LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Prix Unesco-Obiang Nguema Mbasogo : Malabo ne parvient pas à convaincre de sa bonne foi démocratique

Publié le mercredi 5 octobre 2011 à 20h00min

PARTAGER :                          

En 2008, l’Unesco avait institué le Prix Unesco-Obiang Nguema Mbasogo (cf. LDD Guinée équatoriale 017/Lundi 25 octobre 2010). Dans une indifférence générale ; l’Unesco n’intéresse que ceux qui y exercent un (bon) job. Des ONG ayant dès lors entrepris de fustiger la gestion de la Guinée équatoriale, la délégation US allait, à la veille de l’ouverture de la session du Conseil exécutif de l’Unesco (lundi 11 octobre 2010), demander l’abrogation pure et simple de ce prix.

« On ne pouvait pas savoir ce que ce prix allait engendrer. Il ternit l’honneur de l’organisation […] Nous sommes très inquiets des effets négatifs que son adoption a eu et va avoir sur l’Unesco s’il n’est pas annulé ».

Les Américains veulent bien exploiter le pétrole équato-guinéen et faire la fête à Malabo, le week-end, avec force de petites « locales », mais pour le reste, ils ont des états d’âme. Un an après cette demande d’abrogation, la question de la remise de ce prix revient sur le tapis. Dans un contexte qui a évolué. Obiang Nguema préside l’Union africaine tandis que Ben Ali à Tunis et Moubarak au Caire ont été dégagés en touche et que la chute du régime Kadhafi à Tripoli est d’ores et déjà une réalité même si personne ne sait ce que sera celui qui va lui succéder. Partout, en « Occident », on proclame que le temps des « révolutions » est venu en Afrique et que celui des dictateurs est désormais compté. Et dans les rangs des dictateurs, les ONG mettent désormais en tête de liste le chef de l’Etat équato-guinéen, au pouvoir (à la suite d’un coup d’Etat baptisé « le coup de la liberté ») depuis le 3 août 1979. Ce qui fait, effectivement, un sacré bail. Depuis, en France, nous avons eu Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand et Jacques Chirac (deux mandats chacun), Nicolas Sarkozy. Mais Malabo n’est pas Paris. Et, en 1979, le régime de Macias Nguema n’avait rien à voir avec celui de VGE.

En 1979, la Guinée équatoriale était un pays fantôme dont personne ne savait rien. Vingt ans plus tard, à la veille du XXIème siècle, c’était un pays pétrolier et gazier qui avait entrepris de transformer de fond en comble sa physionomie. Au cours des dix années écoulées, le Rio Muni comme l’île de Bioko sont devenus méconnaissables ; étant entendu qu’il est plus facile de construire un échangeur, d’aménager un port moderne, d’ériger des bâtiments, etc. que de changer les mentalités et, surtout, de former des formateurs et d’éduquer des éducateurs. La Guinée équatoriale doit donc faire avec ses contradictions. Dont la première est la faiblesse de sa capacité d’absorption des richesses désormais dégagées par l’exploitation des hydrocarbures. D’où une montée en puissance des « nouveaux riches » dont l’extravagant comportement (à commencer par celui du fils du chef de l’Etat) occulte celui des Equato-Guinéens qui ont entrepris de faire de leur pays autre chose qu’une « poule aux œufs d’or ».

Question de principe : Malabo s’accroche à son « prix » (pour la recherche en sciences de la vie) et Obiang Nguema est parvenu à mobiliser ses pairs africains en sa faveur même si des personnalités continentales de premier plan « ruent encore dans les brancards ». A l’Unesco s’est engagée une guerre de tranchées entre les « pour » et les « contre ». Et jour après jour, de report en report, il est proclamé qu’il est urgent de décider de ne rien décider jusqu’en… avril 2012. Chacun espérant que, d’ici là, la donne aura une fois encore changé.

J’ai déjà dit (cf. LDD Guinée équatoriale 017 et 018/Lundi 25 et Mardi 26 octobre 2010), ce qu’il fallait penser de cette systématisation de l’ostracisme médiatico-ONGiste à l’encontre de la Guinée équatoriale. Elle a, selon moi, quelque chose d’irrationnel et plus encore d’hypocrite. Mais ce qui m’étonne plus encore, c’est l’ampleur de la mobilisation « pour » ou « contre » ce prix en un temps où l’Afrique connaît des bouleversements dont les effets collatéraux ne sont pas encore connus. De l’Afrique du Nord à la Corne de l’Afrique, du corridor sahélo-saharien au golfe de Guinée, sans oublier la partition du Soudan, l’affaire du Darfour, les échéances présidentielles notamment au Cameroun (dans quelques jours) et au Sénégal (dans quelques mois), etc. l’Afrique ne se porte pas si bien que cela et on pouvait espérer, dans ce contexte, plus de visibilité de l’Union africaine et de son président. Même Jean Ping, président de la Commission de l’UA, d’ordinaire plus loquace, semble être aux « abonnés absents ». Or, j’ai beau écouter, je n’entends personne débattre, au sein de l’UA, des problèmes auxquels l’Afrique est confrontée, tandis que l’UA semble se préoccuper, seulement, de « débloquer » à l’Unesco le prix Obiang Nguema Mbasogo, ce qui m’apparaît irréaliste.

Ce n’est pas l’avis du conseiller du président (organisations internationales), Agapito Mba Mokuy ; il considère que dans l’un et l’autre cas (le silence de l’UA ; le report du prix par l’Unesco), Malabo est confronté au même mal : la « dilution ». Il m’explique que Obiang Nguema joue pleinement le jeu de la communication sur toutes les questions essentielles ; que dans l’affaire libyenne, il ne s’agit pas de vouloir sauver le régime de Kadhafi mais de ne pas créer « un précédent dangereux » en soutenant un mouvement qui n’est pas issu des urnes ; que « l’Afrique est inquiète » des conséquences de toute cette affaire… Mais le message ne passe pas, n’est pas relayé. Il est « dilué ». Toute action diplomatique est aussitôt contrecarrée par un événement « anecdotique » : les « biens mal acquis », les « supercars » du fils du président, les actions engagées par les ONG, etc. Il ne nie pas la « réalité » ; il me dit qu’il « constate » simplement que, quoi que fasse la Guinée équatoriale, rien ne trouve grâce aux yeux de « l’autre camp ». Quand, rebondissant sur l’idée de « l’autre camp », j’évoque l’idée d’un « complot » contre Malabo, il me répond que c’est « très clair ». Tous les jours, tous les avions en provenance d’Europe, d’Asie et d’Amérique, m’explique-t-il en substance, sont pleins d’entrepreneurs et d’hommes d’affaires qui viennent signer des contrats en Guinée équatoriale ; c’est dire que chacun sait que le pays a changé et que la population, elle aussi, a profité du changement. « Tout ce qu’on peut faire pour le mieux être des Equato-Guinéens, nous le faisons », me confie-t-il, soulignant que, malgré les déclarations officielles, aucun des pays partenaires de la Guinée équatoriale, ne fait l’effort de comprendre ce qui se passe là-bas. « Nous sommes un trop petit pays, me dit-il, pour être pris en considération ».

Il est vrai que la visibilité de la Guinée équatoriale sur la scène africaine et mondiale est quasi inexistante. On résume son histoire à l’oncle (Macias), au père (Obiang Nguema) et au fils (Teodoro) tandis que la flamboyance de ce dernier fixe l’attention des médias bien plus que le reste. Malabo ne parvient pas à convaincre de sa bonne foi démocratique et il y a des raisons objectives à cela. Le pire est, sans doute, que la Guinée équatoriale dépense beaucoup d’argent en « communication » ; Mba Mokuy ne manque pas de me le faire remarquer. Mais la motivation des « communicateurs » étant bien plus l’appât du gain (et la nécessaire rémunération des intermédiaires) que de forger un message politique, économique et social, cette « com » opportuniste se limite trop souvent à tresser des lauriers à Obiang Nguema et à encenser le « miracle pétrolier et gazier » équato-guinéen, ce qui, immanquablement, renforce, dans l‘opinion africaine et internationale l’image d’un pays dirigé « d’une main de fer » par son président, « troisième producteur de pétrole d’Afrique subsaharienne mais [où] l’essentiel de sa population vit dans la pauvreté ». Il est urgent que Malabo réfléchisse à une communication qui ne soit pas que de la collusion. Le pays le mérite. Sa population aussi.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 5 octobre 2011 à 19:40, par Vérité crue En réponse à : Malabo ne parvient pas à convaincre de sa bonne foi démocratique. Il y a des raisons objectives à cela !

    Et alors monsieur le journaliste ?vous dites que le pays est riche,la polulation est pauvre.Donc il y a un problème qu’on devine aisement.Encore la mal gouvernance,la corruption et pour preuve,je demande aux compatriotes de regarder sur youtube l’étalage de la fortune du fils de ce monsieur.C’est tout simplement indécent qu’un jeune homme se retrouve avec 11 voitures de luxe à Paris pour lui tout seul et après on dit que la population est pauvre et sur l’histoire de prix de l’Unesco,je me demande pourquoi il y a débat.Il faut refuser les bonnes graces de ce monsieur,on s’en fout meme des prix,on veut des actes concrets,c’est encore de la corruption pour se faire passer plus blanc que blanc

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique