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Dr Seydou Dramé, homme de média et juriste : « Le journalisme était mon gagne-pain et le droit, ma passion »

Publié le jeudi 15 décembre 2011 à 23h10min

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Communication et droit. De ces deux domaines, Docteur Seydou Dramé (54 ans) a une excellente maîtrise et exerce aussi bien l’un que l’autre. Parfait exemple de courage, Seydou, à force d’abnégation et de persévérance, est parvenu à se tailler une place au soleil dans ces deux secteurs majeurs. Hier, simple journaliste-rédacteur chargé de l’information à la Radio Rurale du Burkina et aujourd’hui, conseiller technique du ministre Burkinabè de la Communication et porte-parole du gouvernement, l’homme a visiblement fait du chemin dans le journalisme, métier que le destin ou la force des choses a voulu qu’il embrasse en premier, alors que lui ne rêvait que de carrière de juriste.

Tout commence en 1979. Cette année là Seydou Dramé, ancien délégué des élèves du lycée Ouezzin Coulibaly de Bobo Dioulasso, est expulsé, avec des camarades étudiants de l’Ecole supérieure de droit de l’Université de Ouagadougou, où il était inscrit en première année, pour lutte syndicale. Son grand rêve de devenir un homme de droit se retrouve de facto brisé. C’est la déception. Mais, il lui faut faire quelque chose pour s’occuper. Il passe alors le concours d’entrée à l’Institut supérieur de presse de l’entente de Lomé, au Togo. Bien qu’admis, il ne fera pas partie des pensionnaires de l’Institut. Sans bourse et sans moyens, il ne pouvait se rendre à Lomé.

Il est contraint de rester au pays. Finalement, c’est un an plus tard, c’est-à-dire en 1980, qu’une autre perspective va s’ouvrir pour lui : un test de recrutement de stagiaires à former au Centre-Inter-africain d’études en Radio Rurale de Ouagadougou (C.I.E.R.R.O.). Il y prend part et est admis. Après deux ans de formation, le voilà à la Radio Rurale du Burkina comme journaliste. Il est ensuite producteur-réalisateur, correspondant de médias internationaux et consultants. Mais, entre-temps le rêve de devenir juriste du natif de Sèrè (son village natal dans la province de la Kossi) reprend du poil de la bête. A vrai dire, l’homme évoluait certes dans le journalisme mais le cœur était ailleurs : le droit. « Le journalisme était mon gagne-pain et le droit, ma passion », confesse t-il. Seydou Dramé cherche alors à renouer avec sa passion.

Il participe alors en 1983 au concours d’entrée à titre exceptionnel à l’Ecole supérieure de droit de l’Université de Ouagadougou. Admis parmi les dix retenus, il doit maintenant jouer sur les deux tableaux, profession de journaliste et études de droit. Ce qui n’est pas chose aisée. Mais, il tient à réaliser son rêve. Seydou s’accroche si bien qu’il obtienne sa licence en droit en 1985. Il veut poursuivre mais l’Administration ou ses supérieurs ne lui facilitent pas les choses. Ainsi, il est affecté la même année à Diapaga à l’Est du pays comme correspondant provincial de presse. Malgré ce problème de distance, il tient à avoir la maîtrise, extramuros fût-elle. A cœur vaillant, rien d’impossible. Avec la collaboration active de ses camarades étudiants qui lui envoient régulièrement les cours, M. Dramé obtiendra sa maîtrise en droit des affaires en 1986. Son rêve de juriste est devenu réalité.
Contraint de faire des études de communication

Mais, pour la fonction publique, Seydou reste un journaliste recruté avec le BAC, formé deux ans au C.I.E.R.R.O. et ayant des années d’expérience. Pas question de le traiter, sur le plan salarial, comme un titulaire de maîtrise. Comme explication, certains évoquent le fait que sa maîtrise n’est pas du domaine de la communication. Que faire ? Pour être traité comme un maîtrisard, il est contraint de faire des études en journalisme pour avoir des diplômes. Pour ce faire, il se rend en 1988 à Dakar au Sénégal où il s’inscrit à la fois au CESTI (Centre d’études en science et technique de l’information) et l’université Cheik Anta Diop pour une formation doctorale en droit privé. Malheureusement ou heureusement, les études du journaliste-juriste dans la capitale sénégalaise seront de courte durée. Pour cause de grève, l’université est fermée et ses étudiants valsés dans les différents établissements de la sous région. Mais, Seydou, lui, a la chance de se retrouver à France, à l’Université de Droit, d’Economie et Sciences Sociales de Paris 2 Panthéon-Assas, où il va décrocher bien plus tard (le 25 juin 2007), son Doctorat ès Sciences de l’Information et de la communication, avec mentions très honorable et félicitations du jury. Mais, avant il a dû soutenir pour le Diplôme d’Etudes Approfondies (D.E.A) en sciences de l’Information et de la Communication. Le thème de son mémoire pour l’obtention du DEA, « La presse et la protection du droit au respect de la vie privée », fait de lui un spécialiste attitré de la question du respect de la vie privée des personnes en matière d’information.

Ancien partisan de la pénalisation de délits de presse

Ayant un penchant avéré pour le droit, Seydou reste foncièrement attaché au principe de l’encadrement juridique de la profession au point qu’il a été pendant longtemps partisan de la pénalisation du délit de presse pour éviter que des acteurs malintentionnés utilisent le métier pour se régler des comptes. « La vie privée est opposable aux journalistes et aux autres. Chacun a une vie privée qui lui permet de se retrouver avec lui-même. Cette vie privée est sacrée et ne saurait être violée sans l’autorisation de la personne concernée ». Mais, comment faire le distinguo entre vie privée et vie publique quand il s’agit de personnalités politiques ? Dr Dramé reconnaît que cette distinction est difficile à opérer mais évoque un certain nombre de critères dont le lieu. Ainsi, si une personnalité politique est photographiée dans un endroit public, il ne peut pas en principe parler de violation de sa vie privée, sauf si le photographe l’a isolée en le prenant par exemple en gros plan. Comme quoi, même là, rien n’est évident. C’est pourquoi, a-t-il poursuivi, « Les juristes ont laissé la liberté à chacun de définir ce qui relève de sa vie privée et ce qui ne l’est pas ».

Seydou Dramé a été entre autres, chef de service Coopération et Législation du ministère de la Communication et de la Culture de 1993 à 1996, corédacteur juriste de l’avant-projet du présent Code de l’Information du Burkina Faso, et rédacteur de l’avant-projet du Code de la publicité.
Mais, un juriste, comme il l’est, peut-il être un bon journaliste ?
Pour lui, pas de doute car, un bon journaliste dans son entendement est celui qui respecte les règles de sa profession, celui qui ne diffuse pas l’information dans l’intention de nuire à autrui.

Témoin oculaire des funérailles d’un baobab

Ce que Seydou a beaucoup aimé dans le journalisme, en tant qu’homme de radio, c’est la production d’émissions sur le monde rural, pour lequel il éprouve beaucoup de sympathie, de respect et de considération. « Parce qu’à la différence des citadins ou soi-disant intellectuels, ce sont des gens honnêtes et sans arrière pensée dans leurs propos ». En 1984, alors qu’il partait en reportage dans la province du Kénédougou, Seydou Dramé est par hasard témoin oculaire d’un événement extraordinaire, ubuesque. Il n’hésite à détourner la mission au profit de l’événement imprévu, fort de sa grande perspicacité journalistique. Mais, de quoi s’agissait-il ? L’équipe de M. Dramé était en effet tombée sur des habitants d’un village qui célébraient les funérailles d’un baobab. Du jamais vu. Son reportage sur cet événement insolite avait été en son temps repris par de chaînes de radios internationales. Bien sûr, de sa carrière de journaliste, Seydou n’en garde pas que de bons souvenirs. L’on peut mentionner l’accident grave (il porte encore aujourd’hui les stigmates) dont il a été victime pendant la révolution, alors qu’il partait pour couvrir la célébration de la révolution béninoise à Parakou. Bien que ce soit dans le cadre du service, il dû honorer les ordonnances de ses propres deniers. « Le journalisme est un très beau métier qui n’est pas bien payé chez nous », regrette t-il.

Et de saluer la signature de la Convention collective de la presse privée dont l’application pourrait contribuer à l’amélioration de la situation des journalistes burkinabè.
Dr Dramé s’est par ailleurs spécialisé en communication corporate. Il enseigne la communication des organisations dans de nombreux établissements supérieurs de la place. Homme de radio au sens plein du terme, Seydou est auteur du livre « Les radios locales au Burkina Faso » et a été plusieurs fois consultant de nombreux organismes onusiens ou internationaux (FAO, PNUD, UNICEF, Fondation Konrad Adenauer) pour des études ou questions relatives à la radio. Dr Seydou Dramé est chevalier de l’ordre du mérite des arts, lettres et de la communication.

Grégoire B. BAZIE

Lefaso.net

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