Le Niger et le Bénin ont pu circonscrire au plus vite les mouvements de contestations nés après l’élection, pour retrouver une vie assez normale. Il en a été autrement pour la Côte d’Ivoire qui a sérieusement eu de la peine à apercevoir le bout du tunnel. Des statistiques sur le continent africain citées par Ruby Sandhu-Rojon, Coordinatrice résidente des Nations unies au Ghana, lors du 8e forum africain sur la gouvernance, prévoient en 2012 des élections dans 20 pays africains, et révèlent que durant l’année 2011, plus de 30 élections présidentielles, législatives et locales ont été organisées sur le continent. La fonctionnaire onusienne n’a naturellement pas omis de préciser que certaines d’entre elles ont été émaillées de violences suivies de chaos. La météo électorale de 2012 en Afrique occidentale annonce néanmoins un temps plus ou moins favorable dans deux de ses pays qui émergent du lot, de fort belle manière.

Les prémices des élections présidentielles qui se dérouleront dans l’ancienne Gold Coast et l’ex-Soudan français laissent déjà entrevoir des scrutins paisibles et transparents. Le sens du patriotisme, de la responsabilité et le noble esprit démocratique des dirigeants de ces pays ont sans doute contribué à y instaurer un climat propice à l’expression démocratique. Le pays de Kwamé N’krumah détient à n’en pas douter la palme d’or en matière d’organisation et de tenue d’élections propres dans la sous-région. Les brillants succès enregistrés par les précédentes élections ont fini par séduire littéralement les Nations unies. Résultat : l’institution intercontinentale a succombé à la sage tentation de faire de ce pays anglophone géographiquement encadré par trois voisins francophones, une référence en matière d’élections libres et transparentes.

Sans perdre de temps, elle a déjà recommandé le système électoral ghanéen aux pays africains qui peinent à tenir des scrutins propres. Pour ce faire, le représentant du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) en Ethiopie a suggéré à l’Union africaine (UA) d’étudier le processus électoral au Ghana afin de l’adopter comme modèle de réussite et d’alternance sur le continent noir. Cette proposition de l’ONU portée par Khabele Matlosa a des chances de prospérer dans la mesure où elle a été appuyée par Harmandip Ruby Sandhu-Rojon, qui a ajouté que la récente transition pacifique au Ghana prouve le haut degré de maturité des partis politiques et des dirigeants de ce pays qui ont su dépasser leurs divergences politiques.

Les élections ghanéennes sont ainsi en passe de devenir une espèce de feuille de route pour tout un continent. N’en déplaise aux « faux prophètes » en mal de chiffre d’affaires, de l’acabit de l’ « apôtre Addo Agyekum » de l’église adventiste du Christ qui prédisent des troubles électoraux. Heureusement qu’excédés par les « prophéties » inopportunes qui se sont révélées maintes fois mensongères de ces semeurs intéressés d’angoisses, les Ghanéens ne se sont pas rabaissés à les prendre au sérieux. Ce serait donc sans surprise que le président ghanéen Atta Mills et ses compatriotes relèveront le défi à eux lancé par le Secrétaire général de l’ONU.

Celui-ci a effectivement invité le locataire du palais d’Onu à Accra à saisir l’occasion de la prochaine présidentielle pour montrer au monde les références démocratiques de son pays. Une invite qui vaut sans doute aussi pour le président malien Amadou Toumani Touré, sur le point, lui aussi, de confirmer les mérites démocratiques de son pays. En capitaine impartial, le tombeur du despote et dictateur Moussa Traoré conduira sûrement le navire électoral à bon port. Et sa non-participation en tant que candidat à l’élection, constitue un atout majeur pour une alternance acceptable par tous les Maliens. Se trouve cependant aux antipodes de ces deux exemples africains de démocratie, le Sénégal dont les dirigeants actuels s’échinent à briser l’image autrefois incontestable de vitrine de la vitalité démocratique sous-régionale.

Le très beau et délicieux temps que fait prévaloir la brise démocratique qui souffle actuellement au Ghana et au Mali contraste fort avec la tempête latente qui menace de ravager le pays de la Téranga. La présidentielle sénégalaise à venir aurait pourtant pu compléter honorablement et harmonieusement la belle liste des présidentielles de l’espoir ghanéenne et malienne si seulement le plus contesté de ses candidats pouvait avoir un sursaut patriotique en renonçant à briguer un nouveau mandat. C’est peut-être exagérément utopique. Mais le vœu, plus pieux que rationnel, qu’un Africain digne de ce nom ne peut pourtant s’empêcher de formuler, c’est qu’à l’issue de l’inévitable validation de sa candidature par le Conseil constitutionnel, le président sénégalais Abdoulaye Wade, se comporte en sage Gorgui. Soulagé d’avoir réussi à légaliser au forceps sa situation de présidentiable, on ose encore espérer qu’il surprendra agréablement le monde, en sortant du palais présidentiel de Dakar par la grande porte, qu’il s’ouvrira avec la clé du retrait de sa candidature.

« Le Pays »