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Processus régional du CCRP : Les propositions du Dr Poussi Sawadogo

Publié le lundi 17 octobre 2011 à 18h18min

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La présente réflexion est du Dr Poussi Sawadogo, qui se considère comme un acteur périphérique de la cartographie des relations du processus de négociation que constitue le dialogue sur les réformes politiques au Burkina Faso. Pour lui, en dehors des acteurs directs à la table de négociation et leurs mandataires, il existe une pluralité d’acteurs qui influencent le processus de dialogue. Aussi sa réflexion se veut-elle une proposition d’un citoyen ordinaire pour contribuer à enrichir indirectement les débats pour un Burkina meilleur. Son texte est fortement inspiré du livre du politologue congolais, Jean-François Obembé, intitulé : Causes courantes des faux raisonnements. Aide à la prise de bonnes décisions, Editions Publibook, Paris, 2011.

« Vivre, c’est résoudre un certain nombre de problèmes ». Il est important de toujours bien raisonner avant de décider. Une mauvaise solution est source de plus de problèmes. Les Etats sont souvent confrontés à des problèmes mal posés ou mal résolus. Une bonne décision n’est possible qu’en faisant recours à des connaissances solides. Cela suppose une prise en compte de la pertinence, de l’efficience, de l’efficacité, de l’impact sur les bénéficiaires ou les victimes, des caractéristiques du contexte, des opportunités et des menances.

Pour prendre une décision utile, il faut souvent faire usage de l’intuition et savoir lire et interprêter les signes, les prophéties et les visions qui placent certaines personnes au-delà des raisonnements. Si les raisonnements ne sont pas suffisants pour prendre de bonne décision, les faux raisonnements sont sources de malheurs et de drames. En politique, ils sont à l’origine de marginalisation, d’exclusion et d’humiliation. Un slogan comme « Celui qui n’est pas avec moi est contre moi », occulte l’existence des indifférents. « Une des meilleures leçons de la vie, est que les meilleures solutions sont les solutions médianes qui consacrent la règle du « Gagnant, Gagnant ». Les assises du Conseil Consultatif sur les réformes Politiques (CCRP) dont le principe directeur est le consensus en est illustratif. « Tout compromis politique ou tout consensus conduit à accepter une solution médiane et toute solution médiane suppose que chaque partie en conflit doit savoir accpeter de perdre un peu par rapport aux positions de départ ».

Les erreurs de décision viennent de la négligence des changements de contextes ou d’hypothèses. Vouloir copier servilement ce qui a réussi au Nord dans un pays du Sud est une abérration. « C’est pourquoi en stratégie considérée comme la recherche de l’harmonie entre les buts visés, le chemin qui y conduit et les ressources à mobiliser, il est toujours exigé de tenir compte du contexte. Les contextes étant condamnés à changer, chacun devrait se préparer à réaliser un ensemble d’ajustements qu’imposent les nouvelles réalités ». L’actualité africaine de 2011 est aussi riche d’enseignements de changement et d’adaptation du Burkina Faso en Tunisie en passant par la Côte d’Ivoire, le Maroc, l’Egypte et la Libye, entre autres.

En plus du contexte, une gestion efficace du temps est source de bonnes décisions. Individuellement ou collectivement, le capital temps est le meilleur bien attribué à chacun et à tous. Première ressource, le temps permet de saisir l’occasion, de fixer un délai et de disposer d’une durée conséquente du mouvement temporel qui coule. Un mandat symbolise une portion de temps pour assumer une mission. Chaque chose a son temps et à son temps. A y voir de près, le temps de certains comportements politiques sont révolus, de la part de tous les acteurs. C’est donc le temps de l’imputabilité et de la responsabilité partagée.

Au regard de la situation sociopolitique de notre pays aujourd’hui, il importe de souligner que nombre de citoyens sont victimes du piège du bon sens et des évidences. « Ainsi, au bon sens, devraient s’ajouter l’intuition, les révélations, la prophétie et la capacité de prendre certains risques ». Ceux qui se sont engagés dans les discussions sur les réformes politiques prennent des risques pour qu’émerge un Burkina meilleur par un changement voulu et maîtrisé. A y voir de prêt, certains ont fait preuve de don de soi pour adhérer à l’initiative. Il s’agit pour eux d’appliquer la règle d’or de la vie sur la terre des Hommes à savoir la loi du donner et du recevoir. « On dit d’ailleurs que l’homme est jardin et jardinier et sa vie dépend fortement de ce qu’il fait comme jardinier et comme jardin. Le jardin fait pousser ce que le jardinier sème. On ne sème pas l’arachide si l’on veut récolter des mangues ». Donnez et vous recevrez, sémez et vous récolterez, participez et vous changerez. Il faut cependant respecter tous les choix car n’est pas choisir est une forme de choix qui s’assume.

Nous devons comprendre que « la vie est un jeu dont il faut connaître les lois et règles. La victoire dans un jeu n’est cependant valable que si elle est obtenue conformément aux lois et règles en vigueur. La vie peut cependant se transformer en combat à cause de l’ignorance, de l’égoïsme et des extravagances. Et si c’est ainsi, la vie devient source des heurts et malheurs que l’on observe ici et là dans le monde ». Ce message mérite d’être médité, compris et appliqué par les acteurs directs du processus de dialogue sur les réformes politiques pour faire de la démocratie au Burkina Faso un jeu et non un combat.

Dans notre marche pour la consolidation de la démocratie, il faut se préoccuper de remplir les conditions nécessaires et suffisantes. Il n’y a pas de peuples inaptes à la démocratie. Mais la dose qui peut augmenter au fur et à mesure de l’évolution sociale doit être bien calculée. « Sinon, elle peut produire ce que l’on voit souvent dans certains pays en Afrique : libertinage, exacerbation du tribalisme, mensonges, calomnies, diffamation, violences multiformes, fanatisme, déchirement du tissu social, affaiblissement de l’Etat, fragilisation de la force publique (armée, gendarmerie, police) ».

Le processus de dialogue sur les réformes politiques devrait prouver que « diriger, c’est prévoir ». Et pour cela, il faut s’asseoir, réfléchir et proposer des solutions réalistes qui tiennent compte de certaines exigences. « La démocratie est un système politique qui permet d’arriver au pouvoir par les élections. Dans un pays, les élections permettent d’avoir le pouvoir mais pas nécessairement les conditions de réalisation de la paix et du développement économique et socioculturel ». Une simple mathématisation de la démocratie entre majorité et minorité ne rend pas compte de la complexité de la gouvernance quotidienne d’un pays.

Une démocratie véritable exige un autre regard des contraires. En effet, il y a des contraires qui ne s’excluent pas mais se complètent et donnent un sens à l’existence. C’est le cas du pouvoir et de l’opposition. Le pouvoir d’aujourd’hui peut devenir l’opposition de demain et vice-versa.

« Une opposition qui s’organise uniquement pour faire chuter le pouvoir autrement que par les urnes fait une erreur grave d’appréciation et peut conduire à la « mort globale » du pays. De même, un pouvoir qui crée les conditions d’étouffement de l’opposition expose le pays à un dysfonctionnement préjudiciable à la prospérité générale et notamment économique ».

Une mauvaise compréhension des fonctions et des rôles du pouvoir et de l’opposition ont conduit à des crimes commis au nom du combat pour la démocratie. « Tout simplement parce que le pouvoir et l’opposition sont considérés par certains hommes politiques comme si tout les séparait alors que le pouvoir et l’opposition ont beaucoup à faire ensemble comme c’est le cas quand il s’agit de combattre pour bâtir la paix, l’unité et la concorde nationales » .

Les Burkinabè ont besoin de liberté, de fraternité, de dignité, de solidarité, de paix, de concorde, de bien-être matériel et spirituel. L’intérêt général concerne le peuple qui ne passe pas. Les intérêts particuliers font courrir des hommes particuliers dont la durée de vie est limitée dans le temps. Quand un homme politique ne se préoccupe pas de l’héritage à léguer aux générations futures, cela s’appelle un manque de vision. Un auteur disait que l’homme politique pense à la prochaine élection et l’homme d’Etat pense à la prochaine génération.

Au moment où notre pays entame le processus régional de consultation sur les réformes politiques, il importe de conclure cette réflexion sur les responsabilités respectives de l’opposition et du pouvoir sous forme d’interpellation. « Que signifie donc l’opposition ? Chacun peut se déclarer membre de l’opposition et ignorer superbement ce qu’il est appelé à faire en tant que tel. Certains opposants sont même dans une logique de la destruction nationale espérant par ce biais parvenir au pouvoir. C’est pourquoi, l’on parle souvent de l’opposition responsable et de l’opposition irresponsable. On oppose souvent l’opposition au pouvoir. Mais que signifie donc être au pouvoir ? Il faut une vision chimique pour identifier tout ce qu’il importe de faire lorsque l’on est au pouvoir. Sans cela, par ignorance des rôles et des fonctions qu’implique le fait d’être au pouvoir, on peut être appelé à poser des actes qui nuisent durablement à la nation tout entière ». Le pays n’est ni la propriété de l’opposition, ni la propriété du pouvoir. Il appartient à tout le peuple et il faut admettre que d’autres composantes en dehors de la majorité et de la minorité existent et ont aussi le droit à la parole. C’est dans cet esprit que cette réflexion est proposée à ceux qui parlent en notre nom à tous. Juste une modeste contribution pour éclairer et permettre la prise de bonnes décisions pour un Burkina Faso meilleur.

Dr Poussi Sawadogo,
Doyen du CRYSPAD,
Enseignant à l’ULB
Faciliateur/Animateur de processus de changement

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Vos commentaires

  • Le 18 octobre 2011 à 10:14, par Soura Yorba En réponse à : Processus régional du CCRP : Les propositions du Dr Poussi Sawadogo

    Félicitations et toute mon admiration !
    C’est une réflexion d’un grand intelectuel...
    Malheureusement en Afrique par le biais d’une congruence d’interets égoïstes nationaux et surtout internationaux, ce sont les médiocres ou ceux qui sont facilement manipulables par les puissances étrangères qui nous dirigent.
    A quand les intelectuels Africains oseront se lancer dans la politique ? Il faut oser inventer l’avenir de l’Afrique par les Africains et surtout par les dignes intelectuels dont elle regorge...
    Félicitation pour cette contribution remarquable.

  • Le 18 octobre 2011 à 13:09, par pitbul En réponse à : Processus régional du CCRP : Les propositions du Dr Poussi Sawadogo

    Merci DR Sawadogo pour cet effort intellectuel et espérons qu’il contribue à éclairer effectivement.

    je trouve que vs avez bien situé la responsabilité des acteurs politiques et dire qu’il n’y a pas un peuple inapte à la démocratie c’est bien dit car la démocratie sans complication est le système politique de gouvernance dont le but ultime est de garantir l’intérêt général ; celui du peuple. Alors aucun peuple ne peut être contre ces propres intérêts sauf qu’un peuple peut être amené à agir contre ces propres intérêts.

    parlant des intellectuels, il y a lieu de faire la part des choses car être intellectuel c’est bien mais il n’est pas prouvé que la politique est l’apanage des intellectuels. Mieux s’agissant du cas africain, mais je suis déçu de nos intellectuels. Ils me paraissent très incompétents politiquement car il leur manque l’engagement politique, le patriotisme et une vision pour l’Afrique. Je crois que le malheur de l’Afrique n’est pas l’ignorance de la masse mais le manque de leadership chez nos intellectuels.

  • Le 21 octobre 2011 à 03:25 En réponse à : Processus régional du CCRP : Les propositions du Dr Poussi Sawadogo

    Felicitations mon tres cher professeur. Ton combat semble etre la goutte d’eau dans la mer, mais il n’en demeure pas inutile ; bien au contraire... Courage.

    En reponse a un tel article, que deux commentaires. Quel dommage....

    De Beauvoir.

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