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Burkinabè rapatriés de Libye : Victimes de racisme ?

Publié le lundi 18 octobre 2004 à 07h00min

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Le vendredi 15 octobre 2004, le Burkina Faso a accueilli plus d’une centaine de nos compatriotes rapatriée de la Libye. Ils ont été reçus au stade du 4 août où ils ont été recensés avant que chacun ne rentre chez lui. Nous leur avons rendu visite pour en savoir plus sur leur Odyssé forcée

Nicolas Yoani (Secrétaire général de la communauté burkinabè en Libye) : " Nous ne devons pas pleurer sur notre sort"

Ce rapatriement est une politique libyenne visant maintenant à purifier son pays. Je dis purifier parce qu’ en 1999 les Libyens ont fait savoir que l’Afrique c’est Libye et que la Libye c’est l’Afrique. Nous sommes alors partis dans ce pays pour y travailler Et aujourd’hui on nous dit que la Libye est victime d’une invasion d’immigrés clandestins. On ne sait pas ce que ça veut dire. Tous ce que nous savons c’est que nous avons été victimes, sinon les otages des ambitions politiques de certains pour se libérer de je ne sais quoi.

Mais ce qui est sûr c’est que les membres de cette communauté ont acquis une certaine expérience dans ce pays-là. Maintenant il s’agit de savoir comment utiliser cela pour le développement du Burkina Faso. Nous sommes des adultes et nous ne devons pas pleurer sur notre sort surtout que nous sommes conscients de ce qui se passe. Nous devons au contraire nous battre pour relever notre pays. Parmi nous, il y a des gens qui ont exercé dans plusieurs secteurs d’activités. Et cela est un atout pour le Burkina.

Moi j’ai passé trois ans et demi là-bas mais il y en a qui y ont fait 4 ans ou dix ans de séjour. Il faut dire que les Libyens ont été clairs en nous rapatriant. Ils ont dit qu’ils exigent maintenant certaines conditions pour rentrer en Libye. Il y a d’abord le passeport qu’il faut avoir auprès de l’ambassade de Libye au Burkina ; ensuite une fois arrivé en Libye il faut être muni d’un contrat de travail ; enfin il faut être enregistré au niveau de l’administration Libyenne. Tous ceux qui ne sont pas en possession de ces différents papiers ont été priés de quitter le pays. C’est ce qui nous a été dit officiellement à travers notre ambassade.

Nous avons été rapatriés par un cargo. Il avait à son bord 161 Burkinabè à ma connaissance, dont 85 prisonniers et le reste composé de gens qui étaient obligés de partir parce que ne remplissant pas les conditions. Je voudrais remercier ambassade du Burkina en Libye qui nous a beaucoup soutenus afin que nous puissions emporter nos bagages. Personne ne se plaint d’avoir laissé une aiguille là-bas à Tripoli. Nous lui manifestons notre gratitude pour tout ce qu’il a fait et continue de faire pour nos compatriotes qui y sont toujours...


Yannick Tougma :" Les Libyens sont racistes"

Je ne suis pas satisfait de mon séjour en Libye. La vie y est dure. Beaucoup de nos frères étaient désoeuvrés et parcouraient les rues dans la misère. Il y en qui ont logé dans des enclos parce qu’ils n’avaient pas les moyens pour louer un appartement. Et les Libyens sont racistes.

Ousseni Boly : " La Libye est un grand espoir pour l’Afrique"

Je suis parti en Libye en 1999. Grâce à Dieu je gagnais bien ma vie. Vu l’ouverture de la Libye pour l’Union africaine, beaucoup de gens s’y sont rués. Mais c’était des gens qui émigraient sans un visa parce que le Guide de la Révolution libyenne le leur avait permis. La Libye était sous embargo et ne contrôlait pas les entrées de ces gens qui foulait son sol.

Aujourd’hui il n’ ya plus d’embargo ; les Européens ne veulent plus les Africains chez eux. La Libye doit contrôler l’immigration sur son sol. Elle n’a pas chassé les gens définitivement. Elle a seulement dit de partir et revenir dans les conditions et les normes pour avoir de bons boulots car il y aura l’installation de grandes société en 2005. La Libye est un grand espoir pour toute l’ Afrique. Je pense que les Africains doivent nourrir de nouvelles idées pour l’exploitation du potentiel de ce pays.

Je remercie les autorités burkinabè. Je remercie le Guide de la révolution libyenne de s’être toujours mis à la disposition de l’Afrique. Mais il faut qu’il veille à la sécurité des Noirs chez lui. Sa population n’épouse pas forcément sa vision à l’égard des Noirs africains.? Nous aimerions que notre ambassade soit mieux dotée pour protéger les compatriotes qui résident en Libye.

Quand nous avons des problèmes avec la police libyenne par exemple l’ambassadeur ne peut pas nous voir quand il le désire. Cela n’est pas normal. Il faut que la Libye respecte les droits de l’homme. Il serait bon de réfléchir dans le cadre de l’Union africaine, sur la possibilité de création des agences de recrutement pour aller y travailler.

Issoufou Ouédraogo :( Ex prisonnier en Libye) :" On nous privait d’eau en prison"

Nous avons été refoulés à cause de la couleur de notre peau. Le racisme sévit en Libye. Nous n’y sommes pas aimés. Nous sommes payés en deçà de notre dû . Ils nous demandent des papiers sans créer les conditions qui puissent nous permettre de les établir sur place en Libye. Notre rapatriement n’a pas été fait dans l’ordre. Il y en a qui ont été extirpés de leur maison sans bagage. Certains sont sortis directement de la prison pour être rapatriés.

D’autres n’avaient rien, même pas de chaussures. C’est grâce à la solidarité des uns et des autres qu’ils ont pu s’habiller convenablement. En prison, nous étions pas bien traités. On nous privait d’eau et de nourriture et il n’y avait pas de soins pour les malades. On a été dépossédé de nos papiers (passeport, carte d’identité...)

Dramane Bakoan :" Ce retour n’a pas été volontaire"

J’ai fait un an et demi en Libye. Ce rapatriement n’a pas été volontaire. Les autorités libyennes se sont servies de ce terme pour faire croire à face du monde que nous quittons leur pays de bon gré. Il y avait une telle pression que nous étions obligés de partir. Des gens ont été arrêtés dans la rue pour être rapatriés

Pioussè Kouarabou (Ex prisonnier en Libye) :" Je n’ai plus rien"

Je pense que ce qui nous est arrivé est de la faute du président libyen. Il nous a fait venir travailler comme des esclaves durant l’ embargo qui pesait sur son pays. Et une fois l’embargo levé, il nous jette à la porte. Moi j’ai été saisi sur mon lieu de travail par des policiers. Ils m’ont retiré tous les papiers et même les 700 F CFA que j’avais sur moi. Présentement je n’ai rien sur moi. Je ne sais pas comment rentrer au village. Je n’ai ni sou ni papier.

Propos recueillis par Hervé YAMEOGO
Le Pays

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