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UEMOA : Cheikh Hadjibou Soumaré, président de la Commission, doit sortir l’institution de sa léthargie

Publié le vendredi 23 décembre 2011 à 11h17min

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La persistance de la « crise ivoiro-ivoirienne », le chaos de la « post-présidentielle », toujours en Côte d’Ivoire, le départ annoncé du Malien Soumaïla Cissé de la présidence de la Commission, la question (intra-ivoirienne) du gouvernorat de la BCEAO, les tergiversations et autres règlements de compte personnels, politiques et diplomatiques au sein de l’institution... ont, trop longtemps, empêché l’UEMOA d’être visible sur la scène Ouest-africaine dont elle est pourtant l’acteur essentiel.

Laurent Gbagbo, qui n’a pas été loin d’être le fossoyeur de l’UEMOA (après avoir tenté d’être celui de la Côte d’Ivoire), n’est plus là ; Alassane D. Ouattara est, désormais, installé au pouvoir et les élections législatives qui viennent de se dérouler l’y ont conforté ; Cissé est parti à la conquête de la présidence de la République du Mali ; le Sénégal a, enfin, reconquis la présidence de la Commission de l’UEMOA après avoir longtemps hésité sur le nom de son candidat, tandis que d’autres pays membres de l’institution (notamment la Guinée Bissau et le Niger) étaient tentés, eux aussi, par un tour de valse au « bal des prétendants ».

Aziz Sow, El Hadj Abdou Sakho, Abdoulaye Diop… ? Dakar a eu du mal à désigner son candidat. C’est un outsider, Cheikh Hadjibou Soumaré, qui l’a emporté, obligeant du même coup à dégager en touche son « frère et ami » El Hadj Abdou Sakho, jusqu’alors commissaire au titre du Sénégal. Ce qui, évidemment, n’a pas été du goût du « sortant » qui s’est empressé de faire campagne pour dénoncer son patron, Abdoulaye Wade, qui « nomme, dégomme, renomme », tout en saisissant la Cour de justice de l’UEMOA ; ce qui n’a pas manqué de faire désordre. Voilà Soumaré amarré à Ouaga, siège de l’UEMOA. Le 21 octobre 2011, il était nommé membre de la Commission au titre du Sénégal et le 16 novembre 2011 devenait son président. Le 30 novembre 2011, il prêtait serment. Fin de l’épisode pendant lequel l’UEMOA aura sombré dans une léthargie inadaptée aux besoins de développement de la sous-région. Et il faudra que le nouveau patron de l’institution soit déterminé pour réveiller « la belle au bois dormant ».

Né le 24 octobre 1951, Soumaré, titulaire d’une maîtrise ès sciences économiques (1979) est inspecteur du Trésor, formé à l’ENAM. Percepteur en province, il sera directeur général des finances le 1er août 2000 après avoir gravi les échelons : chef de division des statistiques ; chef du service de la monnaie et du crédit ; conseiller technique du ministère des Finances, directeur du budget. Le 23 mai 2001, il est promu ministre délégué auprès du ministre de l’Economie et des Finances, chargé du Budget et de l’Habitat. Protocolairement, il arrive en avant-dernière position dans le gouvernement. Son patron est Abdoulaye Diop (dont le nom a été évoqué pour la présidence de la Commission de l’UEMOA) et son premier ministre est Mame Madior Boye. Il va détenir ce portefeuille pendant six ans, devenant le meilleur connaisseur de l’économie sénégalaise. Le 19 juin 2007, il est nommé… premier ministre. Et c’est, pour tout le monde, à commencer par lui, une réelle surprise (Diop, quant à lui, reste à l’Economie et aux Finances avec le titre de ministre d’Etat). Cheikh Yérim Seck décrit Soumaré (Jeune Afrique du 24 juin 2007) comme un « technocrate, vrai timide mais faux doux, loin d’être naïf ». On disait encore de lui, à cette époque, que c’est un homme de dossiers sans « être politiquement coloré ».

A la primature, Soumaré prenait la suite de Macky Sall. Un quasi inconnu succédait ainsi à une figure majeure de la vie politique sénégalaise des « années Wade ». Le chef de l’Etat avait entamé son deuxième mandat et les législatives (boycottées par l’opposition) s’étaient déroulées le 3 juin 2007 projetant les députés du PDS, le parti présidentiel, sur un petit nuage rose. Les Sénégalais, quant à eux, affrontaient plutôt la tempête et le pouvoir d’achat de la population était balayé comme fétu de paille par le vent de la conjoncture : riz, huile, pain, gaz… tout flambait. « Aujourd’hui, la mission essentielle assignée à notre gouvernement est d’engager, sans délai, des actions appropriées afin d’apporter des réponses concrètes aux préoccupations des Sénégalaises et des Sénégalais. A cet effet, nous conduirons les réformes structurelles nécessaires dans un contexte de maîtrise des équilibres budgétaires ».

Le programme d’action de Soumaré, présenté devant l’Assemblée nationale le 17 septembre 2007, était plus technocratique que politique. On ne se refait pas en quelques semaines… ! Et les attentes de la population seront déçues. Les élections locales du 22 mars 2009 vont balayer les candidats PDS, y compris le fils du chef de l’Etat, Karim Wade, ministre d’Etat, chargé de la Coopération internationale, de l’Aménagement du territoire, des Transports aériens et des Infrastructures. Le 30 avril 2009, Wade va reconduire Soumaré dans ses fonctions de Premier ministre. Mais celui-ci, dont on dira qu’il venait d’être victime d’une « alerte cardiaque », déclinera la proposition du chef de l’Etat pour « convenance personnelle ». Il sera remplacé par Souleymane Ndéné Ndiaye.

Soumaré va retrouver, à Dakar, l’ombre qui lui est plus propice que la lumière. Dans le même temps, à Ouaga, l’UEMOA va être progressivement prise dans la tourmente dont la Côte d’Ivoire est l’épicentre. Cissé, le président de la Commission, a l’œil rivé sur d’autres horizons que ceux de l’intégration sous-régionale. Et les chefs d’Etat, conférence après conférence, expriment bien plus leur différence que leur concordance. A la veille de la nomination de Soumaré, alors que chacun pense encore que le poste se joue entre le Nigérien Badamassi Annou et le Sénégalais El Hadj Abdou Sakho, L’Indépendant (4 octobre 2011) écrivait : « L’heure est grave. Si l’on n’y prend garde, c’est le début d’une descente aux enfers de l’Union à même de chambouler le processus et remettre gravement en cause l’intégration au grand désarroi des peuples. Or, ces populations ont déjà douloureusement payé la débâcle de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEAO) pour ces mêmes irresponsabilités de gouvernance ». Le jeudi 1er décembre, Soumaré a pris ses fonctions. Il se trouve à la tête d’une équipe de commissaires largement recomposée*. Ajoutons à cela que le gouverneur de la BCEAO et le président de la BOAD sont, eux aussi, des hommes neufs dans la fonction.

Dakar, déjà siège de la BCEAO, voulait récupérer la présidence de la Commission de l’UEMOA. Le Sénégal y parvient dans une conjoncture différenciée. Cinq pays membres de l’UEMOA sont également membres du Conseil de l’Entente qui vient d’être réactivé : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Niger, Togo. Le Mali, observateur, pourrait les rejoindre. C’est dire que le Sénégal (je ne parle même pas de la Guinée Bissau qui n’est qu’un cancer au sein de l’Union), s’il ne veut pas être marginalisé, va devoir faire le forcing pour redynamiser une intégration régionale qui, aujourd’hui, s’articule autour de l’axe Abidjan-Ouaga (même si les fonctions du Conseil de l’Entente ne sont pas, loin de là, celles de l’UEMOA).

Le redémarrage annoncé de l’économie ivoirienne (« plus rapide que prévu » a récemment souligné le conseil des ministres de l’UEMOA qui vient de se tenir à Niamey) est une opportunité pour relancer non seulement une institution en léthargie mais, surtout, des opérations concrètes qui profiteront aux populations. Plus encore dans une situation de sécurité alimentaire tendue du fait des résultats « peu satisfaisants » de la campagne agricole 2011-2012 dans la zone sahélienne.

* Les représentants de la Côte d’Ivoire, de la Guinée Bissau, du Niger et du Togo ont prêté serment le 1er septembre 2011. Le nouveau représentant du Mali l’a fait, lui, le 30 novembre 2011 en même temps que Soumaré. Ne sont donc restés en poste que les représentants du Bénin et du Burkina Faso.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 23 décembre 2011 à 19:37 En réponse à : UEMOA : Cheikh Hadjibou Soumaré, président de la Commission, doit sortir l’institution de sa léthargie

    Il est vraiment temps que l’uemoa se reveille. La situation economique de nos pays est vraiment allarmente ! Pour la plus part d’entre eux 50 ans et meme plus d’independance, mais le billan est maigre. Nous aspirons tous a sortir du sous developpement il est donc temps d’ouvrir les yeux et de sortie de cette letargie. Les autorites a la tetes de nos structures semblent etre plus interesses par leurs poches que par les caissent de nos etats. Je ne suis pas economiste. Mais de mon humble avis, la creation d’une monaie autre que le CFA et propre a nous serais la meilleur des solutions. La rumeur de devalution du CFA devrait etre une clef qui nous ouvrira les portes d’un changement. On ne peut pas aspirer a etre des pays en voie de developpement avec des economies aussi basses.Definitivement cette union economic Ouest Africaine doit faire ces preuves !
    Merci

    • Le 24 décembre 2011 à 22:43 En réponse à : UEMOA : Cheikh Hadjibou Soumaré, président de la Commission, doit sortir l’institution de sa léthargie

      Que l’auteur m’excuse mais je ne comprends rien à cette analyse ! quel rapport avec le réveil de l’UEMOA. espérons que Soumaré ne va pas sénégaliser l’UEMOA. Aussi que lui arrête les recrutements complaisants, sinon l’Afrique ne peut décoller avec la complaisance, on a besoin d’hommes compétents dans ces institutions.
      Bon vent

      • Le 27 décembre 2011 à 09:39 En réponse à : UEMOA : Cheikh Hadjibou Soumaré, président de la Commission, doit sortir l’institution de sa léthargie

        Je ne comprends pas cette analyse. l’UEMOA n’est certainement pas au TOP mais quand on a suivi l’évolution de l’institution depuis sa création, on est en droit ou en devoir de reconnaitre qu’elle a connu une forte avancée depuis l’arrivée de Cissé. Cissé n’est certainement pas parfait mais il a fait beaucoup mieux que son prédécesseur. J’espère que cette analyse ne vise pas à excuser d’avance le nouveau patron que vous sembler bien connaitre. Vous pourrez dire à l’heure de son bilan qu’il avait pris l’institution en situation difficile. Cissé a amorcer une dynamique et je m’attends a ce que le nouveau faace au pire autant que lui. J’ose espérer qu’il ne prendra pas l’exemple de son compatriote qui a précédé Mr Cissé. Celui-la excellait uniquement dans les patronages de spectacle de miss ou de concours de danse. Monsieur Soumaré votre tache est lourde et il faut vous armer de courage. Monsieur Cissé a mis la barre très haute mais vous etes capable d’y arriver. N’écouter pas les pessimistes.

  • Le 27 décembre 2011 à 11:24, par mackiavel En réponse à : UEMOA : Cheikh Hadjibou Soumaré, président de la Commission, doit sortir l’institution de sa léthargie

    Franchement, avec ce que ça coûte, je crois qu’il est temps d’évaluer cette institution sur le plan efficience. (rapport coût/bénéfice) pour la sous-région.

    • Le 28 décembre 2011 à 23:59 En réponse à : UEMOA : Cheikh Hadjibou Soumaré, président de la Commission, doit sortir l’institution de sa léthargie

      Que peut faire une institution néocoloniale dirigée par des cadres acquis à la françafrique et de qui ils doivent leur position de fonctionnaires internationaux ? Pour tous ces gens, le CFA , ce franc des colonies françaises d’Afrique reste un fétiche intouchable au service de la prédation de l’impérialisme français en Afrique Noire. Inutile de se raconter des histoires. Qui n’a pas le contrôle et la souveraineté régalienne de sa monnaie n’est pas indépendant. C’est dire qu’ici, l’indépendance reste néocoloniale et toute nominale. L’autorité souveraine par rapport au CFA, c’est encore et toujours la France ; et sa dévaluation ou sa duplication extra-territoriale dépendent toujours des calculs politiques et économiques de la France servie ici par des millions de milliards, non par les moyens frauduleux des Djimbés remplis, mais légalement par les moyens des circuits bancaires et du crédit public. Il est bon que les Africains le sachent. Le CFA est l’un des moyens les plus sûrs de leur pillage par d’autres. Et l’UEMOA est l’antre sans fond de ce gouffre où est englouti tout le travail créateur de richesses de nos peuples. Et si il y a léthargie, c’est parce qu’elle est organisée et rentable pour le Trésor français qui a la haute main sur son CFA.

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