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BIOMETRIE ET ELECTIONS EN AFRIQUE : Une avancée, mais pour quels acteurs politiques ?

Publié le mercredi 29 février 2012 à 01h15min

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Comme toute nouvelle trouvaille, la biométrie fait aujourd’hui figure de panacée pour de nombreux acteurs politiques ayant combattu avec acharnement la fraude électorale sous toutes ses formes. Mais, faut-il pour autant oublier que l’homme est au centre de tout et qu’il n’est pas aussi parfait qu’on le voudrait ? Presque partout aujourd’hui sur le continent, gouvernants comme opposants chantent l’arrivée de la biométrie. Les premiers sont fiers de jouer les pionniers en matière d’introduction de technologies nouvelles au plan électoral. Les seconds s’assimilent aux sauveurs d’une démocratie que des années de fraudes savamment orchestrées conduisaient irrémédiablement sur la voie de l’errance. Un consensus semble émerger cependant de ces discours : pour les uns comme les autres, la biométrie passe pour une alternative crédible aux bonnes vieilles méthodes.

Celles-ci sont décriées car n’étant jamais parvenues à empêcher les tricheurs d’exceller dans leur méfait. Dans son principe, le système biométrique est une avancée réelle, en ce qu’iI permet effectivement de contrer les fraudes massives que peut occasionner l’existence de pièces doubles, entre autres. Son utilisation pourrait donc révolutionner bien des choses. Techniquement, il ne sera pas aussi facile de tricher. Par exemple, le même électeur pourra difficilement disposer à la fois de deux empreintes digitales. Néanmoins, il y a des pratiques auxquelles le recours à la biométrie ne changera pas grand-chose, et des phénomènes qui survivent au temps : la corruption, l’achat de conscience, les intimidations et menaces de toutes sortes.

Il y va donc de la qualité des acteurs politiques eux-mêmes. En Côte d’Ivoire, par dépit, et en direct à la télévision, un individu n’a pas hésité à arracher des documents officiels des mains du premier responsable de la structure chargée de diffuser les résultats du scrutin présidentiel de 2010. Au Togo, des hommes en uniforme ne se sont pas gênés, contre toute attente, à investir les structures officielles et à prestement emporter les urnes. Dans le cas du Burkina, un certain cap aura tout de même été franchi. Ainsi, cette année, des fraudes primaires comme voter deux fois devront relever du passé. Il faut l’espérer car, avec les moyens technologiques, on pourra faire du « nettoyage », et réduire, sinon endiguer, les cas de doublons.

Un pas a été franchi qui devrait permettre au candidat de récolter ce qu’il aura semé : le fruit de ses propres efforts. Certes, l’offre alternative est importante ; mais les conditions du vote sont aussi des déterminants majeurs dans le succès des candidatures. Or, la biométrie va jusqu’à un certain stade. Il faut donc demeurer vigilant, les inversions de chiffres et de calculs pouvant survenir à tout moment. L’utilisation de la biométrie va donc permettre de résoudre des cas de fraude. Mais d’autres problèmes, en rapport avec la qualité des hommes politiques, vont perdurer. Il ne sera certainement pas facile de changer les habitudes au niveau d’une catégorie d’acteurs politiques. Le problème, c’est donc les hommes eux-mêmes.

Sous nos tropiques, on aime à piétiner les lois et à reculer alors qu’ailleurs, on profite des technologies pour faire des progrès. Un problème de confiance se pose, lequel en rajoute au manque de moyens et à la persistance de certaines mentalités. On voudrait bien rassurer, mais certaines personnes sont animées de mauvaises intentions. Comparativement aux efforts investis dans la lutte contre le grand banditisme, il y a comme un parallélisme des formes. Tandis que les uns mettent au point des stratégies pour combattre le fléau, les « têtes pensantes » échafaudent, de leur côté, des plans pour contourner les règles et les méthodes.

Les moyens sont limités, les élections de plus en plus chères, avec de sérieux problèmes d’organisation. La biométrie, elle, est déjà là. Mais le jeu politique pourra-t-il se normaliser un jour sur le continent ? Presque partout, les acteurs politiques africains font preuve de moins de sincérité et de loyauté par rapport à la loi électorale. On semble même avoir renoncé à jouer franc jeu. A quoi sert-il de financer des moyens technologiques de pointe, lorsque les citoyens eux-mêmes ne sont pas bien identifiés ? Peut-on continuer à faire confiance aux mêmes acteurs politiques, les mêmes depuis le temps des fraudes massives et des orchestrations électorales qui ont parfois mis le continent en retard ou à feu et à sang ?

Quelle crédibilité accorder à l’élite politique de nos pays ? Tout au long des consultations électorales, le processus reste parsemé d’embûches : tentations et intimidations de toutes natures handicapent encore le bon fonctionnement des opérations électorales. Il arrive ainsi que les scrutateurs deviennent eux-mêmes parfois de véritables gangrènes : les plus faibles ou les plus démunis se font facilement soudoyer. En dehors des acteurs politiques, il y a aussi le jeu des leaders d’opinion : jusqu’à quel niveau par exemple, ceux-ci consentiront-ils à laisser les populations libres de leur choix ? Seront-ils assez forts pour éviter la confusion des rôles, et donc inciter les votants à aller dans un sens plutôt qu’un autre ?

On ne peut nier les bienfaits du progrès technologique. Mais la biométrie éloignera-t-elle les électeurs des pressions, chantages et autres corruptions légendaires ? Nombre des acteurs politiques ont des tares. Les rivalités mesquines et la concurrence déloyale peuvent facilement inciter à tricher. Tout espoir n’est cependant pas perdu. La biométrie est une réalité, preuve que les choses sont appelées à changer. Sans doute cela va-t-il être difficile et long. Mais, l’électeur doit lui aussi faire preuve de maturité. Une fois dans l’urne, il est face à sa conscience. C’est là où sa responsabilité est engagée. A lui de prendre donc conscience que tout part de sa capacité à s’assumer, étant donné les enjeux. La biométrie n’est pas une panacée. Mais, au moins dispose-t-on de listes auxquelles on peut se fier, comparativement à celles du passé. Cette avancée technologique fait aussi gagner du temps et économiser de l’énergie. Reste toujours que quelles qu’elles soient, les technologies demeureront toujours aussi difficiles à maîtriser. Et d’ailleurs, que peut bien la machine face à la cupidité des hommes ?

L’homme étant au centre de tout, aux acteurs politiques africains de travailler dur pour que le scrutin soit plus transparent que par le passé, que les résultats soient acceptés et qu’il y ait moins de remous post- électoraux. Cela donne encore plus de force à la devise de l’UNESCO : « La guerre prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix ».

« Le Pays »

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