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Chambre de commerce du Burkina : Alizèta Ouédraogo va devoir booster la relation économique avec la Côte d’Ivoire (2/2)

Publié le jeudi 5 janvier 2012 à 00h51min

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Au début des années 1990, Ouaga murmure qu’Alizèta Ouédraogo est une femme riche. Elle est la propriétaire et la patronne du groupe Tan-Aliz qui contrôle le secteur des cuirs et peaux au Burkina Faso. Le mariage de sa fille avec le frère cadet du chef de l’Etat (cf. LDD Spécial Week-End 0519/Samedi 31 décembre 2011-dimanche 1er janvier 2012) va faire d’elle, désormais une femme puissante.

Alizèta Ouédraogo, présidente de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso, va devoir booster la relation économique avec la Côte d’Ivoire (2/2)

Quand la Société de construction et de gestion immobilière du Burkina Faso (Socogib) va être privatisée, elle va s’en porter acquéreur. La Socogib, née au temps de la « révolution », en octobre 1984, de l’absorption de la Société de promotion et de gestion immobilière (Soprogim) par la Société immobilière de la Volta (SIV), assurait la construction de logements pour la location simple et la location vente ou la vente au comptant, ainsi que la gestion et la maintenance immobilière ; elle employait une quarantaine de personnes. La libéralisation de l’économie va lui donner un coup de fouet. Nouveaux produits, nouveaux chantiers à Ouaga comme en province.

En octobre 1997, Alizèta Ouédraogo va fonder Aziz Immobilier SA (Azimmo), une société de promotion immobilière. Logiquement, Alizèta Ouédraogo va s’intéresser au BTP et créera la Société africaine de construction de barrages, d’aménagements hydroagricoles et de travaux publics (SACBA/TP) qui va surfer sur les chantiers qui s’érigent un peu partout au Burkina Faso.

On dit d’elle, aujourd’hui, qu’elle est la femme la plus riche du Burkina Faso. Et le fait d’être devenue « la belle-mère nationale » ajoute à sa légende. La voilà désormais patronne de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso, à la tête d’un budget de fonctionnement et d’investissement de plus de 14,28 milliards de francs CFA. Au passage, notons que c’est la première fois qu’une femme accède à cette responsabilité au Burkina Faso et, qu’à ma connaissance, c’est également une première en Afrique noire francophone. Elle est aussi membre du Conseil présidentiel pour l’investissement (CPI), dont le secrétaire permanent est Djibrina Barry. Elle y côtoie non seulement le chef de l’Etat mais les têtes d’affiche du monde burkinabè des affaires, des industriels, des banquiers, des entrepreneurs… des personnalités « mondiales » : Paul Derreumaux, Abdeslam Ahizoune, Larry Phillips, Alain Viry, Nicolas Zelensky, Pascal Marquis, Vincent Bolloré, Maurice Lam, Cheick Modibo Diarra, Emilienne Macaulay, Jean-Louis Vinciguerra, Takeshi Nagamoto…

Autant d’occasions, pour Alizèta Ouédraogo, de se retrouver sur le devant de la scène. Et, du même coup, de placer sous la loupe médiatique la politique sociale de la « patronne » qu’elle est avant d’être « la » personnalité politico-sociale majeure du Burkina Faso. Les travailleurs de Tan-Aliz parviennent ainsi à mieux « vendre » leurs grèves comme ils l’ont fait en septembre 2011 pour « exiger des autorités de la société Tan-Aliz le respect des engagements vis-à-vis de la loi et la satisfaction de la plateforme revendicative adressée à la direction depuis 2003 ». Présidente de la Chambre de commerce, la voilà bien plus encore sous les projecteurs ; ce qui ne semble pas vraiment lui convenir, la communication n’étant pas sa « tasse de thé ».

Jusqu’à présent dans l’ombre du monde des affaires et du monde politique, Alizèta Ouédraogo va se trouver, désormais, bien plus exposée. Certes, de 1995 à 2010, son prédécesseur, Oumarou Kanazoé, n’avait pas été un champion de la communication. Sauf que le contexte n’est plus le même et que la « considération » qui s’attachait au vieil homme de Yako ne sera pas nécessairement de mise à l’égard de « Gando », qui a fait sa fortune dans une activité industrielle particulièrement polluante, ce qui n’arrange pas son relationnel avec les populations des alentours. Et puis, il y aura de plus en plus de curiosité à l’égard d’une présidente qui devra avoir une disponibilité médiatique qui n’était pas nécessairement celle d’une vice-présidente. Il y a surtout que le retour de la Côte d’Ivoire sur la scène sous-régionale est l’occasion de relancer, économiquement, l’axe Abidjan-Ouaga qui a été, historiquement, d’une façon ou d’une autre, le fondement de la croissance économique de l’un et du développement social de l’autre.

Lors du forum économique qui, les 17-18 novembre 2011, a réuni à Ouaga des hommes d’affaires des deux pays, Alizèta Ouédraogo a plaidé en faveur de la consolidation des relations de coopération entre les entrepreneurs burkinabè et ivoiriens. « Je suis convaincue, a-t-elle déclaré, que, grâce à la paix et à la sérénité retrouvées en Côte d’Ivoire, le dynamisme des entreprises ainsi que la volonté politique affichée de part et d’autre, les relations entre nos deux pays vont s’intensifier et se conforter, tant les opportunités d’affaires encore inexploitées existent ».

Des propos très à… propos : dans moins de huit semaines, les 23-24 février 2011, la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso organisera à Ouagadougou la deuxième édition d’Africallia, forum de promotion de l’initiative économique privée dans l’espace Cédéao. La première édition de cette manifestation s’est tenue les 20-21 mai 2010 (cf. LDD Burkina Faso 0228/Lundi 19 juillet 2010) après un temps de préparation très court et dans un contexte régional difficile mais avec des résultats satisfaisants. Africallia 2012 va être un bon indicateur de la volonté des Ivoiriens d’associer les Burkinabè à la relance de l’activité économique de leur pays dans le cadre d’un partenariat entrepreneurial. 400 PME-PMI sont attendues à cette occasion.

Ce sera aussi l’occasion pour Alizèta Ouédraogo de faire la démonstration, en vraie grandeur, que son élection à la tête de la chambre de commerce ne relève pas d’un quelconque calcul politico-économique jouant sur sa proximité avec le chef de l’Etat (même si c’est une donnée incontournable) mais qu’elle correspond non seulement à une compétence - qui n’est pas que managériale - mais aussi à une stratégie de promotion des activités économiques burkinabè.

Une femme a la tête d’une chambre de commerce, c’est une chose rare* ! La Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso est un univers d’entrepreneurs au sein duquel les femmes chefs d’entreprise sont nécessairement sous-représentées. Que l’une d’entre elles, qui, par ailleurs, vient de l’industrie et non pas des services, soit élue présidente est un événement. Encore, convient-il de montrer qu’il ne s’agit pas là d’une élection de complaisance mais qu’elle relève, aussi, de la compétence. On attend donc d’Alizèta Ouédraogo qu’elle ne soit pas qu’une « image de marque », que l’expression de la connexion, au Burkina Faso, du monde des affaires avec le monde politique, mais qu’elle donne une impulsion nouvelle à une institution qui est appelée à jouer un rôle majeur dans la relance de la croissance, l’emploi des jeunes, la qualification des cadres, la reconnaissance des diplômes… mais aussi l’intégration régionale qui s’articule, incontestablement, autour de l’axe Abidjan-Ouaga. L’occasion pour ces deux capitales d’effacer dix longues années de défiance économique réciproque.

* En France, Yvonne-Edmond Foinant, fondatrice de l’Association des femmes chefs d’entreprises françaises et première présidente de l’association mondiale Femmes chefs d’entreprises, gérante de 1924 à 1957 puis PDG à compter de 1958 de l’Entreprise Savarin et Foinant, vice-présidente du Syndicat de l’outillage à main, présidente de la Section des clés de serrage à ouverture fixe, a dû attendre 1946 pour devenir la première femme entrepreneur admise à la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Paris.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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