelques mois après l’instauration de la politique de « rectification », Kaboré sera un des quatre signataires d’une lettre au BP et au CC de l’ULC-R ; ils y annonçaient leur « désengagement ». L’ULC-R n’avait pas été agréé pour rejoindre le Front populaire institué par Blaise Compaoré ; en le quittant, Kaboré devenait ministrable.

Il débutera donc comme ministre des Transports et des Télécommunications avant d’être nommé, très rapidement, dès le 10 septembre 1990, ministre d’Etat. Unique ministre d’Etat du gouvernement. Chargé de la Coordination de l’action gouvernementale à compter du 16 juin 1991, il apparait comme un premier ministre de fait. Pour quelques semaines. Le 26 juillet 1991, il n’y a plus de ministre d’Etat et Kaboré, qui demeure le numéro deux du gouvernement, est nommé ministre chargé de mission auprès de la présidence. Ce n’est que le 26 février 1992 qu’il récupérera le titre de ministre d’Etat (en compagnie d’Hermann Yaméogo et de quelques autres).

Le 20 juin 1992, dans le premier gouvernement formé par Youssouf Ouédraogo, il prendra en charge les Finances et le Plan ; le 3 septembre 1993, il sera chargé des Relations avec les institutions.
Au printemps 1994, Kaboré va accéder à la primature dans un contexte délicat. Il est confronté aux menaces des syndicats qui doivent subir les effets collatéraux d’une dévaluation du franc CFA faite sur mesures pour la… Côte d’Ivoire mais pas pour le Burkina Faso, et à une austérité qu’imposent la politique de privatisation et le Programme d’ajustement structurel. Il devra, déjà, faire face à la délicate recomposition du paysage politique où tout va trop vite trop loin dans la mise en œuvre d’une politique libérale qui provoque des grincements de dents.

Dans le nouveau gouvernement, on remarque le départ d’Ousmane Ouédraogo, ministre d’Etat, ministre des Finances et du Plan (qui avait pris la suite de Kaboré, à ce poste, en 1993) ; il est remplacé par un « tout libéral », Zéphirin Diabré, qui avait été en charge de l’Industrie, du Commerce et des Mines (Diabré n’obtient pas le titre de ministre d’Etat mais se voit confier, avec les Finances et le Plan, le portefeuille de l’Economie). On notera également l’arrivée à la tête de la diplomatie d’Ablassé Ouédraogo qui, du même coup, expulse Thomas Sanou dans les (lointains) rangs des ministres délégués (en l’occurrence chargé des Relations avec le Parlement).

Quelques semaines après sa nomination, en mai 1994, Kaboré va gérer les Deuxièmes assises nationales sur l’économie. Thème : « Stratégie de développement de l’économie nationale dans le contexte de la dévaluation du franc CFA ». Les premières assises avaient été organisées en 1990 en vue de l’adhésion des partis, syndicats et organisations de la société civile au PAS. Changement de style : alors que Youssouf Ouédraogo était un premier ministre omniprésent, Kaboré laisse le devant de la scène (et le travail y afférent) à ses collaborateurs. Diabré va donner le ton : « Les hommes et les femmes de ce pays ont le droit de savoir et d’accepter qu’avec 122 milliards de recettes, on ne peut faire qu’une politique de 122 milliards ». Conclusion : « Il y a trop de revendications irréalistes arc-boutées sur un malencontreux dialogue de sourds entre ceux qui pensent que la caisse est trop pleine et ceux qui savent que la caisse est trop vide ».

Kaboré va rester moins de deux ans à la primature. Au-delà de la conjoncture économique et sociale particulièrement pesante pour la population, on évoquera des « relations tendues » avec le président du Faso. Le 6 février 1996, il est remercié. Et se retrouve conseiller spécial à la présidence. Ce qui lui laisse du temps, beaucoup de temps, pour préparer sa réélection comme député CDP de la province du Kadiogo en mai 1997. Il avait déjà été élu à ce poste en mai 1992 (c’était alors sur la liste de l’ODP-MT dont le CDP avait pris la suite après fusion avec plusieurs autres groupuscules politiques) mais n’avait pas siégé du fait de ses activités gouvernementales.

C’est désormais au sein de l’Assemblée nationale qu’il va faire carrière : premier vice-président dès juillet 1997 puis président à compter du 5 juin 2002 au lendemain de sa réélection comme député (il sera réélu pour un mandat de cinq ans le 6 mai 2007). Parallèlement, il va gravir les échelons du parti. Il en était le secrétaire exécutif en 1999, il deviendra président du Bureau politique national (BPN) en août 2003. En 1999, alors que « le pays des hommes intègres » était passablement… désintégré par « l’affaire Zongo », Kaboré avait pris la suite, à la tête du parti, d’Arsène Bongnessan Yé (le secrétaire général était alors Simon Compaoré, maire de Ouagadougou).

A suivre

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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