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Affaire Thomas Sankara : « Le dossier est là, le peuple aussi »

Publié le vendredi 14 octobre 2011 à 01h44min

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Les « Sankaristes » commémoreront, le 15 octobre prochain, les 24 ans du décès du président Thomas Sankara. Dans cet entretien qu’il a accordé à Fasozine.com, Me Bénéwendé Stanislas Sankara, président de l’Union pour la renaissance/Parti sankariste (UNIR/PS) et également chef de file de l’opposition politique, évoque les préparatifs de cette commémoration, la quête difficile de l’unité de ceux qui se réclament de l’idéal du capitaine Thomas Sankara. L’homme parle également de la famille du défunt président qui vit depuis les évènements du 15 octobre 1987 hors du Burkina Faso.

Fasozine.com : Comment se prépare la commémoration du 15 octobre ?

Me Bénéwendé Stanislas Sankara : Les préparatifs vont bon train. Ils se font d’abord dans la légalité et dans l’unité d’action. Nous avons obtenu une autorisation formelle des autorités communales et créé un comité national qui prend en compte les partis politiques d’obédience sankariste, des associations qui se réclament de l’idéal du président Sankara et des citoyens anonymes qui commémorent le 15 octobre. Nous avons également mis en place un comité du parti qui travaille pour mobiliser les militants de l’UNIR/PS.

Selon le chronogramme adopté par le comité national, la journée du 15 octobre sera d’abord une journée de prières pour le repos des âmes des disparus du 15 octobre. On se rappelle que le président Sankara a été assassiné avec une douzaine de compagnons. Comme les années précédentes, le clou de la cérémonie sera le dépôt de gerbe de fleurs, à 16 h, au cimetière de Dagnoën où a été inhumé le président Thomas Sankara. La mobilisation commence donc le matin pour se terminer aux environs de 18 h.

Cela fait 24 ans que Thomas Sankara est décédé. Qu’est-ce qui est fait pour pérenniser sa mémoire chez les jeunes ?

A ce jour, 21 salles de projection de films sur le président Thomas Sankara ont été détectées dans la seule commune de Bogodogo. Nous avons prévu également de faire des projections dans des espaces ouverts. Ce programme va se dérouler sur 4 ans, avec pour ambition de montrer, encore 24 ans, après la pertinence du discours du président Sankara. Des étudiants qui sont organisés au sein de la Fédération des étudiants (Fedes), qui relève de l’UNIR/PS tiendront une conférence débat autour du discours du président Thomas Sankara. Nous avions voulu, cette année, travailler autour d’une thématique, mais finalement nous avons réservé cela pour le 25ème anniversaire que nous sommes déjà en train de préparer. Un quart de siècle après sa mort, on se rend aujourd’hui à l’évidence que le président Sankara était en avance par rapport à l’histoire humaine africaine. Aujourd’hui l’évolution de l’actualité lui donne plus que jamais raison devant l’histoire.

Où en est-on avec l’affaire Sankara ?

Il ne faut pas se leurrer. Si les auteurs de la mort du président Sankara sont encore aux affaires dans notre pays, il ne peut pas y avoir de justice. Le reste, c’est une gymnastique juridique, parce qu’on veut la manifestation de la vérité. Avant tout, c’est un crime politique. Mais à qui profite le crime ?

L’Onu a indiqué qu’elle classait le dossier Thomas Sankara…

On ne peut pas classer le dossier du président Sankara. On peut tourner en rond, mais tout crime impuni reste un dossier ouvert.

Quelle réaction a suscité à votre niveau cette déclaration de l’Onu ?

De la déception. Mais il faut préciser que c’est le communiqué du secrétariat d’un comité qui a fait des constatations en 2006 au Burkina Faso. Mais le communiqué ne peut pas remettre en cause la décision du Comité des droits de l’homme de l’Onu qui est juridictionnelle. Et cette décision dit que le Burkina Faso a violé le pacte relatif aux droits civils et politiques. Quand il y a violation, il faut forcément une réparation. En quoi peut consister la réparation ? Au plan judiciaire et juridictionnel, le comité des droits de l’homme de l’Onu avait déjà dit qu’il faut organiser un procès équitable après bien sûr une enquête dans l’affaire du président Thomas Sankara. Cela est déjà suffisant. La mise en œuvre de cette disposition incombe aux autorités judiciaires du Burkina Faso, qui comme dans le dossier Norbert Zongo, sont en train de tourner en rond. Elles se font nommer ministres, ambassadeurs. Le dossier est là, le peuple aussi.

Que faites-vous concrètement pour l’aboutissement du dossier ?

Pour la manifestation de la vérité dans le dossier Thomas Sankara, les députés de l’opposition au Burkina Faso ont saisi le parlement français pour lui demander d’ouvrir les archives. Aujourd’hui, nous savons que le ministère français de la Justice a estimé que comme il n’y a pas une procédure judiciaire en cours, l’Assemblée nationale, de par sa commission générale des affaires étrangères, doit se saisir de ce dossier. Nous attendons de voir. C’est un combat multiforme et pluriel. Le Collège de sages avait recommandé de construire un mausolée pour le président Sankara. On a mis cette proposition à la poubelle mais sa mémoire reste vivace. Aujourd’hui le pouvoir était obligé dans un contexte de crise, d’aller mettre la police au cimetière de Dagnoën (NDLR, où a été inhumé le président Thomas Sankara). Mais moi j’ai foi en l’avenir, ce ne sera peut-être pas de notre vivant, mais tôt ou tard, la vérité se saura. Qui aurait cru qu’il y aurait un jour les déclarations de Robert Bourgi, l’histoire des djembé. On ne triche pas avec l’histoire.

Que vous inspire la flopée des partis d’obédience sankariste ?

Jai souvent répondu à une telle question en disant pourquoi chez les socialistes on ne s’offusque pas de voir des centaines de partis socialistes ou des partis libéraux ? Mais quand il s’agit des sankaristes, tout de suite, les critiques fusent de partout.

Dans l’émiettement actuel qu’ils connaissent quel peut être le poids des sankaristes sur la scène politique burkinabè ?

A l’UNIR/PS, nous avons notre conception de l’unité. Nous pensons que l’unité se conçoit à la base, autour d’un projet de société et avec des arguments pour défendre une vision. Chacun peut puiser dans l’idéal du président Sankara les ressources nécessaires pour créer son action politique. Même en dehors du Burkina, comme au Niger ou au Cameroun, des associations, des partis politiques et des fondations se réclament de l’idéal du président Thomas Sankara. L’unité des sankaristes, partant de tous les partis politiques de l’opposition, se construit autour de l’action politique pour créer les conditions d’une transition démocratique. Notre seule obsession, à l’UNIR/PS, est d’avancer avec le peuple de façon démocratique, dans la prise en main de son destin pour réaliser une alternative sankariste, selon ce que nous appelons Programme alternatif sankariste.

Mais d’un point de vue tactique, il serait effectivement bon de créer une unité d’action avec les partis déjà existants au lieu d’en créer d’autres. Parce qu’une unité d’action peut conduire à une alliance, ou même à une fusion des formations politiques sankaristes. L’UNIR/PS est la fusion de plusieurs partis politiques sankaristes. C’est donc possible. Mais avançons à notre rythme, à celui de la conscientisation, du travail que nos partis politiques font auprès du peuple et de la confiance que ce peuple porte aux leaders. Car s’il n’y a pas de confiance, vous allez avoir mille partis politiques, le peuple ne vous suivra pas.

Que répondez-vous à ceux qui reprochent aux sankaristes de poursuivre un idéal sans corpus ?

Je suis d’accord avec vous. Mais vous vous rendez à l’évidence que les stéréotypes sont finis. Les peuples ont besoin d’actions, de propositions concrètes. Le président Thomas Sankara était pragmatique. C’est à dire qu’il arrivait à trouver des solutions aux problèmes qui étaient posés. C’est ce que les peuples veulent, surtout la jeunesse. La vraie préoccupation aujourd’hui n’est pas de faire du sankarisme une idéologie à part entière, mais de définir les valeurs du sankarisme. Nous avons déjà résolu cette équation. Au niveau de l’UNIR/PS, nous disons que notre sankarisme a une vocation socialiste. Mais un socialisme africain à l’image de Kwamé Nkrumah, du président Thomas Sankara, de Patrice Lumumba.
Le sankarisme consiste plutôt à régler les questions sociales en priorité. Voila pourquoi nous mettons l’accent sur l’éducation, la santé, le mieux-être des Burkinabè. Parce que le développement endogène participatif dont on parle commence d’abord par l’homme, et nous y croyons.

Quels types de relations entretiennent les sankaristes entre eux ?

On se retrouve tous au niveau du chef de file. J’ai même été surpris quand j’ai vu dans les statuts d’un parti qui était venu déposer sa déclaration officielle d’appartenance à l’opposition politique, qu’il était sankariste. Ce parti, l’opinion ne sait pas qu’il est sankariste, c’est quand j’ai vu les statuts, que moi-même je me suis rendu compte que dans les textes fondamentaux, ce parti se réclame du sankarisme. Je ne vais pas vous donner son nom. La loi du nombre, pour moi, n’a pas d’importance. Pour l’entente, je crois qu’elle existe entre les sankaristes. On est même en train de rechercher les voies et moyens pour que l’ensemble des partis politiques de l’opposition aillent vers une plateforme d’action.

Comptez-vous inviter la veuve du président Thomas Sankara au 25e anniversaire du décès de son époux ?

Oui. Mais je ne peux pas dire, à la place de madame Sankara, qu’elle viendra. Elle est libre, comme toutes les autres personnalités qui seront invitées, de venir ou de ne pas venir.

Comment se porte la famille du Président Thomas Sankara ?

La famille se porte bien. Les deux fils (NDLR, Philippe, 31 ans et Auguste, 29 ans) poursuivent leurs études.

Seront-ils invités pour le 25e anniversaire du décès de leur père ?

Bien sûr. Ils sont aussi libres de venir ou de ne pas venir.

Vous parlent-ils d’un désir de rentrer au pays ?

On en parlera une autre fois.

Jacques Théodore Balima

Fasozine

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