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Côte-d’Ivoire-France : Thierry Le Roy, un énarque français, conseiller d’Etat, est chargé de réhabiliter l’Etat ivoirien.

Publié le mercredi 25 janvier 2012 à 12h35min

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« L’houphouëtisme », c’est cela aussi. Le recours au savoir-faire extérieur dès lors que l’on aborde des problèmes fondamentaux qui ne peuvent pas être, totalement, résolus en interne : économie, défense, administration, éducation, etc. Alassane D. Ouattara a donc entrepris, à l’instar du « Vieux », d’avoir à ses côtés des hommes qui parlent sa langue - celle de la haute administration - et qui ont sa manière d’être : discrétion et ce qu’il faut de componction « technocratique » pour rompre avec le côté « popu » de Laurent Gbagbo et « rebelle » de Guillaume Soro. Félix Houphouët-Boigny avait ses « Blancs » ; ADO a les siens aussi.

Dans un contexte qui n’est pas vraiment différent : pour Houphouët, il s’agissait de combler le vide créé par une indépendance trop brutale à ses yeux ; pour ADO, il s’agit de trouver les compétences « étatiques » qui n’ont pas pu émerger lors des vingt dernières années. Même objectif : aller plus vite, plus loin ! Dernière recrue : Thierry Le Roy. Mission : réhabiliter la fonction étatique. ADO n’a pas eu à aller chercher loin : Thierry est le frère aîné d’Alain Le Roy qui était, voici peu de temps encore, secrétaire général adjoint de l’ONU en charge des opérations de maintien de la paix. Sa compétence et sa détermination ont contribué à placer ADO là où il est aujourd’hui.

Avant de parler des fils, parlons du père. Jean Le Roy était né le 30 août 1909. Ancien élève de l’Ecole normale supérieure, agrégé de l’université (histoire et géographie), licencié ès lettres, il sera attaché d’ambassade à Berlin, en 1937. Le bon endroit au bon moment ! Au printemps 1939, après la déclaration de guerre, il rejoindra l’administration centrale et sera nommé chef adjoint du cabinet du ministre des Affaires étrangères le 9 juin 1940, à la veille de l’invasion de la France (c’est Paul Reynaud qui était alors, dans le même temps, patron du Quai d’Orsay et président du Conseil). Heures cruciales et douloureuses. Après la signature de l’armistice, Jean Le Roy sera nommé à Stockholm avant d’être révoqué par Vichy, le 1er février 1943, et déchu de la nationalité française : il avait gagné Londres le 23 août 1943. Il terminera sa carrière comme ministre plénipotentiaire après avoir été en poste, notamment, à Londres et à Moscou (où sont nés ses fils). Il est mort, prématurément, en 1963.

C’est donc à Londres, où son père était en fonction (sa mère est née Monette Striedter), que Thierry Le Roy est né le 12 janvier 1947. C’est un IEP-Paris, licencié en droit, titulaire d’un DES de droit public, ancien élève de l’ENA, promotion « Simone Weil » (1972-1974). Auditeur (1974) puis maître des requêtes (1979) au Conseil d’Etat, il sera conseiller juridique du Secrétariat général du comité interministériel pour les questions de coopération économique et européenne de 1979 à 1981. Au lendemain de la victoire de François Mitterrand, il sera directeur de cabinet de François Autain, secrétaire d’Etat chargé des immigrés (1981-1982), puis conseiller technique au cabinet de Pierre Mauroy, Premier ministre (1982). Par la suite, il sera chef du service des entreprises nationales au ministère de l’Industrie (1982-1984) et directeur de cabinet de Jack Lang, ministre de la Culture (1984-1986). Après la défaite de la gauche au législatives de 1986 puis l’arrivée de Jacques Chirac à Matignon, il sera directeur du patrimoine puis commissaire du gouvernement près l’assemblée du contentieux et les autres formations de jugement du Conseil d’Etat (1987-1988).

Quand les socialistes reviendront au pouvoir, en 1988, Thierry Le Roy sera nommé chef du service juridique et technique de l’information à Matignon ; le premier ministre était alors Michel Rocard (1988-1991). Thierry Le Roy va être très présent dans le domaine culturel*. A compter de 1989 (et jusqu’en 1992), il sera président du conseil d’administration de l’Ecole nationale supérieure des beaux arts avant d’être nommé directeur de la musique et de la danse au ministère de la Culture (1991-1993). Il sera également membre consultatif des programmes d’Arte à compter de 1996. La victoire des socialistes aux législatives anticipées de 1997 et la nomination de Lionel Jospin à Matignon vont le propulser au cabinet de Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur, en tant que chargé de mission (1997-1999). Il sera, par la suite (février 1999-octobre 2000), délégué aux affaires internationales, toujours au ministère de l’Intérieur. Il va retrouver, ensuite, la préfectorale comme préfet de la Dordogne.

Entre temps, le 29 octobre 2000, il aura été porté à la présidence du conseil d’administration de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) et il y demeurera jusqu’en octobre 2003 (il y avait été auditeur en 1994-1995). Il retournera, par la suite, au Conseil d’Etat comme président de sous-section au contentieux (2003-2008) puis président adjoint de la section de l’intérieur à compter de 2009. A noter que, de 2006 à 2010, il se sera intéressé aux questions d’urbanisme étant garant de la concertation sur le projet de rénovation des Halles à Paris. Il vient de prendre, le 29 novembre 2011, la présidence de l’Office du tourisme et des congrès de Paris, poste auquel il a succédé à Jean-Claude Lesourd. Marié le 3 juillet 1976 à un médecin généraliste (Véronique Caudal-Le Roy) installé à Paris, père de deux filles et d’un garçon, Thierry Le Roy avait été élu en 2001 conseiller municipal d’Issy-les-Moulineaux.

Son frère cadet n’est donc autre que le diplomate Alain Le Roy dont le parcours professionnel a été particulièrement dense. Ingénieur chez CFP-Total, il a rejoint la préfectorale puis le Conseil d’Etat avant d’être nommé représentant spécial de l’Union européenne en Macédoine. A partir de 2002, il va faire carrière dans la diplomatie : ambassadeur à Madagascar (2005-2007) puis ambassadeur chargé du projet d’Union pour la Méditerranée (UPM), une idée de gauche (né dans le proche entourage des « rocardiens ») que Le Roy va faire aboutir à droite. A l’issue du premier sommet de l’UPM, le dimanche 13 juillet 2008, il va se voir confier la charge des opérations de maintien de la paix en tant que secrétaire général adjoint des Nations unies. Un job où il va s’illustrer, notamment dans la gestion particulièrement délicate du dossier… ivoirien. Il décidera, cependant, de le quitter à l’issue de son mandat pour des « raisons familiales » (cf. LDD Nations unies 023/Jeudi 30 juin 2011).

Après que le petit frère ait contribué à faire tomber Laurent Gbagbo à Abidjan, voilà le grand frère qui prend du service aux côtés d’Alassane Ouattara. Pour faire de l’Etat ivoirien, qui a sombré dans la déliquescence sous Gbagbo, un Etat moderne et efficace. La liste des « Blancs » d’ADO s’allonge alors que le président de la République est attendu dans les heures qui viennent à Paris pour sa première visite officielle. Pour sceller « diplomatiquement » une connexion particulièrement étroite avec le chef de l’Etat français à moins de cent jours d’une présidentielle qui pourrait provoquer une alternance politique. Mais Ouattara sait faire la part des choses. Nicolas Sarkozy est un ami personnel (plus largement le couple Sakozy-Bruni est ami avec le couple ADO-Dominique) mais c’est à la France qu’il est redevable d’avoir évité le pire en 2002 et en 2011. C’est ce que ne manque pas de faire remarquer l’appel à ses côtés de Thierry Le Roy, plutôt à gauche (la gauche « rocardienne ») qu’à droite quand son frère, Alain, pouvait être considéré comme un « centriste ». C’est dire qu’au-delà du politique, c’est le savoir-faire qui prime. Plutôt rassurant !

* Il a été l’auteur, avec Yves Doutriaux, du rapport provisoire en date du 4 mars 2008 chargé de faire des propositions quant aux relations entre la direction générale de la mondialisation du ministère des Affaires étrangères et européennes et ses opérateurs. Doutriaux-Le Roy proposaient alors la création d’une « agence de service public », à l’exemple du Royaume-Uni et de la Suède, qui serait responsable de la politique de rayonnement culturel de la France.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 25 janvier 2012 à 13:07, par yasida En réponse à : Côte-d’Ivoire-France : Thierry Le Roy, un énarque français, conseiller d’Etat, est chargé de réhabiliter l’Etat ivoirien.

    Si hier, le problème de ressources qualifiées se posaient à l’Afrique, ce n’est plus aujourd’hui. D’abord y’a des ivoiriens qui ont certainement suivi les cours que ce monsieur a suivi et quant à l’expertise, Matignon ou l’Elysée, est-elle plus opérationnelle que celle de ceux qui sont nés en CI et porte dans leur sang les effluves de la lagune ébrié ? Ah, complexe, quand tu nous tiens !

  • Le 25 janvier 2012 à 13:30 En réponse à : Côte-d’Ivoire-France : Thierry Le Roy, un énarque français, conseiller d’Etat, est chargé de réhabiliter l’Etat ivoirien.

    le Bejot a encore frappé Et vlan ! Quelle misere !!!
    Au moins il a l’avantage de nous dire ce qui se passe en Afrique et pour qui travaillent ouattara et qui sont les vrais acteurs de l’exploitation des africains, ces hommes dits de l’ombre tels les cafards qui ont horreur de la lumiere du jour vu les basses oeuvres qu’ils operent : chacun joue sa partition dans cette mafia d’esclavagistes modernes, autoproclamés amis des africains, (m Bejot y compris) Mais sachez que les africains ne sont si idiots que vous le pensez : quelles que soient vos manoeuvres, on les comprend
    SOME

  • Le 25 janvier 2012 à 14:08 En réponse à : Côte-d’Ivoire-France : Thierry Le Roy, un énarque français, conseiller d’Etat, est chargé de réhabiliter l’Etat ivoirien.

    pkoi ado n’a pas fait appel à un de nos hauts fonctionnaires sorti de notre minable enam ? ma foi,la transformation de nos pays en sous-préfectorat français continus mais on n’a qu’a s’en prendre à nous-memes pcq aucune grande école en administration en afrique et avec le niveau trop bas de l’enseignement,avec notre enam produit des médiocres et ces memes médiocres bandent leurs muscles qu’ils sont les plus beaux,les plus intelligents pourtant ils ne maitrisent aucunes expertises pour faire avancer les choses. pour ça,on peut ne pas aimer la france mais leur ena c’est le nec plus ultra et si ça continue avec la dégradation de notre système éducatif,ça sera une aubaine pour la france qui va recoloniser en masse nos pays par le biais de ses matières grises surtout que ceux qui ont la chance de faire des bonnes études en europe ne veulent plus rentrer
    en tt cas prési ado,quand tu auras fini d’utiliser mr le roy,tu nous l’envoies pcq c’est ossi la pagaille ds notre administration

  • Le 25 janvier 2012 à 18:19, par tengbiga En réponse à : Côte-d’Ivoire-France : Thierry Le Roy, un énarque français, conseiller d’Etat, est chargé de réhabiliter l’Etat ivoirien.

    J apprecie bien Ouattara en comparaison av gbagbo, mais la il commence a me recevoir av ces fameux technocrates français. Il y a de très grands juristes ivoiriens ou africains qui auraient pu l aider a reformer l état ivoirien av l avantage qu ils connaissent mieux l Afrique ! Bonne chance a lui !

    • Le 25 janvier 2012 à 21:33, par Biiga En réponse à : Côte-d’Ivoire-France : Thierry Le Roy, un énarque français, conseiller d’Etat, est chargé de réhabiliter l’Etat ivoirien.

      Eh mon frère,ici c’est pas affaire de juristes avec leurs bla bla qui saoulent avec des mots comme consensus et autres.Ce Thierry Le Roy est sorti de l’ENA,une école d’excellence où pour réussir le concours il faut déjà être outillé en faisant d’autres écoles comme IEP,la Centrale,Polytechnique.C’est pas comme notre ENAM avec des pauvres bac+3 ou 4.Donc tu te trompes puisque si c’était uniquement le droit qu’il fallait maitriser,ADO n’allait pas chercher ailleurs.Il faut être honnête même si ça fait mal et l’autre internaute a tout compris,c’est le haut de gamme qu’il est allé chercher et ne fait pas des comparaisons avec notre ENAM où les fonctionnaires sortent sans bagages intellectuels suffisants,incapbles de faire un audit élémentaire puisqu’ils ne peuvent même pas se comparer avec les fonctionnaires de catégorie A qui sortent de l’anti chambre de l’ENA à savoir l’IRA(Institut Régional de l’Administration).Mon frère,nous avons encore du boulot parceque les petits stages là bas ne suffisent pas

      • Le 26 janvier 2012 à 22:59 En réponse à : Côte-d’Ivoire-France : Thierry Le Roy, un énarque français, conseiller d’Etat, est chargé de réhabiliter l’Etat ivoirien.

        Tu avais bien commence mais tu as mal fini. Ce petit blanc n’est pas forcement plus homme de gamme que nos ENA(m)Rcs. Ce n’est pas parce qu’ il a fait l’ ENA qu’ il est forcement la panacee. La meilleure ecole ne fait pas forcement le meilleur eleve. Des juristes burkinabe sont sortis de la Sorbonne mais se relevent des leche- bottes. Ce n’est pas une question de technicite. C’est une question d’ avoir les bras libres ou du moins l’ estomac libre pour prendre les decisions necessaires. ADO a raison. Aucu ivoirien ne peut le conseiller de facon libre actuellement. Ils sont trop mouilles dans un camp ou dans un autre ou tout simplement dans les deals. A un certain moment, pour redresser une entreprise, il faut totalement aller ailleurs puiser des visions neuves sinon quelques soient les types de remplacements, vous ne pouvez rien changer. Les gens reagissent avec leur coeur. Balle a terre et vous verrez qu’ ADO sait ce qu’ il fait. Sinon il n’ allait pas se donner si bellelement aux attaques petites des gens qui voient partout la neocolisation.
        MBA

  • Le 30 janvier 2012 à 10:59 En réponse à : Côte-d’Ivoire-France : Thierry Le Roy, un énarque français, conseiller d’Etat, est chargé de réhabiliter l’Etat ivoirien.

    Il touchera combien comme salaire ce toubab ?
    Enfin, on considère que ADO sait ce qu’il fait !!!!

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