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Tunisie : Du bon usage de la démocratie

Publié le lundi 24 octobre 2011 à 03h17min

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Et voici une fois de plus la Tunisie sous les feux de la rampe ; la raison en est magistrale : ce pays a vécu hier le premier scrutin libre de son histoire, donnant par ailleurs l’occasion au monde maghrébin de tester la toute première élection libre de l’ère postprintemps arabe.

Et ce, neuf mois après la chute de Ben Ali. Ils prennent par la même occasion presqu’une revanche sur l’histoire, ces Tunisiens que l’on avait souvent raillés au motif qu’une présumée docilité innée leur collait à la peau au point de les rendre incapables de secouer le joug que leur imposait le souverain désormais déchu. L’Histoire retiendra que la tempête au jasmin eut pour point de départ la petite bourgade de Sidi Bouzid et que l’élément déclencheur en fut l’auto-immolation, le 17 décembre 2010, du jeune Mohammed Bouazizi par le feu. Moins d’un mois après, la tempête, qui s’était muée en cyclone, emportait Ben Ali, qui totalisait 23 années d’absolutisme présidentiel au compteur, avant de s’emparer de la voisine Egypte dont elle fit chuter le Raïs ; le cyclone, ensuite, gagnait la Libye et la Syrie : à ce jour, Kadhafi n’est plus qu’un souvenir et Bachar, bien que réprimant à tour de bras, ne sait pas vraiment à quelle sauce pareille tempête finira par le manger.

C’est dans ce contexte que ces Tunisiens, véritables pionniers inventeurs de la liberté retrouvée, s’apprêtent à aller aux urnes, le 23 octobre, pour élire leurs représentants à l’Assemblée constituante. Des élections aux enjeux énormes ; à tel point qu’elles représentent le dernier test et le plus important de leur période de transition ; car la composition de la nouvelle Assemblée nationale sera l’occasion réelle de mesurer le véritable poids politique des uns et des autres. La renaissance d’un pays est l’occasion rêvée qui suscite convoitises et guerres de positionnement ; en Tunisie comme ailleurs, ces travers sont ce qui manquera le moins ; d’où alors de légitimes interrogations sur les contours ainsi que le véritable visage que présentera le futur Etat tunisien. Le parti islamiste Ennhada, au dire de nombre d’observateurs, serait le favori de ce scrutin. A supposer qu’il en sorte vainqueur, quel sort sera réservé à l’épineuse équation de la laïcité en Tunisie ?

Les partisans d’Ennhada se révèleront-ils de la tendance radicale des islamistes iraniens, de celle des Frères musulmans égyptiens ou encore de celle du Front islamique du salut (FIS) algérien ? Ou, au contraire, opteront-ils pour un islam modéré ? On imagine mal que ce pays, qui jusqu’à présent s’est caractérisé par une grande ouverture à l’Occident –ne serait-ce que par son mode de vie et son tourisme- fasse le choix d’un islam radical. Autre interrogation, et elle est d’importance, toujours à supposer que le parti islamiste remporte la mise : donc en toute démocratie : choisira-t-on seulement de jouer le jeu de la démocratie jusqu’à son terme ? On se rappelle qu’au début des années 90, le FIS remporta légitimement les élections en Algérie. Pour n’avoir pas respecté le choix des urnes, on sait ce qu’il advint à ce pays qui, jusqu’à l’heure actuelle, n’a pas vraiment fini de payer pour le déni du choix populaire.

En somme, pour les Tunisiens, à l’heure actuelle, le plus dur commence. Beaucoup de chemin a été parcouru depuis la fuite, un 14 janvier, du désormais ex-dictateur, certes ; mais on a comme l’impression que le plus difficile reste à venir ; le dur apprentissage de la démocratie passe par des sentiers épineux et tortueux, de même qu’il comporte de nombreux pièges et écueils. Malheureusement, le choix de raccourcis conduit à des périls plus hasardeux et plus dangereux. En tout état de cause, les Tunisiens ont l’obligation de réussir leur examen de passage ; un échec serait retentissant : il les ramènerait en arrière de plusieurs décennies et sonnerait quelque part le glas d’une révolution dont ils sont légitimement fiers d’avoir été les visionnaires ainsi que les pères fondateurs.

Par Jean Claude Kongo

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 24 octobre 2011 à 18:41, par Outade En réponse à : Tunisie : Du bon usage de la démocratie

    Bonjour,

    Sauf erreur de ma part la photo associée à la publication n’est-elle pas celle du tremblement de terre survenu en Turquie ? Merci.

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