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Soumaïla Cissé, après son purgatoire à la tête de l’UEMOA, rêve toujours du paradis : la présidence du Mali ! (2/2)

Publié le vendredi 28 octobre 2011 à 11h25min

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A la tête des finances pendant près de huit ans, Soumaïla Cissé va être appelé, au tournant du siècle, à prendre en charge le ministère de l’Equipement, de l’Aménagement du territoire, de l’Environnement et de l’Urbanisme. Une tâche sur mesure pour Cissé dans la perspective de l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football. Elle débutera le samedi 19 janvier 2002 à Bamako (quatre autres sites étaient prévus : Mopti, Sikasso, Ségou et Kayes). Cette manifestation, la plus populaire du continent, a exigé un effort d’équipement considérable.

Le Mali était alors mal doté dans le domaine sportif (les Chinois vont construire le stade du 26-mars de 50.000 places et le vieux stade Modibo-Keïta sera rénové pour l’occasion) mais également en infrastructures aéroportuaires, routières, hôtelières… Ce sera le job de Cissé de changer la donne. Parmi d’autres tâches dont l’urbanisation rapide et sauvage de Bamako. Il se rappellera alors que, au début des années 1990, il avait été le premier directeur de l’Agence de cessions immobilières (ACI), société d’économie mixte créée par l’Etat pour faciliter l’accès à l’habitat et lutter contre la spéculation foncière. « Mali 2002 » devra être la vitrine de la démocratie en Afrique. Mais au Mali personne ne perd de vue que 2002 sera une année présidentielle exceptionnelle : Alpha Oumar Konaré, après deux mandats, n’est plus en course.

Le premier tour de la présidentielle est prévu le 28 avril 2002 ; le 6 janvier 2002, Cissé est investi par l’Adéma (cf. LDD Mali 013/Jeudi 13 octobre 2011). Il devra affronter Amadou Toumani Touré (ATT), candidat indépendant auquel l’Adéma fait les yeux doux, mais aussi Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), qui se veut le « dauphin naturel » de Konaré et qui, pour l’occasion, a créé le RPM, le Rassemblement pour le Mali (cf. LDD Mali 012/Mercredi 27 juillet 2011). Cissé parviendra à écarter IBK du second tour mais chutera dans son affrontement avec ATT le 12 mai 2002. Il quittera alors l’Adéma pour fonder, en juin 2003, l’Union pour la république et la démocratie (URD).

L’Afrique de l’Ouest est alors en ébullition. La Côte d’Ivoire, mal en point depuis le coup de force qui, le 24 décembre 1999, avait jeté par terre Henri Konan Bédié, a sombré dans le pire des chaos à la suite des événements du 18-19 septembre 2002. L’UEMOA tangue politiquement sous la pression économique de la crise ivoirienne. Le Sénégalais Moussa Touré, président de la commission, en poste depuis 1995, sera reconduit pour un an tandis que Soumaïla Cissé est le candidat officiel du Mali à sa succession. Le 10 janvier 2004, c’est à Niamey que l’UEMOA fêtera son dixième anniversaire. Cissé est adoubé en tant que président de la commission (où il travaillait déjà depuis un an comme commissaire). Fonctionnaire international, il doit prendre ses distances vis-à-vis de l’action politique. Il confie la direction de l’URD à l’ancien premier ministre (en 1992) Younoussi Touré.

A la tête de l’UEMOA, il devra faire la preuve de sa capacité à barrer le bateau de l’intégration Ouest-africaine quand la coque prend l’eau de toutes parts : persistance de la crise ivoirienne, chamboulements à la tête de la BCEAO et, dans une moindre mesure, de la BOAD, crises en Guinée Bissau et au Niger, problème des débouchés des pays enclavés à la suite de la crise ivoirienne, débat sur l’APE…

A Ouagadougou, au siège de l’UEMOA, Cissé va être confronté à une « atmosphère qui était un peu crispée ». Charles Konan Banny est gouverneur de la BCEAO et les deux hommes ont « de très bons rapports » (Cissé était ministre des Finances du Mali quand Konan Banny a été promu à la tête de la BCEAO). « Le développement, dira-t-il à Dominique Mataillet (J.A./L’Intelligent du 18 janvier 2004), c’est un peu de tout : un peu de politique, un peu d’économique, un peu de social, un peu d’écologie. Et surtout beaucoup de communication ». Il dira aussi à Afrique Diagnostic (1er avril 2004) : « Nous ne pouvons réussir la bonne marche de l’Union que si nous acceptons de discuter d’un certain nombre de problèmes qui touchent les libertés, la politique d’une manière générale […] A ce sujet, il y a des décisions d’ordre politique qu’il faut partager avec les Etats et les grandes institutions de l’Union ». C’était alors être en rupture avec son prédécesseur qui avait fait de l’Union un ghetto technocratique.

C’est depuis le siège de l’UEMOA que Cissé va suivre la présidentielle 2007 au Mali. ATT sera élu dès le premier tour ; Cissé savait qu’il ne fallait pas s’engager dans ce combat là et lâcher la proie pour l’ombre. Aux législatives qui suivent la présidentielle, son parti, l’URD, devient la deuxième formation politique du pays avec 34 députés élus sur 147 (contre 51 pour l’Adéma). Une satisfaction. Les soubresauts de l’Afrique de l’Ouest lui ont permis en moins d’une décennie de parfaire son relationnel avec les chefs d’Etat de la sous-région et de gagner une stature continentale. Son objectif, c’est la présidentielle 2012.

Le calendrier s’y prête : son mandat à la tête de la commission de l’UEMOA arrivait à expiration début 2011. Mais, crise post-présidentielle en Côte d’Ivoire oblige, ce n’est qu’à la fin de l’été, le vendredi 26 août 2011, qu’il pourra faire sa visite d’au revoir à Blaise Compaoré. Le dimanche 18 septembre 2011, Cissé - « Soumi-champion » - a été officiellement investi par son parti, l’URD, comme candidat à la prochaine présidentielle malienne. Ayant rendu hommage à son mentor, Boubacar Sada Sy, il s’est inscrit dans la continuité des présidents Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré : « Aujourd’hui plus qu’hier, je suis grâce à ces deux illustres présidents, mieux outillé pour porter le Mali sur les voies de l’émergence. Aussi, pour moi, il n’est pas question de rupture, encore moins d’une double rupture. Il s’agit d’une double continuité que j’assume comme un double héritage que je valoriserai avec engagement et patriotisme ».

A sa cérémonie d’investiture en tant que candidat de l’URD à la présidentielle 2012, Cissé a reçu le soutien de Cellou Dalein Diallo et Seyni Oumarou, les deux « battus » des dernières présidentielles de Guinée et du Niger. Diallo dira de Cissé : « C’est un cadre qui a une maîtrise parfaite des questions de développement. Je suis sûr qu’en souhaitant bonne chance à mon ami et frère, je souhaite aussi bonne chance au Mali ». Oumarou ne sera pas en reste dans l’éloge : « On peut tout reprocher à Soumaïla Cissé sauf qu’il n’est pas compétent, intègre, digne et brillant ». Du côté français, c’est la droite qui avait fait le déplacement jusqu’à Bamako ; et le représentant du secrétaire général de l’UMP confiera que Cissé est « l’homme de la situation », ajoutant que « le seul parti ami de l’UMP au Mali est l’URD ». Mais la route vers Koulouba, même si elle n’est plus bouchée par un quelconque « homme providentiel » (Konaré ou ATT), n’est pas pour autant dégagée.

Dioncounda Traoré, président de l’Assemblée nationale, est le candidat de l’Adéma ; Ibrahim Boubacar Keïta (cf. LDD Mali 012/Mercredi 27 juillet 2011), celui du Rassemblement pour le Mali (RPM) ; Modibo Sidibé (cf. LDD Mali 011/Lundi 20 juin 2011), ex-premier ministre s’affirme comme un électron libre ; et quelques autres ont, eux aussi, des arguments à faire valoir. Vingt années de « démocratie » sous deux présidents « historiques » ont permis l’émergence de nombreuses personnalités politiques significatives, ce qui laisse la porte ouverte à toutes les « alliances ». L’alternance sans violence est devenue l’image de marque du Mali qui, par ailleurs, ne manque pas de sujets de préoccupation économiques et sociaux ; mais aussi, et surtout, sécuritaires. La présidentielle du 8 juin 2012 devra sauvegarder les acquis sans pour autant perdre de vue qu’il y a urgence à aller au-delà. Urgence !

Jean-Pierre BEJOT
LA Dépêche Diplomatique

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