LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

La diplomatie burkinabè a pour mission « d’affirmer le pays dans l’économie régionale et la mondialisation » (1/2)

Publié le mardi 28 février 2012 à 18h02min

PARTAGER :                          

Les trois longues journées consacrées (20-22 février 2012) à la 12ème Conférence des ambassadeurs et des consuls généraux auront été particulièrement riches en échanges. Non seulement sur les questions géopolitiques ; mais, plus encore, sur la physionomie à venir d’un Burkina Faso qui se veut « émergent ».

Trois journées « gouvernementales » puisque c’est le premier ministre, Beyon Luc Adolphe Tiao, qui a ouvert la conférence, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale, Djibrill Y. Bassolé qui les a animées, jour après jour (avec le concours de Vincent Zakané, ministre en charge de la Coopération régionale) et que plusieurs ministres et personnalités – et non des moindres – sont venus plancher devant les ambassadeurs et les consuls généraux.

Le président du Faso a reçu ses ambassadeurs, les a écoutés et a dit ce qu’il avait à dire. A huis clos. On pourrait s’étonner de cette position quelque peu en retrait du chef de l’Etat en un domaine où il excelle – les relations internationales – et dans lequel sa compétence et son expérience sont reconnus par tous (y compris, globalement, par l’opposition burkinabè). C’est qu’il ne s’agissait pas tant d’évoquer la problématique géopolitique nationale, régionale, continentale et internationale que de mettre à niveau le corps diplomatique sur le programme présidentiel. Blaise Compaoré a été réélu pour cinq ans à la fin de l’année 2010. Dans une conjoncture régionale excessivement difficile à la suite de la crise post-présidentielle ivoirienne dans la solution de laquelle il était fortement engagé. Puis ce seront les mutineries de 2011 qui vont entraîner la chute brutale du gouvernement Tertius Zongo et l’appel à Tiao pour reprendre en main les affaires du pays avec une nouvelle équipe. Du même coup, pas le temps de disserter sur le programme présidentiel.

Mais au lendemain de la conférence internationale de Paris (1-2 février 2012) – qui a permis le lancement officiel de la Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (SCADD) – il convenait que les diplomates burkinabè s’imprègnent du programme présidentiel 2011-2015 intitulé « Bâtir, ensemble, un Burkina émergent ». Un programme en 150 actions et 4 axes dont deux sont à « mettre en œuvre » par les Affaires étrangères. Ces deux axes (« consolider le socle culturel, artistique et le rayonnement international du Burkina Faso » ; « s’affirmer dans l’économie régionale et la mondialisation ») visent, à souligné l’ambassadeur Eric Y. Tiaré, secrétaire général du MAE/CR, qui a présenté la thématique de la Conférence des ambassadeurs, quatre objectifs majeurs qui doivent « guider l’action diplomatique du Burkina Faso au cours du quinquennat 2011-2015 : défense des intérêts du Burkina Faso en Afrique et dans le monde ; poursuite des efforts en faveur de la promotion de la paix et de la sécurité internationales ; renforcer la contribution du Burkina Faso aux processus d’intégration régionale et sous-régionale en Afrique ; contribuer à la création d’un environnement de travail plus incitatif au profit du personnel de la centrale et des missions diplomatiques et consulaires ».

Du même coup, Blaise Compaoré, au cours de ces journées, s’est effacé derrière son programme faisant pleinement confiance à son gouvernement pour le mettre en œuvre, secteur par secteur, dans une perspective qui tient en un mot : « émergence » ! Non pas qu’il soit dans la « distanciation » - qu’on lui reproche souvent - mais tout simplement parce que c’est au gouvernement de faire le « boulot » pour lequel il a été nommé.

Les Burkinabè ont, parfois, dans les moments de tension, reproché à Compaoré de porter plus d’intérêt aux affaires étrangères (et particulièrement aux médiations) qu’aux affaires intérieures. Bassolé a rappelé que le chef de l’Etat avait « toujours souhaité un environnement de paix et sécurité sans lequel notre pays enclavé ne peut se développer » et que, par ailleurs, « par l’esprit de solidarité qui anime tout Burkinabè […] le chef de l’Etat […] a été toujours animé d’un désir de vouloir aider autrui ». Le chef de l’Etat entend démontrer, cette fois, que les actions de médiation menées au cours des années passées doivent être capitalisées et déboucher sur des acquis économiques et sociaux pour les Burkinabè*. C’est ainsi que le traité d’amitié et de coopération entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire est désormais considéré « comme modèle de coopération avec les autres pays ». Et que la Cédéao doit devenir un « tremplin pour le développement du Burkina Faso et une meilleure intégration sous-régionale ».

Passer ainsi aux choses sérieuses (et quelque peu austères), c’était l’objectif prioritaire de cette 12ème Conférence des ambassadeurs. Rendre opérationnels les diplomates non seulement en matière de relations internationales – ce qui est le fondement de leur action – mais aussi « d’impulsion du développement et d’amélioration de la qualité de vie de la population ». Ils ont désormais une bible pour cela : la SCADD. Un programme excessivement ambitieux : il s’agit de réaliser un taux de croissance moyen du PIB réel de 10 %, d’atténuer l’extrême pauvreté et la faim, d’assurer l’éducation primaire pour tous, de promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, de réduire la mortalité des enfants de moins de 5 ans… Et Marie-Noël Bembamba, ministre de l’Economie et des Finances, l’a dit sans ambages : « Pour que l’engagement collectif en vue de la réalisation de la SCADD porte ses fruits, la mobilisation effective de l’ensemble des acteurs sectoriels, régionaux, privés et extérieurs, doit être un impératif ». C’est dire qu’il faut une politique publique « lisible, accessible, transparente », notamment pour ce qui est du budget. François Didier Zoundi, ministre délégué auprès du ministre de l’Economie et des Finances, chargé du budget, n’a pas manqué de souligner « la nécessité pour chaque acteur de rechercher une meilleure performance qui, en tant qu’objectif permanent et préoccupation constante pour les autorités publiques, permet d’améliorer l’efficacité de la dépense publique en orientant la gestion vers des résultats prédéfinis ».

Si les ambassadeurs ont, ainsi, dû se remettre à niveau en matière de politique publique, d’économie et de finances, c’est que si la SCADD est l’arme forgée pour gagner la guerre économique, le nerf de cette guerre tient en trois lettres : IED ; les investissements étrangers directs. C’est Djibrina Barry (qui a été par le passé ambassadeur en France), actuellement secrétaire permanent du Conseil présidentiel pour l’investissement, qui a planché sur cette question. « La promotion et le développement de l’investissement privé sont au cœur des politiques et des stratégies de développement économique et social des gouvernants du monde entier », a-t-il souligné, précisant que les flux nets d’IED sont passés de 1,8 million $ par an au cours de la décennie 1980-1991 à 10,2 millions $ pour la décennie 1992-2001 et 25,2 millions $ pour la période 2002-2006 (dollars courants ou constants ? 1 million $ en 1980 ce n’est pas la même chose que 1 million $ en 2006). Notant « l’attractivité relativement continue du Burkina Faso » en matière d’IED, Barry a par ailleurs souligné que la « très forte hausse au cours des années 2009-2010 » résulte des « énormes investissements » réalisés par Iamgold Essakane dans le secteur des mines d’or.

* Au sujet des médiations, Bassolé a souligné qu’en Côte d’Ivoire, « les questions foncières […] se posent toujours » mais que « tout est mis en œuvre par le président Alassane D. Ouattara pour trouver des solutions appropriées ». Au sujet de la Guinée, il a noté que « le processus démocratique demeure fragile » et que « des voix se lèvent pour demander au Burkina Faso d’accompagner ce processus ». Pour ce qui est du Mali, Bassolé a dit que « le Burkina n’a pas été encore sollicité pour une médiation, mais le MNLA est favorable à une médiation de notre pays », ajoutant que « cette crise se complique et nécessiterait aussi l’implication de la communauté internationale » et indiquant que « le Burkina Faso reste disponible à toute sollicitation dans ce sens » tandis que les ambassadeurs ont « souhaité que [le Burkina Faso] se prépare pour une éventuelle sollicitation dans la médiation de la crise malienne ».

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique