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Hydrocarbures au Burkina Faso : " Il est extrêmement difficile aujourd’hui d’envisager une quelconque baisse des prix des hydrocarbures à la pompe " Zerbo Youma, président du CIDPH

Publié le vendredi 3 février 2012 à 01h14min

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La question du pétrole est un sujet sensible à travers le monde. Au Burkina Faso, le poids du coût du carburant à la pompe a toujours été une des préoccupations des organisations syndicales et des consommateurs. En 2010, le gouvernement a décidé de bloquer les prix à la pompe, mais avant, il a créé un Comité interministériel de détermination des prix des hydrocarbures (CIDPH) avec pour mission entre autre d’examiner toutes les questions ayant trait au prix des hydrocarbures. Nous nous sommes entretenu avec le président du CIDPH, Zerbo Youma sur ses missions et sur la question cruciale du coût du liquide précieux dans un contexte de renchérissement sur le plan international.

Présentez-nous le CIDPH

Zerbo Youma (ZY) : Le CIDPH est le Comité interministériel de détermination des prix des hydrocarbures. C’est une structure d’aide à la décision que le gouvernement a mis en place pour lui faire des propositions pertinentes afin de déterminer le prix des hydrocarbures mois après mois au Burkina Faso. Elle est chargée d’un certain nombre de missions essentielles parmi lesquelles je peux citer la nécessité de collecter toutes documentations, toutes informations relatives au marché pétrolier international. Donc le CIDPH collecte ces informations et documents, les exploite en vue de retenir des éléments d’informations qui peuvent être nécessaires pour la détermination des prix des hydrocarbures. Il est également chargé de proposer la structure des prix au gouvernement. Chaque mois, c’est cette structure qui fait une proposition de la structure des prix pour le mois à venir au gouvernement.

Qu’est ce que la structure des prix ?

Z. Y : La structure des prix, c’est un certain nombre de charges qui concourent à la détermination du prix du carburant. Le liquide précieux n’est pas produit au Burkina Faso, il faut le localiser sur le marché international, au meilleur prix et l’acquérir. C’est déjà un élément de la structure des prix. Il faut le stoker, il y a des charges de stockage ; il faut le transporter. Depuis l’achat jusqu’à la distribution à la pompe, il y a un ensemble de charges. Il s’agit d’identifier tous ces éléments de charges et de déterminer les montants de ces charges afin que globalement en tirant la somme on sache à combien revient le litre du super 91, du gas-oil à la pompe du Burkina Faso. C’est l’ensemble de ces éléments de charges qui rentrent en ligne de compte dans la détermination des prix des hydrocarbures qu’on appelle la structure des prix.

Maintenant, les montants peuvent varier pour certaines charges d’un mois à l’autre et il y a des montants qui ne varient pas comme la TVA.

Pourquoi un comité interministériel pour déterminer les prix des hydrocarbures ?

Z. Y : Comme je l’ai dit, le gouvernement a voulu s’entourer d’un outil d’aide à la décision et on a pensé que compte tenu de la sensibilité de la question, la diversité des acteurs qui concourent à la gestion du problème, qu’il fallait mettre en place une structure où les experts peuvent avoir l’occasion de mettre ensemble et en commun les informations, les analyses, les visions afin de faire une proposition plus au moins consensuelles au gouvernement. On n’a pas voulu confier à une autorité unique cette question sensible. C’est vraiment le souci de partage de l’information, de la mise en commun des propositions autour d’une question sensible qui a justifié la création d’un comité interministériel.

Quelles sont les structures représentées dans ce comité ?

Z.Y : Les structures qui sont représentées sont au nombre de quatre. Il y a le Premier ministère qui est une structure de coordination de l’action gouvernementale ; il y a le ministère de l’Economie et des Finances ; le ministère chargé du Commerce et le ministère de l’Energie, des mines et des carrières. Ce sont les 4 structures qui sont représentées en plus de la SONABHY qui assiste à titre d’observation aux travaux du comité interministériel de détermination des prix des hydrocarbures.

Le secteur pétrolier bénéficie de subvention. En quoi consiste cette subvention ?

Z.Y : La subvention procède du choix que le Burkina Faso a eu à faire dans la gestion de la question des hydrocarbures. D’autres pays comme le Sénégal et dans une certaine mesure le Mali ont fait le choix de libéraliser ce secteur. Ce qui restreint le rôle de l’Etat à un rôle de régulation, de surveillance. Au Burkina Faso, nous sommes dans un système de libéralisation partielle où la SONABHY a un rôle extrêmement important et d’autres rôles sont assumés par d’autres acteurs du secteur privé. Ce qui fait que le gouvernement au Burkina Faso a décidé de bloquer aujourd’hui à la pompe, depuis 2010, le prix des hydrocarbures.

Ce qui veut dire qu’en cas de tendance haussière, au cas où la vérité des prix se situerait au dessus des prix qui sont bloqués à la pompe, il y aurait forcement un manque à gagner. Il faut justement que quelqu’un paie ce manque à gagner pour permettre à notre pays de continuer à s’approvisionner sur le marché international et à pouvoir mettre les hydrocarbures à la disposition des consommateurs. Sans un système de subvention, vous comprenez qu’il ne sera pas possible au Burkina Faso de continuer à honorer ses engagements puisque ce que nous récupérons à la pompe ne vaut pas le prix réel sur le marché international. C’est ce système de subvention qui permet au consommateur d’avoir toujours à la pompe aujourd’hui les produits à un prix inférieur à celui qu’il aurait payé si on devait sen tenir au prix réel.

Combien coûte cette subvention à l’Etat ?

Z.Y : Nous avons fait le point de chaque mois du manque à gagner. Nous avons atteint le chiffre record de 3 milliards 500 millions de manque à gagner. Ce qui veut dire que c’est la SONABHY qui supporte ce manque à gagner. L’Etat est en train de voir les mesures les plus pertinentes pour permettre à la SONABHY de continuer à honorer ses engagements sur le marché pétrolier international et à continuer à approvisionner dans la sécurité le Burkina Faso en produits pétroliers.

Même avec les prix bloqués les consommateurs supportent durement les prix à la pompe. N’y a-t-il pas de possibilité de revoir ces prix à la baisse ?

Z.Y : Je pense que le gouvernement et les autres acteurs qui interviennent dans la chaîne des produits pétroliers ont fait les sacrifices et les efforts nécessaires pour que le prix qui est actuellement payé à la pompe soit le plus raisonnable possible. Je pense que si vous posez la question à nos transporteurs routiers qui font l’axe Ouagadougou - Lomé, vous vous rendrez compte qu’il est extrêmement difficile à l’heure actuelle, qu’on aille encore à la baisse. Aujourd’hui, la plupart des transporteurs qui font l’axe Ouagadougou - Lomé prennent le grand volume de ravitaillement pour leur camion au Burkina Faso et prennent un complément une fois arrivé au Togo. Tout simplement parce ce que le carburant coûte moins cher au Burkina aujourd’hui qu’au Togo. Le Burkina est un pays sans littoral. Le Togo est un pays côtier. Hier c’était totalement l’inverse, les camionneurs préféraient faire leur ravitaillement au Togo plutôt qu’au Burkina. Vous comprendrez avec tous les efforts qui ont été fournis par les différents maillons de la chaîne, il est extrêmement difficile aujourd’hui d’envisager une quelconque baisse des prix des hydrocarbures à la pompe.

Pas de baisse donc. Mais est-ce qu’on peut s’attendre à une hausse ?

Z.Y : Le gouvernement est en train d’analyser la situation. Je ne peux rien présager parce que nous sommes une simple structure technique chargée de donner des informations et des analyses aux décideurs. Il appartiendra au gouvernement de faire le choix qui rentre dans l’intérêt du Burkina Faso. Je ne peux pas vous dire si on aboutira à un réajustement des prix ou si on maintiendra le statu quo. Toujours est il que nous faisons tout pour que la situation actuelle qui prévaut dans notre pays, dans la sous-région et au plan international soit mise à la disposition du gouvernement et comme vous savez, le gouvernement c’est une institution, une structure d’arbitrage, une structure de choix. C’est à lui seul qu’il reviendra, au vu de la situation, d’aviser.

Au Mali, le secteur pétrolier est totalement libéralisé et les prix sont relativement moins chers à la pompe. Une libéralisation de ce secteur au Burkina Faso ne pourrait-elle pas rendre la situation meilleure ?

Z.Y : Je ne sais si véritablement le carburant est moins cher au Mali. Il faut relativiser les choses. Si c’est une différence de10 francs au litre ou 25 francs, si c’est cela qu’on entend par moins cher, je dis qu’il faut relativiser. Il y a des cas manifestes aujourd’hui qui montrent que le carburant au Burkina Faso coûte moins cher que dans d’autres pays de la sous-région, de pays non côtiers.

Pour le cas du Mali, je ne sais pas si le Burkina Faso doit s’en inspirer pour aller vers une libéralisation totale du marché des hydrocarbures au Burkina Faso. Nous venons de sortir d’un séminaire à Bobo-Dioulasso sur l’organisation de ce secteur au Burkina Faso. Les conclusions des réflexions qui ont été faites par les participants à ce séminaire montrent qu’il n’est pas évident que la solution la meilleure pour le Burkina Faso soit la libéralisation totale de ce secteur. Il y a beaucoup d’inconvénients, certes certains aspects apparaissent comme des avantages, mais la plupart des participants y ont vu beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages. Si je me réfère aux grandes conclusions, je pense que beaucoup de participants ont jugé plus pour le maintient actuel, à savoir une libéralisation partielle qui permet donc à l’Etat de pouvoir acheter sur le marché international les produits pétroliers aux meilleurs prix, de pouvoir les stocker dans de meilleures conditions aux grossistes toujours dans le respect des mesures de qualité et de sécurité.

Or en analysant d’autres expériences de libéralisation totale, on a vu par exemple des questions comme les stocks de sécurité n’étaient pas approvisionnés, la question de la qualité n’est pas maîtrisée, la question de la couverture du territoire en structure et stations de vente des hydrocarbures n’était pas correctement résolue. Bref, je pense qu’à l’heure actuelle, la tendance majoritaire serait que le Burkina Faso garde le statu quo et fasse des améliorations possibles au niveau des différents maillons. Que ce soit au niveau de la SONABHY, des transporteurs, des marketers, il y a un certain nombre d’insuffisances, de faiblesses que le séminaire nous a permis de relever et les uns et les autres pensent qu’en gardant le statu quo et en améliorant ces aspects, le Burkina Faso pourrait avoir un des systèmes les plus performants de la sous-région.

Interview réalisée par Jean Paul Bamogo


Organisation du secteur pétrolier au Burkina Faso

La Société nationale burkinabè d’hydrocarbures (SONABHY) a pour mission l’importation et le stockage des hydrocarbures liquide et gazeux ; le transports, le conditionnement, la vente et la distribution de ces produits ; l’appui à la recherche d’énergie de substitution ainsi qu’à la vulgarisation des techniques d’utilisation ou de consommation d’énergie ; toutes opérations industrielles, commerciales, financières, mobilières ou immobilières se rattachant directement ou indirectement aux produits pétroliers. La SONABHY s’approvisionne en produits pétroliers essentiellement par appels d’offres, par contrat de longue durée auprès de certains fournisseurs disposant de capacité de stockage portuaire et par achats directs. Les approvisionnements par appels d’offres concernent des quantités d’au moins 30 000 tonnes métriques.

Le stockage en transit des produits achetés sur le marché international est effectué à la Société togolaise de stockage (STSL) de Lomé, à Cotonou au dépôt d’ORYX et à la Société nationale de commercialisation de produits pétroliers (SONACOP) à Tema et Bolgatanga au Ghana et à la GESTOCI en Côte d’Ivoire.

Les produits pétroliers achetés par la SONABHY sont acheminés des dépôts côtiers vers les dépôts intérieurs au Burkina Faso par rail et par route. Le transport routier, qui concerne essentiellement les livraisons au dépôt de Bingo, est assuré par des entrepreneurs privés partenaires de la SONABHY. Le transport ferroviaire est assuré par la SITARAIL. Le dépôt de Bobo-Dioulasso est essentiellement livré par ce mode de transport. Les produits pétroliers sont distribués aux consommateurs finaux par l’intermédiaire d’acteurs ou clients grands comptes qui s’approvisionnent directement auprès de la SONABHY. Ces clients grands comptes se composent des marketers, filiales de multinationales (TOTAL, SHELL, OIL-LIBYA, ORYX) ; d’entreprises burkinabé indépendantes de distribution de produits pétroliers (SKI, SOGEL-B, OTAM, PLUF, PETROFA, ACCESS-OIL…..). La structure des prix de la commande à la pompe comprend 13 indicateurs (confère structure des prix dépôt Bingo).


Un aperçu dans les autres pays de la sous-région

- Bénin

L’importation des produits pétroliers est libéralisée et est assurée par des opérateurs publics et privés.

La distribution des produits pétroliers est libéralisée. Il existe une commission mixte composée de représentants de l’Etat, du secteur privé et des associations de consommateurs chargés de calculer et de proposer au gouvernement les prix des produits pétroliers. Les prix sont fixés suivant une périodicité mensuelle. Le Bénin applique le système de tarification ad hoc.

Les produits pétroliers sont assujettis aux prélèvements ci-après : les droits de douanes ; la redevance statistique ; le Prélèvement Communautaire (PC) ; la TVA ; la Taxe Spécifique Unique sur les Produits Pétroliers (TSUPP). Il y a une subvention sur le gaz butane.

- Côte d’Ivoire

L’approvisionnement en produits pétroliers est assuré par la Société ivoirienne de raffinage. Seule une quantité de butane est importée. La distribution des produits pétroliers est libéralisée. La Côte d’Ivoire applique le système de tarification automatique avec une bande de prix.

Les produits pétroliers sont assujettis aux prélèvements ci-après : les droits de douanes ; la redevance statistique ; la Taxe spécifique unique ; la TVA. Il existe une subvention sur le gaz butane conditionné.

- Guinée-Bissau

L’importation des produits pétroliers est libéralisée et est assurée par des opérateurs privés. La distribution des produits pétroliers est libéralisée. Il existe un comité interministériel chargé de la fixation des prix pétroliers. Les prix sont homologués et fixés par arrêté ministériel suivant une périodicité mensuelle. La Guinée-Bissau applique le système de tarification automatique avec bande de prix. Les produits pétroliers sont assujettis aux prélèvements ci-après : la redevance statistique ; le PC ; l’IGV ; l’impôt spécial sur la consommation ; la péréquation transport ; la taxe pour le fonds routier.

Il existe une subvention sur le gaz butane.

- Mali

L’importation des produits pétroliers est libéralisée et assurée par des opérateurs privés. La distribution des produits pétroliers est libéralisée. Il existe une commission chargée de la fixation des prix des produits pétroliers. Les prix sont homologués et fixés par arrêté ministériel suivant une périodicité mensuelle.

Le Mali applique le système de tarification ad hoc. Les produits pétroliers sont assujettis aux prélèvements ci-après : les droits de douanes ; la redevance statistique ; le PC ; la TVA ; la Taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) ; la redevance routière.

Il existe une subvention sur le gaz butane.

- Niger

L’importation des produits pétroliers n’est pas libéralisée et est assurée par une société d’Etat. La distribution des produits pétroliers est libéralisée. Le ministère du commerce est chargé de la fixation des prix des produits pétroliers. Les prix sont homologués et fixés par arrêté ministériel suivant une périodicité mensuelle. Le Niger applique le système de tarification basé sur un mécanisme d’ajustement automatique avec bande de prix.

Les produits pétroliers sont assujettis aux prélèvements ci-après : les droits de douanes ; la redevance statistique ; le PC ; la TVA ; la TIPP ; la taxe pour le fonds de l’énergie. Il existe une subvention sur le gaz butane.

- Sénégal

L’importation des produits pétroliers est libéralisée et est assurée par des opérateurs privés. La distribution des produits pétroliers est libéralisée. Il existe un comité interministériel chargé de la fixation des prix des produits pétroliers. Les prix sont homologués et sont fixés par arrêté ministériel suivant une périodicité de quatre semaines. Le Sénégal applique le système de tarification avec ajustement automatique. Les produits pétroliers sont assujettis aux prélèvements ci-après : les droits de douanes ; la redevance statistique ; la TVA ; la taxe spécifique ; la taxe pour le fonds de soutien à l’importation des produits ; la taxe pour le soutien du secteur de l’énergie ; il existe une taxe négative de stabilisation fiscale.

- Togo

L’importation des produits pétroliers au Togo est libéralisée et est assurée par des opérateurs privés. La distribution des produits pétroliers est libéralisée. Il existe une commission technique de suivi de la fluctuation des prix, chargée de la fixation des prix des produits pétroliers. Les prix sont homologués par arrêté interministériel suivant une périodicité mensuelle. Le Togo applique le système de tarification basé sur un mécanisme d’ajustement automatique avec bande de prix.

Les produits pétroliers sot assujettis aux prélèvements ci-après : les droits de douanes ; la redevance statistique ; le PC ; la TVA ; le droit d’accises résiduel ; la taxe pour le fonds d’entretien routier ; autres prélèvements (taxes pour le port, pour le stockage, pour la péréquation).

Il existe une subvention pour le gaz butane et tous les produits pétroliers (taxes négatives).

Source : Rapport final sur l’atelier régional sur la tarification des produits pétroliers dans les Etats membres de l’UEMOA août 2011.

Par Bendré

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