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Gaspard Ouédraogo, président du comité de pilotage d’AFRICALLIA : « L’Afrique doit saisir les chances que la crise lui donne »

Publié le lundi 27 février 2012 à 01h36min

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La seconde édition du forum des hommes d’affaires en terre africaine, AFRICALLIA, a refermé ses portes le 24 février 2012. Après 48 heures de rencontres « B to B », une soirée gala au salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO) a définitivement mis fin à cette rencontre. Prestations d’artistes, remises de présents aux participants ont clos à AFRICALLIA 2012, en présence du ministre burkinabè du commerce, de la promotion de l’entreprise et de l’artisanat. Nous nous sommes entretenus avec Gaspard Ouédraogo, le président du comité de pilotage de l’évènement pour qui l’Afrique doit saisir les opportunités qu’offre la crise financière occidentale plutôt que de pleurer.

Quelle appréciation faites-vous du déroulement d’AFRICALLIA 2012 ?

L’impression générale qui se dégage est d’abord une impression de joie de la part des participants qui est un signe qu’ils se sentent à l’aise et qu’ils sont rentrés dans l’exercice. L’autre impression, c’est que tous les délégués qui sont là sont rentrés déjà dans le jeu d’AFRICALLIA qui consiste à faciliter les contacts. C’est très important pour nous parce que le cœur du métier, c’est les rendez-vous B to B. Là, ce sont des rencontres formelles. Mais l’environnement de ces rencontres formelles, c’est tout cet exercice que nous constituerons comme des supports à d’autres rencontres informelles qui sont tout aussi fructueux et qui ajoutent à la touche, du business, la rencontre de l’autre. Toute bonne affaire, pour se nouer a besoin de contact. On peut contacter par Internet, par téléphone, mais rien ne vaut le contact physique humain. Nous avons l’impression que tout le monde est rentré dans l’exercice et c’est ce que nous attendions.

La crise financière que traverse le monde a-t-elle eu un impact négatif sur le déroulement de l’évènement ?

C’est exactement le contraire. La crise financière a révélé des disfonctionnements qui ont sanctionné beaucoup plus la vision économique des pays du Nord. Que ce soit l’Europe ou les USA, c’est une crise financière qui a concerné aussi bien les Etats que les entreprises. Nous avons la chance en Afrique que, nous sommes sous programmes depuis les années 1990 pour la plupart de nos Etats. Nous avons donc été obligé, de force, d’aller à l’école d’une gestion virtuelle de nos économies avec tous les agrégats macro-économiques que le FMI nous a demandés de respecter ; les critères de convergence pour les unions.

Mais, il y a quelque chose d’extrêmement important. Si vous prenez ce qui se passe sur le marché boursier, que ce soit en Europe ou aux USA, la bulle qui a éclaté ne peut pas éclater ici. Parce que lorsque vous allez sur le marché financier de l’UEMOA (BRVM), vous avez des actifs qui ont des contreparties. Si vous achetez des actions dans l’agro-business, c’est des actions dans l’hévéa, dans le palmier à huile, dans les banques, c’est des actions dans les brasseries. Nous ne sommes pas dans le mécanisme sophistiqué des marchés boursiers. Heureusement, Dieu merci. C’est pourquoi, je dis que ce qui paraît être des accidents graves, c’est quand même une crise qui est en train d’entraîner des récessions, nous en avons été préservés parce que nous sommes sur l’économie réelle.

Deuxièmement, l’industrialisation en Europe est déjà faite. Il n’y a plus d’industrialisation à faire. En Afrique, nous sommes en cours d’industrialisation. Donc, les opportunités sont là, les marges de profitabilité existent et surtout nous avons des mécanismes financiers qui permettent de lever des fonds à travers le marché financier, à travers le système bancaire qui, lui, ne ressent pas les secousses de ce qui se passe au Nord. Donc, je pense qu’aujourd’hui, c’est la décennie de l’Afrique. La crise ne doit pas être seulement vue sous son aspect négatif. Certes, les flux financiers venant du Nord, notamment à travers le FMI et la Banque mondiale pour l’appui budgétaire à nos pays vont diminuer de plus en plus. Mais raison de plus pour que nos Etats se tournent vers le secteur privé qui a quelque chose à faire. Il n’est pas nécessaire que les routes qui doivent être bitumées le soient, soit par le budget national, soit par les programmes de la Banque mondiale et du FMI. Pourquoi ne pas demander au privé de venir sous forme de PPP (partenariat public privé).

Et à ce moment, non seulement, nous apportons notre savoir-faire, nous apportons le partenariat que nous pouvons avoir avec les entreprises et les industries du Nord. Nous pouvons aussi apporter les financements. Donc l’Afrique doit saisir les chances que la crise lui donne plutôt que de pleurer avec les pleureurs sans être concerné aussi brutalement que les pays du Nord.

Quels sont les enjeux d’un tel forum ?

Au secteur privé, nous avons engagé une action mais, nous n’avons pas tout à fait déroulé notre agenda final. Mais, je peux vous dire : les B to B, les rencontres que nous sommes en train d’organiser ont pour but de créer une synergie dans le secteur privé africain. Prenez les entrepreneurs nigérians avec tout leur savoir-faire, leurs compétences, ceux du Ghana, d’Afrique du Sud, du Kenya, ceux du Cameroun ; vous mettez ces forces ensemble, nous nous parlons, nous mesurons le potentiel que le secteur privé peut apporter au développement de nos économies. A ce moment là, nous serons une interface avec les gouvernements pour apporter notre part.

On ne va pas l’apporter par charité, mais parce qu’il y a de l’argent à gagner à travers tous ces projets, toutes ces infrastructures à réaliser, toutes ces industries à mettre en place, tous les problèmes du monde. Maintenant, c’est de savoir comment nourrir la population mondiale dans les années à venir. Mais où allez-vous trouver les ressources ? C’est en Afrique qu’il y a des terres arables. Nous avons des entrepreneurs qui ont compris que l’agro-business peut nourrir l’entreprise, créer de la richesse, apporter notre contribution à la formation du PIB de nos pays et apporter aussi de l’emploi dont nos pays manquent cruellement. Tous ces jeunes qui sortent de nos universités, vous n’allez pas en faire des fonctionnaires. Vous allez en faire des ingénieurs, des techniciens, des cadres moyens de l’industrie, des employés, bref nous avons un programme énorme, nous le secteur privé.

Nous avons commencé par l’UEMOA, nous sommes allés vers la CEDEAO. L’Afrique centrale est là. L’Afrique du Sud qui avait demandé à venir n’a pas pu le faire parce que nous n’avons pas pu les rencontrer avant le forum. C’est pour dire que la vocation continentale que nous voulions donner au forum est devenue réalité.
Quel est l’état de la participation pour AFRICALLIA 2012 ?
Nous avions programmé 400 entreprises inscrites pour ce forum AFRICALLIA 2012. Nous avons eu 415 entreprises représentant 19 pays. Mais, le plus important est de dire que dans ce type de forum, le logiciel qui gère les demandes de rendez-vous de l’ensemble des participants, il faut le tourner plusieurs fois pour aboutir à l’ensemble des rendez-vous qui sont programmés. La première fois que la machine a tourné, elle est arrivée à 9 rendez-vous par participant. FUTURALLIA nous a dit que c’est la première fois.

En général, quand le forum se met en marche, au premier tour, ils ont 4 ou 5 rendez-vous par participant. Pour AFRICALLIA, ils ont eu 9 rendez-vous dès le premier tour de machine. Ce qui veut dire que nous avons atteint les objectifs chiffrés, nous avons atteints les objectifs en qualité parce que ce que je viens de vous dire montre la qualité des participants. Ce ne sont pas des marchants du coin. C’est des gens qui sont venus en comprenant le message du forum, en y adhérant. C’est pour cela que nous avons cette qualité des participants.

Quel est le profil des participants ?

C’est un forum transversal qui concerne aussi bien les petites entreprises que les grandes entreprises et les PME-PMI. Tous les acteurs d’activités sont concernés mais nous avons noté de plus en plus que le commerce est le poids lourd. Mais de plus en plus, l’entreprise est en train de prendre une grande part ainsi que les services. Nous en sommes heureux et je note aussi que nous avons envoyé un message qui est de faire en sorte que tous les projets qui concernent l’agro-business soient pris en compte, non seulement parce que c’est le lieu où il y a le plus d’opportunités en Afrique aujourd’hui, mais pour le Burkina Faso vous savez qu’il y a le pôle de croissance de Bagré qui est une sphère dédiée à l’agro-business.

Quelle était l’innovation pour cette 2e édition ?

L’innovation était faire en sorte de quitter le bassin des pays de l’UEMOA pour basculer sur la CEDEAO. C’est réussi puisque le Ghana et le Nigéria sont là. L’horizon à terme est aussi d’arriver en Afrique centrale et australe. C’est quelque chose qui est en train de se faire à notre grande satisfaction.

Peut-on dire que c’est définitivement décidé, le Burkina organisera toutes les éditions d’AFRICALLIA ?

Pas du tout. Puisque pour organiser AFRICALLIA, il faut avoir plusieurs éléments qui soient réunis. D’abord, il faut de la compétence, il faut avoir le savoir-faire. Il faut se former sur le logiciel acquis avec FUTURALLIA et il faut respecter les standards du forum. C’est dire que nous ne pouvons pas, sans avoir permis à ceux qui viennent au forum de voir comment ils organisent, se délocaliser sans être sûr qu’il sera organisé aussi bien qu’on le fait actuellement. Donc, ne vous presser pas, ça va venir. Le forum va être itinérant dans plusieurs pays mais nous ferons en sorte que la qualité qu’on a vu à Ouagadougou soit la même quel que soit le pays où AFRICALLIA va être organisé.

Et la périodicité ?

La périodicité dépendra. Pour l’instant, nous sommes à une périodicité de tous les deux ans, mais vu la demande et l’engouement des participants, pourquoi pas chaque année ? Mais, on le verra à la fin de ce forum, en fonction des besoins qui se seront exprimés, en fonction des désidératas des uns et des autres.

Auriez-vous un dernier message ou un appel à lancer ?

C’est de demander à la presse de jouer son rôle. La presse, c’est l’opinion publique, c’est le 4e pouvoir ; mais je ne suis pas sûr que ce soit le 4e, c’est probablement le 1er. Ce que vous voyez montre qu’il y a un visage positif de l’Afrique, un visage lumineux de l’Afrique qu’il faut montrer à l’opinion publique. Donc, la balle est dans votre camp. Je souhaite que vous fassiez connaître ce forum là, que vous le diffusiez dans tout le continent pour qu’on sache qu’il y a des choses qui marchent, des choses qui avancent en Afrique.

Interview réalisée par Moussa Diallo

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