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Sénégal 2012 : Faut-il régler le dossier casamançais pour gagner la présidentielle ? (1/2)

Publié le mercredi 25 janvier 2012 à 12h32min

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Il y a tout juste cinq ans, le 13 janvier 2007, qu’est mort l’abbé Augustin Diamacoune Senghor*, figure emblématique d’une Casamance « libre et indépendante » (cf. LDD 074/Lundi 15 janvier 2007). C’était à la veille de la présidentielle (25 février 2007) qu’Abdoulaye Wade allait remporter dès le premier tour. Le « dossier casamançais » n’avait pas pesé lourd dans le scrutin.

Sauf qu’il était évident que ce serait plus difficile encore de le régler dès lors que le fondateur du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) - même s’il ne contrôlait plus grand-chose sur le terrain - disparaissait de l’échiquier politique sénégalais.

Wade, au lendemain de sa première élection, en mars 2000, avait fait du traitement de ce dossier une de ses priorités. Et l’avait remis à plat en suspendant toutes les officines qui, sous Abdou Diouf, avaient à connaître ce dossier. Il avait disqualifié les « facilitateurs », les « médiateurs » et autres profiteurs et avait « sénégalisé » les intervenants considérant que l’interface de personnalités régionales (à commencer par le Gambien Yahya Jammeh) n’était pas la plus appropriée. Le 16 décembre 2000, Wade organisera des pourparlers avec le MFDC. Tâche difficile : « L’abbé est incontournable » disait-on alors, mais le mouvement était plus que jamais divisé. Diamacoune, qui avait signé des accords avec le gouvernement de Diouf à la veille de la présidentielle 2000, était considéré par certains de ses lieutenants comme un « traître ». Il est vrai que les chefs rebelles, qui s’adonnent au pillage, au racket, à la contrebande et à divers trafics - ce qui exaspère la population locale - n’ont rien à gagner à la paix. C’était vrai aussi, pour des raisons pas très différentes, pour Banjul et Bissau. Le vendredi 16 mars 2001, cependant, un nouveau cessez-le-feu sera signé. Le quatrième en dix ans. Il ne sera pas plus respecté que les précédents. Et va sombrer avec Le Joola et ses 1.863 morts le 26 septembre 2002. Quand le diable s’en mêle !

Le jeudi 30 décembre 2004, pourtant, un accord de paix sera signé, affirmant la « renonciation définitive à la lutte armée et à l’usage de la violence » du MFDC. Dix-neuf bailleurs de fonds s’engageaient à verser 94 millions d’euros pour la démobilisation et la réinsertion des combattants, le déminage, la reconstruction, le développement des infrastructures. Pour Wade, pas de doute, c’est en développant économiquement la Casamance que l’on pouvait éradiquer un mouvement nationaliste qui n’a apporté que la mort, la misère et le désarroi aux populations locales. C’est Diamacoune et Ousmane Ngom, le ministre de l’Intérieur, qui ont été les signataires, à Ziguinchor, de ces accords.

Le 4 décembre 2004, l’abbé sera reçu par Wade au Palais de la République à Dakar. Sept ans plus tard, rien n’est réglé et les affrontements armés ont repris sans qu’il y ait grand monde, en Afrique de l’Ouest et ailleurs, pour sembler s’en préoccuper. Il est vrai que le 20 décembre 2012, on pourra commémorer le trentième anniversaire de ce jour où, à l’issue d’un mauvais arbitrage lors d’un match de football entre Casa Sports et un club dakarois, le feu va être mis aux poudres à Ziguinchor, le mouvement d’humeur virant au mouvement insurrectionnel à la suite de la répression décidée par Dakar, l’arrestation, le jugement et l’emprisonnement de Diamacoune (il n’en sortira qu’en 1987).

A la veille de la présidentielle 2012, le « dossier casamançais » retrouve une nouvelle actualité. Personne ne peut dire à combien s’élève le nombre de victimes civiles et militaires depuis trente ans ; personne ne peut chiffrer non plus les pertes économiques de la Casamance qui a été, par le passé, un des plus beaux fleurons touristiques du Sénégal. Les dernières morts de civils (à Diagnon) remontent au 21 novembre 2011 ; les derniers militaires tués l’ont été les 13 et 20 décembre 2011 (à Kabeum et Diegoune) à l’occasion notamment d’une prise d’otages de cinq soldats et d’un gendarme. Et, depuis, les incidents ne cessent de se multiplier. C’est dans ce contexte que le Collectif des cadres casamançais a demandé à Dakar et au MFDC de permettre l’implication de la communauté Sant’Egidio dans la recherche d’une résolution du conflit. On ne s’étonnera pas de voir débarquer Sant’Egidio dans ce dossier. Son fondateur, Andrea Riccardi, est l’actuel ministre de la Coopération internationale et de l’Intégration dans le gouvernement italien et chacun sait que la connexion entre Sant’Egidio et le Saint-Siège est étroite. La communauté s’est d’ailleurs beaucoup impliquée dans les « dossiers » africains**, tout dernièrement dans celui concernant la Côte d’Ivoire.

En 2001, Riccardi était à Paris pour recevoir, à l’Unesco, le prix Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix. Au lendemain de cette cérémonie, il avait rappelé à Bapuwa Mwamba (Jeune Afrique Économie - 5 février 2001) qu’étant intervenu en Guinée Bissau, il avait pu suivre « l’évolution dramatique de la Casamance ». Il ajoutait : « Je n’accrédite pas l’idée selon laquelle existent sur le continent des guerres de religion. Mais le risque est grand que de telles guerres se développent en Afrique. Des politiciens peu scrupuleux sont capables de se prévaloir d’une religion pour se constituer une base politique, régionale, religieuse. Cela peut arriver au Soudan, au Mozambique, en Côte d’Ivoire et dans d’autres pays. Même au Sénégal ». C’était déjà clair, il y a plus de dix ans !

L’appel lancé à Sant’Egidio l’a été par le Collectif des cadres casamançais. Il lui est demandé d’être l’intermédiaire entre le MFDC et l’Etat sénégalais. Mais chacun sait que le « coordonnateur » du Collectif, n’est autre que l’architecte Pierre Goudiaby. Qui ne fait pas que construire des bâtiments publics. Atepa (son blaze qui signifie « bâtisseur » en diola), originaire de Casamance, est conseiller spécial du chef de l’Etat et omniprésent quand il s’agit de mener des actions de « diplomatie parallèle » (il était à l’œuvre, notamment, en début d’année 2011, pour assurer le suivi des contacts entre Wade et Kadhafi lors du déclenchement de l’insurrection de Benghazi). Diola de Casamance, où il est né et a été élevé jusqu’à l’âge de 9 ans, sa mère était mariée avec le maire de Ziguinchor tandis que son père était installé à Dakar. Neveu d’Emile Badjal (qui a été ministre de la Coopération), celui-ci l’a recueilli à la mort de son père et lui a permis de faire ses études d’ingénieur et d’architecte aux Etats-Unis (Rensselaer Polytechnic Institute). Il reviendra à Dakar, diplômes en poche, en 1973, se fera nom et fortune à 28 ans en se voyant confier par Abdoulaye Fadiga, le gouverneur de la BCEAO, le siège dakarois de la banque centrale ouest-africaine (Goudiaby est alors associé à Cheikh Ngom dont on dit qu‘il est le véritable concepteur de cette réalisation monumentale pour l’époque). Goudiaby, que Diouf présentait comme « son fils », va devenir « l’archiami » des présidents (Denis Sassou Nguesso, Mobutu Sese Seko, Nino Vieira - qui était aussi un « parent » -, Obiang Nguema Mbasogo, etc.). Homme de toutes les connexions, Goudiaby, revendique être « un bon catholique » et se trouve donc en parfaite adéquation avec Sant’Egidio. Même si on peut s’étonner de cette soudaine « internationalisation » du conflit casamançais à la veille de la présidentielle.

* Je m’étonne que ce cinquième anniversaire de la mort de l’abbé Augustin Diamacoune Senghor soit, me semble-t-il, passé sous silence. Il est vrai que l’abbé n’était plus en odeur de sainteté ni à Rome ni à Ziguinchor ni à Dakar ; il demeure cependant une figure historique non seulement de la Casamance mais du Sénégal.

** Au sujet des médiations africaines de Sant’ Egidio, lire les « Dépêches Diplomatiques » signées Anne Dalaine, envoyée spéciale à Rome (cf. LDD Sant’Egidio 001 et 002/Vendredi 19 et Lundi 22 décembre 2008), consacrées à un entretien avec Mario Giro, responsable des relations internationales de cette communauté.

A suivre
Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 25 janvier 2012 à 17:23, par L’homme intègre a Dakar En réponse à : Sénégal 2012 : Faut-il régler le dossier casamançais pour gagner la présidentielle ? (1/2)

    Bonjour,
    Quelles sont vos sources quant a l’origine reelle de la crise en Casamance ? Vous parlez d’un match de football mal arbitre. Je souhaite en savoir davantage.
    Merci.

  • Le 26 janvier 2012 à 11:51, par Famille de victime du Joola En réponse à : Sénégal 2012 : Faut-il régler le dossier casamançais pour gagner la présidentielle ? (1/2)

    M. ATEPA NE DEVRAIT PAS OUBLIER LES NAUFRAGES DU JOOLA, CES FANTOMES QUI HANTENT....
    TROP DE QUESTIONNEMENT AUTOUR DE CE CADRE CASACAIS.....DE SON INTEGRITE.....TROP D’HYPOCRITIE....
    LA CORRUPTION UN FLEAU AU SENEGAL !!!
    à l’origine de la plus grande catastrophe maritime civile mondiale à ce jour :
    NAUFRAGE DU JOOLA 26/09/2002 près de 2000 victimes, 13 nationalités,
    CES FANTOMES QUI HANTENT….. DIEU EST GRAND ET IL SAURA APPORTER VERITE ET JUSTICE

    On ne peut pas tourner la page quand on sait que le drame était prévisible...
    Tous du Président, son fils, aux ministres savaient que le bateau n’était plus navigable et pourtant on l’a remis en rotation après plusieurs avaries (la dernière 10 septembre 2002, le drame a eu lieu le 26 septembre).
    2000 victimes mortes dans d’atroces souffrances pour la plupart des jeunes. Les secours n’arriveront que 18 h après alors que le drame était connu dès la toute première heure, pourquoi ???? tout était possible, des victimes abandonnées….
    Pourquoi le Président Wade a-t-il refusé que les forces françaises décollent pour porter secours ?
    Un pool d’avocats sénégalais payés sur les deniers publics pour faire annuler tous les mandats mais la procédure judiciaire en France toujours en cours et toujours 7 mandats d’arrêts internationaux à l’encontre des présumés coupables.
    Une épine entre la France et le Sénégal, un drame méprisé et bafoué mais des familles de victimes déterminées.....
    Des intérêts économiques et politiques (françafrique) entravent la vérité et la justice et bafouent les droits de l’homme. trop de zones d’ombres autour de ce drame.
    MERCI D’HONORER LA MEMOIRE DES DISPARUS
    RECHERCHER sur Youtube des vidéos sur le naufrage du Joola au LENDEMAIN DU DRAME, des images douloureuses et des témoignages très forts dont certains qui confirment que l’état était au courant très tôt.... et sur google : 2009 france inter joola des témoignages qui accusent le pouvoir sénégalais.

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