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VIOLENCES POLITIQUES AU SENEGAL : Une escalade dangereuse

Publié le vendredi 30 décembre 2011 à 00h36min

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La situation sociopolitique du Sénégal devient de plus en plus inquiétante. En plus des remous sociaux suscités par la candidature de trop de Me Abdoulaye Wade à la prochaine présidentielle, la persécution de personnalités du Parti socialiste (PS) et l’enlèvement de cinq soldats par la rébellion casamançaise du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) sont entre autres, les signes inquiétants pour l’avenir politique du pays. Ce qui semble à la fois étrange et complexe dans le dernier cas, c’est l’innovation dans la stratégie du MFDC qui, contrairement à ses habitudes, a décidé de retenir en otages ses captifs dont la libération serait subordonnée à la levée des poursuites contre ses leaders et le retrait définitif de l’armée sénégalaise de Casamance.

De quoi troubler en tout cas le sommeil de celui qui avait pourtant rêvé de faire de la traque de ces combattants irréguliers une guerre-éclair. Une autre affaire tout autant explosive qui attend le locataire du palais de Dakar est celle inculpant Barthélémy Dias, maire socialiste, d’homicide volontaire, de coups et blessures volontaires et de détention d’armes. Si l’argument de la légitime défense invoqué par les avocats de ce dernier ne prospérait pas, il aurait de fortes chances d’être sévèrement condamné. Toute chose qui ne ferait qu’en rajouter à l’ambiance déjà délétère qui prévaut à Dakar. Ce qui porterait à deux le nombre de dignitaires socialistes en prison actuellement, Malick Noël Seck ayant déjà écopé de deux ans ferme. La situation sociopolitique sénégalaise actuelle ressemble à une bombe à retardement en ce sens que les contempteurs du président sénégalais voient en ces actes un acharnement contre certains des leurs.

Des responsables du PS n’ont d’ailleurs pas hésité à y voir un complot, des actions planifiées visant à les provoquer par nervis, milices et autres hommes de main interposés. Car, des échanges nourris de tirs ont bel et bien eu lieu entre le maire de l’arrondissement de Sacré-Cœur-Mermoz et ses agresseurs que ce dernier a présentés comme une bande armée, cagoulée et roulant à bord de pick-ups qui auraient été curieusement retrouvés au siège du PDS. Le Sénégalais est pourtant traditionnellement réputé plus pour son éloquence que pour sa violence. Rarement, les compatriotes de feu Léopold Sédar Senghor, premier président sénégalais, se sont illustrés par la violence. Aussi bien les gouvernants, les opposants politiques, les leaders des mouvements de la société civile que les gouvernés, avaient fait du dialogue et de la promotion de la paix des valeurs qui ont toujours guidé leurs actions.

En plus de la stabilité sociopolitique dont jouissait le pays, le conflit casamançais excepté, la gouvernance démocratique du pays de la Téranga était constamment saluée par les promoteurs des droits humains et des libertés individuelles comme un exemple qui mérite de faire école en Afrique. C’est donc dans un contexte très favorable à l’expression des ambitions politiques, créé et entretenu par ses illustres devanciers, que Abdoulaye Wade, actuel président du Sénégal, alors opposant de longue date aux deux régimes, a accédé au pouvoir. La victoire du chef de l’Etat sénégalais à la présidentielle de 2000 est d’autant plus historique et symbolique que sa candidature a été soutenue par une coalition de l’opposition qui avait fondé sur cet avocat de renommée internationale un espoir.

Qui sera très vite déçu. En effet, tout en minimisant, au besoin, le mérite de ses prédécesseurs, allant jusqu’à verser dans la démagogie en promettant de résoudre la crise de la Casamance dans les cent premiers jours de son premier mandat, Me Wade ne tardera pas à révéler son vrai visage à ses propres alliés. Non seulement, il n’a pu faire mieux que le regretté poète membre de l’Académie française et Abdou Diouf, l’actuel Secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie, mais aussi, et c’est là où le bât blesse, il n’a eu de cesse d’œuvrer à faire faire à son pays de grands bonds en arrière sur le plan démocratique. Cette descente aux enfers a commencé quand Gorgui, nonobstant sa décennie d’exercice du pouvoir et son âge très avancé, laissa entrevoir son sombre dessein de se scotcher au fauteuil présidentiel afin de mieux opérer sa passation de charge à son successeur désigné et fils « héritier », Karim.

Ce projet de dévolution dynastique du pouvoir d’Etat ne sera pas du goût des Sénégalais qui n’ont pas hésité à utiliser tous les moyens pacifiques et légaux à leur disposition pour manifester leur désapprobation. Devant l’entêtement du pouvoir de Dakar qui a usé de stratégies et de stratagèmes divers pour contourner les différents obstacles dressés contre son ambition, les populations sénégalaises n’avaient eu d’autres recours à leur disposition que celui de la rue. Pour contrer le forcing du régime en place qui se traduit sous forme de pratiques indignes comme l’achat de conscience d’autorités coutumières et religieuses, de juristes internationaux faisant office de griots, le peuple sénégalais se vit obligé de donner à ses manifestations plus de mordant. La répression barbare de l’armée sous l’instigation du Parti démocratique sénégalais (PDS) ne tardera pas à s’abattre sur les manifestants aux mains nues.

Ceux-ci ne s’avoueront pas vaincus pour autant, loin s’en faut, instaurant ainsi, une fronde sociale dont nul ne saurait prédire l’issue. Les deux mandats présidentiels de l’enfant de Kébémer auront donc été sanctionnés par un véritable échec sur le plan sociopolitique, le dernier étant sur le point de s’achever dans un contexte de fortes tensions. L’escalade des violences politiques au Sénégal est donc en train de prendre une dangereuse tournure, si fait que Wade lui-même doit se retrouver présentement à l’étroit entre Dakar et la Casamance. Il est plus qu’opportun pour lui d’arrêter de jouer les apprentis sorciers s’il ne veut pas voir son pays basculer dans un cycle de violences. Le syndrome ivoiro-congolais des crises postélectorales n’est pas loin...

"Le Pays"

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