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Saran SERE/SEREME, députée à l’Assemblée nationale : « En politique, tout se conquiert rien ne s’octroie »

Publié le vendredi 11 novembre 2011 à 15h26min

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Députée à l’Assemblée nationale et présidente du caucus genre, Saran SERE/SEREME est également 2e vice-présidente du parlement de la CEDEAO où elle a été nommée le 15 août 2011 et c’est une des première femme à occuper un tel poste dans cette institution.

Importance de la participation des femmes en politique : quels sont les obstacles majeurs qu’elles rencontrent dans ce domaine ?

Saran SERE/SEREME (S.S.S) :

Je pense que l’importance de leur participation n’est plus à démontrer. Aucunément, du moment que nous avons opté pour la voie de la démocratie qui implique la participation de tous les citoyens à la gestion de la cité. La femme est avant tout une citoyenne à part entière et à ce titre, elle a un droit de regard que ce soit dans l’élaboration des politiques ou dans leur mise en œuvre. Ce qui va impacter sa vie, celle de sa famille, de ses enfants ; elle ne peut pas continuer à être juste une bénéficiaire, elle doit être actrice de son développement. Donc, son implication ou disons sa participation active dans les prises de décision est essentielle. Elle n’est pas un objet ou un animal pour que ce soit l’homme qui décide à sa place ; en participant, la femme influence forcement sur certains points.

C’est en ce moment que nous avons besoin d’une forte participation des femmes pour qu’elles puissent occuper les postes de décision ; c’est dans ce sens que nous avons élaboré cette loi de quota à travers d’abord le caucus genre de l’Assemblée, à travers la commission ad’hoc qui a été mise en place.

Le caucus genre a été mis en place avec le président de l’Assemblée nationale et avec l’aval du président du Faso. La loi sur le quota est une loi volontariste, avant d’être une… loi politique parce qu’elle peut être facilement taxée d’anticonstitutionnelle sauf si les politiques ne le veulent pas. Donc si ce n’est pas une volonté politique, ils ne s’y engageront pas. Mais aucun politique digne de ce nom n’ose ps reconnaître l’importance de la participation des femmes à la gestion de la cité sinon il se remet en question lui-même ; il remet aussi les principes démocratiques en question ; donc il dénie l’étape de l’idéal politique. Troisièmement, au-delà du nombre, la femme représente la moitié du potentiel économique à plus d’un titre. Comment un pays pauvre comme le nôtre peut-il oser négliger ce potentiel-là ?

La plupart de nos populations sont analphabètes et surtout les femmes. Toute la contribution de ces femmes n’est pas considérée ou n’est pas prise en compte dans ce calcul. Pourtant, la femme, même en tant que ménagère, apporte sa contribution. Femme à la maison, productrice agricole, petite vendeuse de marché, etc, elle dépense de l’énergie et tout cela n’est pas pris en compte. Il faut que cela change en amenant les femmes d’abord à vouloir faire de la politique. Car faire de la politique ce n’est pas sortir de son rôle de femme assigné par la société. Rechercher le pouvoir, occuper les postes de responsabilités n’est pas un rôle indû à la femme. C’est la société qui pense qu’une femme qui doit être soumise, docile et douce ne peut pas se retrouver dans ce milieu de requins à se battre. Donc il y a tout un changement de comportement, de mentalité qui doit s’opérer à travers cette occupation des postes de responsabilité avec la présence des femmes en politique, non en tant que bétail électoral maintenant, mais en tant que décideur de leur avenir et de celui de la société.

Quel état faites-vous de la mise en œuvre de cette loi sur le quota ?

S.S.S :En fait, les gens sont trop pressés parce que, jusqu’à présent, la loi n’a pas encore été mise en œuvre. Elle est prévue pour l’être lors des élections législatives et municipales et aucune élection n’a encore eu lieu après son adoption. Nous attendons les élections de 2012 pour voir l’impact de l’application de cette loi. Nous interpellons donc tous les partis politiques pour une implication totale.

Il faut que les femmes prennent conscience que tout ce qu’elles ont supporté, elles l’on toujours fait pour leurs enfants, pour l’avenir de la société ; donc il est nécessaire qu’elles viennent maintenant à la décision parce que c’est à travers la décision que les choses peuvent changer et non en restant à s’occuper de choses sociales. Les partis politiques doivent amener les femmes à la prise de décision et les trois (3) prix Nobel de la paix sont déjà un message très fort pour tenir compte de la femme en Afrique et dans le monde entier.

D’aucuns disent que cette loi a été prise juste pour faire plaisir aux femmes. En somme, c’est un cadeau ! Votre avis ?

S.S.S :Le mot qu’ils utilisent est que c’est de la médiocrité. Je trouve qu’ils sont médiocres eux-mêmes quand ils le disent parce qu’en venant au monde, il n’était écrit nulle part que l’homme est plus intelligent, qu’il a plus de compétence que la femme. Ils ont chacun un rôle. Nous sommes dans nos droits à vouloir le bien-être de la population et notre mieux-être. Je pense qu’on ne peut pas dénier à la femme cette volonté de vouloir changer les données sociales qui étaient comme des carcans qui la gardaient, qui l’embrigardaient dans cette situation d’inégalité. Et sincèrement, je ne vois pas en quoi les femmes sont plus nulles que les hommes. Mais maintenant, quand il faudra nommer, à cause du copinage, de tous ces facteurs sociologiques, pour ne pas perdre son foyer, la femme se met en retrait. Je ne vois pas en quoi, en voulant réguler cette injustice, ce serait développer de la médiocrité. On n’a pas dit de promouvoir les femmes médiocres, je suis désolée ! La loi est avant tout une loi électorale, donc c’est une loi de représentation. Le quota est toujours une loi temporaire et non définitive.

A un moment donné, on doit se passer du quota parce qu’on va atteindre le résultat recherché et en ce moment cette loi n’aura plus de raison d’être. Quelle que soit la situation, on ne peut avoir que des femmes ni que des hommes ; nous travaillons dans le sens du genre et nous sommes convaincues que nous ne sommes pas des enfants. C’est une question de complémentarité ; autant l’homme a besoin de la femme, autant la femme a besoin de l’homme. Dans le foyer, quand l’homme agit sans demander l’avis d’une femme cela se ressent sur les enfants et la famille. C’est la même chose au niveau de l’Etat. La famille n’est qu’une expression nucléaire de la société. Donc au niveau de la nation, la femme a son mot à dire et ce n’est que ce qu’on demande à côté de l’homme pour que également notre mot pèse, pour que quand l’homme met le feu, la femme puisse l’éteindre toujours dans l’intérêt du pays.

C’est plutôt les médiocres qui n’ont pas d’autres arguments qui utilisent cet argumentaire pour pouvoir décourager les femmes mais c’est de bonne guerre. Celles qui viendront doivent s’armer de courage et se dire que cela ne va pas être facile, rien n’est un acquis définitif.
En politique, on dit que tout se conquiert rien ne s’octroie. Quand on octroie, tout se perd aussi facilement parce qu’il n’y a pas de mérite. La compétence se forge, elle n’est pas acquise, du jour au lendemain. Tout s’apprend. Donc, que les gens arrêtent de nous traquer, qu’on permette aux femmes, en tant qu’être humain à part entière, d’exercer leur droit.

Au fur et à mesure que les femmes au village vont voir leurs sœurs députées, ministres, directrices générales, elles vont comprendre que leurs filles peuvent avoir aussi voix au chapitre et cela va amener un effet d’entraînement. Donc au-delà des mesures que nous prenons à travers les textes de loi, c’est les résultats que cela peut amener en amont, qui renforceront l’objectif que nous recherchons, au-delà de la loi du quota.

Les femmes ne sont-elles pas elles-mêmes obstacles à leurs avancées ?

S.S.S : Je suis tout à fait d’accord. C’est pourquoi je dis que c’est un travail à faire. Les femmes doivent changer de mentalité parce qu’on les a façonnées dans un esprit qui ne leur permet pas d’aller à la recherche du pouvoir, de hausser le ton devant un homme et de tenir des rencontres tardives. Moi par exemple, il m’arrive d’être absente de la maison pendant tout un (1) mois, je fais des réunions tardivement ; combien d’hommes acceptent cette situation ? Il faut aussi encourager les hommes qui soutiennent leurs femmes dans ce chemin. Que tu aies des comportements déplacés ou non, on te taxe de tous les noms. Combien de femmes veulent perdre « cette honorabilité » ? C’est l’argument le plus facile pour décourager les femmes et c’est ce qui a cours dans le milieu politique. On est dans un milieu de jungle et il n’y a pas de cadeau.

Le loup bouffe l’agneau et si tu te fais agneau, tu vas à la soupe. Franchement, il y a un tout changement général à opérer car même au niveau des femmes, nous-mêmes, il faut le dire, il n’y a pas de solidarité si fait que pour attaquer une femme, on utilise toujours une autre femme. La femme est souvent une « arme » que l’homme utilise pour venir à bout d’une autre femme. Il pense que c’est une bassesse de combattre une femme vis-à-vis alors il passe par une autre femme pour préserver son « honnorabilité ». Il ne faut pas que l’on dise qu’il s’étend dans la boue avec une femme ! Vous voyez l’esprit ?

La combinaison femme au foyer et femme politique, comment cela se passe-t-il ?

S.S.S : Par la grâce de Dieu, on peut s’en sortir. C’est difficile justement à cause de tous ces carcans, de l’incompatibilité même de la politique avec la vie de foyer. Comme je vous l’ai dit, les réunions tardives, les voyages incessants et multiples, … quand tu n’as pas un mari qui comprend, c’est difficile. Mais il faut beaucoup communiquer, il faut créer la confiance dans le couple. Moi par exemple, j’ai eu mes enfants étant députée, c’est pas facile parce que là on a beaucoup plus de remords au regard des responsabilités de mère qu’on ne peut pleinement assumer, mais aussi des indisponibilités que l’on peut observer dans son travail d’élu du fait de ces responsabilités-là. Pour pallier cet état de fait qui paraît un obstacle, il est nécessaire de travailler à avoir des horaires et savoir mettre les priorités au-devant. C’est dire qu’on est contraint à un vrai jonglage et la vie c’est ça ; il faut savoir négocier.

Que ce soit en politique ou dans l’Administration, les femmes au foyer rencontrent toujours des difficultés et c’est la confiance qui doit régner dans le couple. Quand c’est la conquête du pouvoir, les arguments sont tout faits pour déstabiliser la femme en lui créant des problèmes psychologiques. Mais il faut tenir ; il faut de la volonté en toute chose.

Par Drissa TRAORE et Laure KANTIONO
L’Opinion

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Vos commentaires

  • Le 11 novembre 2011 à 18:19, par NIKITA En réponse à : Saran SERE/SEREME, députée à l’Assemblée nationale : « En politique, tout se conquiert rien ne s’octroie »

    Une femme directrice d’une école au village est un exemple palpable que la femme est capable ;et ces milieux en ont FORTEMENT besoin.Une femme majore d’une infirmerie au village est un exemple plausible que les femmes sont aussi compétentes que les hommes ,et ces zones en veulent de ces illustrations parlantes.Malheureusement les rares dames a êtres affectées dans les bleds sont les premières a gémir et a déployer leur réseaux de connaissances pour aller s’entacher en ville.Comme quoi l’accès de la femmes aux postes de responsabilités,leur implication au politique est fondamentale pour un pays qui veut espérer émerger.Mais elle ne se limite pas a chercher des bureaux climatisés et ventilés mais surtout a une présence valorisante de la femme ou il faut:a savoir le village.Vous gagnerez ainsi a transformer beaucoup de mentalités ;malheureusement la femme agent publique n’est pas l’homme pour vivre en brousse.

  • Le 11 novembre 2011 à 19:55, par Nonga En réponse à : Saran SERE/SEREME, députée à l’Assemblée nationale : « En politique, tout se conquiert rien ne s’octroie »

    Bient dit NIkita ! Il est faux de vouloir tout le temps victimiser la femme tout en faisant passer l’homme pour le bourreau. D’ailleurs les vraies fossoyeuses de la cause feminine sont bien ces politiciennes de Ouagadougou et/ou des grandes villes. Pourquoi les femmes institutrices, infirmières etc même célibataires refusent-elles d’aller dans nos campagnes pour éduquer et soigner ? elles se battent toutes pour rester à Ouaga ou à coté de Ouaga. Toutes ces histoires de genre par-ci de genre par-là visent à capter l’argent des bailleurs de fonds pour se sucrer sur le dos de nos chères mamans et soeurs des campagnes. En plus, vous pensez que c’est avec un système aussi pourri que la femme va s’épanouir ? Mon oeil wai !

  • Le 13 novembre 2011 à 17:30, par Le quota En réponse à : Saran SERE/SEREME, députée à l’Assemblée nationale : « En politique, tout se conquiert rien ne s’octroie »

    Madame évoque la loi sur les quotas,c’est bien. Cette loi a pour but de permettre la participation des minorités(les femmes sont actuellement minoritaires à l’AN et les conseils municipaux) dans les postes de décision. Donc dans un souci d’équilibrer le dédat dans ces instances on devrait penser aussi à octroyer un quota de 30% à l’opposition. Sinon une AN composée d’au moins 30% des femmes et 70% des hommes du même bord n’est pas non plus favorable à l’expression du débat contracdictoire.
    Les jeunes aussi peuvent prétendre aussi à un minimum de places !

    Je salue particulièrement l’intervention de deux précédents internautes.

  • Le 14 novembre 2011 à 11:49, par tie En réponse à : Saran SERE/SEREME, députée à l’Assemblée nationale : « En politique, tout se conquiert rien ne s’octroie »

    Le courage de Mme S.S.S à dire tout haut ce que les gens pensent tout bas est à encourager. Il n’y a pas que les femmes qui veulent rester à ouaga où à ôté de ouaga. C’est l’esprit de la plus part des travailleurs de la fonction publique parce qu’ils disent que toutes les bonnes affaires se trouvent à ouaga.

    Avec la décentralisation, tout cela va changer. L’Etat n’a qu’à donner la responsabilité aux femmes dans les villages avec toutes les mesures d’accompagnements. Si une femme est major dans un poste de santé, ou directrice d’école ou de collègue, il faut que l’Etat pense à la solution d’unir la famille, donc l’homme et les enfants doivent pouvoir la suivre. Aussi la responsabilité ne doit pas excéder les trois à quatre ans dans le même lieu de travail. Il faut à ce niveau l’égalité de rotation des postes.

    Aujourd’hui, il y a des directeurs d’école etc. qui ne veulent même pas entendre parler d’affectation tout simplement ils sont mieux là où ils sont. Même le sahel aujourd’hui est devenu l’eldorado. Le gros problème, ce n’est pas que les femmes ne veulent pas, mais il faut aussi que l’Etat les motivent avec des mesures pour faciliter leur travail avec les habitants du village. Car aussi, la féodalité de certains chefs coutumiers en particulier, et le non respect des hommes en général pensant que la présence d’une telle femme n’est pas bon pour leurs femmes et filles du village, du simple fait qu’elle soit une femme ne peut pas leur donner des ordres de surcroît si elle est célibataire. Donc pour ces problèmes, elles préfère être là où elle peut travailler sans problème à savoir la ville.

    Mme SSS a bien fait de parler de loi, il faut des mesures d’application effective pour que la femme puisse memer à bien son rôle dans tous les domaines. Comme elle l’a dit, les hommes sont toujurs là pour décourager les femmes et les accuser à tord.

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