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Institut des peuples noirs : Une cause folle et …perdue ?

Publié le vendredi 14 octobre 2011 à 01h42min

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C’est l’histoire d’un beau rêve qui finit en queue de poisson. Les illusions entretenues à la création de l’Institut des peuples noirs (IPN) ont cédé la place aujourd’hui à une vision plus contrastée du pays géniteur qui, toujours nourri par le doute, semble l’avoir définitivement accompagné ad patres. Le coma trop prolongé de l’IPN l’a conduit à sa mort clinique. Depuis sa création il ya une vingtaine d’années, l’Institut s’est retrouvé dans un jeu d’équilibre sur un panier d’œufs. Le ministère de la Culture et du Tourisme, la tutelle de l’IPN, a toujours tenté, sans grand succès, de sauver le malade suffisamment atteint de cancer généralisé.

En 1997, à l’invitation des autorités politiques d’alors, le professeur Laurent Bado a mené un audit organisationnel de l’Institution culturelle dont les pertinentes conclusions se voulaient de la sortir de sa longue hibernation. Les 4 et 5 septembre de la même année, un atelier national dit de relance des activités de l’IPN est organisé à Ouagadougou. Rien n’y fut ! Pire, au cours de sa longue stratégie de survie, cette institution a même failli perdre son appellation originelle. En effet, de l’Institut des peuples noirs, on est passé sans trop y croire heureusement, à l’Institut de la culture noire (ICN). C’est le conseil des ministres du 22 octobre 1997 qui, afin de permettre une « coordination des efforts de réhabilitation et d’affirmation du monde noir » a décidé du maintien de l’actuelle dénomination.

Aujourd’hui, l’IPN n’existe seulement que de nom au Burkina Faso. Nous avons personnellement contribué au travers de notre modeste plume de raviver, en vain, la flamme du combat. Depuis une dizaine d’années, dans ces mêmes colonnes de Sidwaya, nous avons remis, sans succès, l’IPN au goût de l’actualité et de l’appétit des pouvoirs publics. La barque commune coule. L’Institut des peuples noirs pour lequel le Burkina, pays géniteur s’est battu, ne semble plus présenter ni un enjeu culturel ni la même communauté de destin.

« En ces jours où la quête des Africains à scruter les voies du possible est grande au triple plan culturel, politique et économique, l’IPN sera beaucoup sollicité pour étudier, explorer et rechercher les réponses idoines à notre destin », avait prédit Mahamoudou Ouédraogo, ancien ministre de la Culture et de la Communication. L’IPN ne lui renvoyant plus les mêmes échos, le Burkina a, en définitive, perdu son impulsion d’antan. Et pourtant, nul, absolument nul, n’a contesté et ne conteste l’Institution ni dans son fondement légitime ni dans sa raison d’être et d’exister. De l’IPN, on retiendra qu’il avait pour missions entre autres, de « restaurer l’homme noir dans sa dignité ». C’est Jacques Prosper Bazié, ancien directeur général de l’institution qui l’a confessé.

La petite histoire de l’IPN

Le projet de création de l’Institut des peuples noirs a été matérialisé en 1984 au Burkina, alors drapé d’un nationalisme ombrageux fortement teinté de la légitimité révolutionnaire. En avril 1986, un symposium international de partage d’expériences rassemblant une soixantaine de participants de notoriété mondiale venus de différents horizons, se tenait à Ouagadougou. Au sortir des travaux, un comité technique de réflexions est constitué pour mobiliser les Etats politiques, sensibiliser l’opinion internationale à la cause de l’IPN et préparer surtout les documents organiques devant donnant lieu ultérieurement à la déclaration de naissance de l’Institut.

« Le Burkina Faso nous a interpellés pour renouveler notre conscience historique de manière à forger un instrument originel de mobilisation et de reprise de l’initiative pour fondre notre développement sur les valeurs de civilisation du monde noir », s’est réjoui, à l’époque, le représentant du directeur général de l’UNESCO à l’ouverture du symposium. Présent à la cérémonie, le président Thomas Sankara, lui, indiquera que « l’Institut des peuples noirs devrait être, dans la conscience des peuples noirs dispersés, un symbole réunificateur, c’est-à-dire celui de leur volonté commune à préserver leurs identités, leurs génies créateurs et leur dignité ».

Quatre ans plus tard, plus précisément en avril 1990, s’ouvrait à Ouagadougou l’assemblée constitutive de l’Institut des peuples noirs en présence d’une cinquantaine d’hommes de culture, de science et de responsables politiques venus d’Afrique, d’Europe, des Caraïbes, des Amériques du Sud et du Nord… C’est cette instance mondiale qui a consacré officiellement la naissance de l’IPN en 1990. Ouvrant la cérémonie de l’auguste assemblée, le président Blaise Compaoré rassurera : « La longue quête des peuples noirs, marqué par des luttes multiformes et glorieuses, n’a pour objectif que celui, légitime, de recouvrer leur identité, leur dignité et leur droit de participer au même titre que les autres à l’édification de la civilisation de l’universel ».

A sa création en 1990, l’IPN employait 13 agents dont 6 de conception et 7 d’exécution. Son congrès composé des différents membres statutaires est l’instance suprême qui se réunit tous les trois ans. A côté, un comité exécutif est constitué pour servir d’organe de contrôle. Le comité se réunit une fois par an et a un mandat de trois ans. Quant à la direction générale, organe d’administration et de coordination de l’IPN, elle comprend un directeur général (nommé par le congrès de l’Institut sur proposition du comité exécutif pour un mandat de trois ans renouvelable une fois), un directeur général adjoint et le personnel.

A l’atelier de relance de ses activités en 1997, l’Institut a vu ses missions, attributions et fonctionnement recadrés. Sans succès ! L’article 2 de la convention portant création en 1990 de l’IPN stipule qu’il est doté de la personnalité juridique et de l’ « extraterritorialité » et jouit des privilèges et des immunités diplomatiques. L’Institut des peuples noirs aurait dû avoir aujourd’hui le même rayonnement international comme le FESPACO, le SIAO, le SITHO, etc. A présent, il pourrait se dérober sous les pieds du Burkina Faso pour échoir entre les mains d’un autre pays plus motivé. L’IPN était un tremplin pour « rassembler les Noirs sur leur authenticité ». L’IPN est historiquement le prolongement culturel de ce long combat politico-biologique né en 1900 du « negro spirituals » panafricain conduit par Booker Washington, William Du Bois, Prince Mars de Haïti, Marcus Garvey de la Jamaïque, et défendu plus tard vers le milieu du 20e siècle, par Léopold Sedar Senghor et Aimé Césaire par le truchement du panafricanisme culturel (la négritude), et réapproprié plus récemment par Kwame Nkrumah, Patrice Lumumba, etc. avec leur panafricanisme politique.

« Il est essentiel que nous soyons nourris de notre culture et de notre histoire, si nous voulons créer cette personnalité africaine qui doit être la base intellectuelle de notre avenir panafricain », conseillait bien à propos, un éminent historien africain.

Idrissa NOGO (idrissanogo@yahoo.fr)

Sidwaya

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