LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Valérie Kaboré : Défis permanents pour une battante de première heure

Publié le jeudi 29 septembre 2011 à 01h42min

PARTAGER :                          

Elle avait voulu devenir journaliste, mais les circonstances l’ont amenée à faire plutôt des études cinématographiques. Un domaine dans lequel elle continue d’exceller, avec une filmographie riche. Certains de ses films ont d’ailleurs été salués par la critique et récompensés par des prix divers. Valérie Kaboré –puisque c’est d’elle qu’il s’agit- a su constamment se battre pour réussir ses projets, créant, alors qu’elle n’avait que 25 ans, son agence de communication et de production cinématographique, Média 2000. Féconde en initiatives, elle aura tout donné à sa passion pour la valorisation de l’image de la femme par les images, abordant constamment, dans ses films, des thèmes sur la responsabilisation, l’éducation et les droits des femmes et des enfants.

Au détriment, bien souvent, de son propre accomplissement dans un mariage épanoui. Mais entre les vicissitudes du cœur et les impératifs de la raison, Valérie Kaboré, femme pratique, solidaire et généreuse, a toujours su faire la part des choses et foncer pour relever les défis que lui impose la vie…

« Avec le recul je me rends compte que lorsqu’on me lance un défi, je me bats pour le relever. Je suis du genre à traîner les pieds, mais quand on me lance un défi, je pousse des ailes. » C’est ainsi que se définit Valérie Kaboré, la très prévenante patronne de Média 2000, la société de communication et de production cinématographique et télévisuelle qu’elle a fondée en septembre 1991. Avec une filmographie particulièrement riche, elle figure parmi les réalisateurs qui comptent au Burkina Faso et de la sous-région. Elle a bien conscience que si elle en est arrivée là, c’est grâce à un panachage de chance, quelques relations et une bonne dose de volonté. « La vie est un ensemble de circonstances et rien ne pouvait prédestiner ma trajectoire », explique-t-elle, la voix calme.

Née à Bouaké, en Côte d’Ivoire, il aura décidément fallu du courage à Valérie Kaboré, cinquième enfant d’une fratrie de six, pour s’assumer pleinement et s’affirmer dans la vie. Cycle primaire à Pouytenga, secondaire au collège Notre-Dame de Kologh-Naaba puis au lycée Charles Lavigerie de Ouagadougou, son enfance se déroule sans difficulté majeure, bercée entre sa famille et les sœurs religieuses qui avaient la charge de son éducation. Après le baccalauréat, elle se fait orienter en Lettres, dans l’espoir d’entreprendre, plus tard, des études de journalisme. Mais la filière n’existait pas encore au Burkina. Il fallait alors décrocher une bourse, après les études de Lettres, pour prétendre poursuivre ses études dans des écoles de journalisme qui avaient pignon sur rue, comme celle de Lille ou de Bordeaux, en France.

Il n’était pas évident d’obtenir une bourse et le débouché le plus probable pour les étudiants de Lettres était l’enseignement. Valérie Kaboré se tourne alors vers l’Institut africain d’études cinématographiques de Ouagadougou (Inafec). Manque de pot, l’établissement affichait complet. Mais comme son ange gardien n’était jamais loin, c’est à la Direction de l’orientation et des bourses, où elle s’était rendue pour trouver une solution à son problème, qu’elle tombera sur un étudiant orienté à l’Inafec et qui voulait plutôt aller en Lettres modernes. La permutation ne fut qu’une formalité. « Mais à l’approche de la rentrée, nous avons été convoqués, 40 personnes au total, pour nous entendre dire que finalement, l’admission se ferait sur concours et que seules 20 personnes seraient retenues. Imaginez ma panique ! Mon rêve pouvait s’effriter. »

« Votre place n’est pas ici ! »

Alors, elle passe toutes ses vacances à préparer le concours. Jusqu’au test d’entrée qu’elle réussira haut la main. Lors de l’épreuve orale, le jury lui demande de commenter un film africain qu’elle avait déjà vu. Cela tombait plutôt bien. Elle venait d’assister, quelques mois plutôt, à une édition du Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (Fespaco). Aujourd’hui encore, elle se rappelle que c’est « Pétanqui », le film du cinéaste ivoirien Yéo Kozoloa, qu’elle a choisi de commenter, puisqu’elle l’avait suivi au Fespaco. « Vous vous rendez compte ? Pour quelqu’un qui a passé l’essentiel de sa vie entre sa famille et à l’internat chez les sœurs, et qui venait de s’ouvrir au monde, c’est une sacrée chance d’avoir vu ce film ! ».

Mais le tout n’était pas de franchir les portes de cette fabuleuse institution, qui a moulé tant de grands cinéastes burkinabè. Il fallait encore se montrer à la hauteur. Ce qui n’était pas évident pour Valérie Kaboré, qui tenait à entreprendre des études de cinématographie avec un Bac G.

« Le premier jour de classe, l’un de nos enseignants a demandé aux étudiants la nature de leur Bac. Nous étions trois à avoir fait un Bac G, alors que les autres avaient des Bac A ou D. Il nous a dit que notre place n’était pas là, qu’il était temps qu’on cherche à s’orienter ailleurs, et cela a été l’objet d’un fou rire général. Susceptible comme je l’étais, j’ai été piquée au vif et je me suis dit qu’il fallait lui montrer qu’il se trompe », se souvient-elle. Elle se lance alors dans une course effrénée pour se mettre à niveau, travaillant même les week-ends, avec les encadreurs et les techniciens disponibles, tant et si bien qu’elle termine l’année à la troisième place. Parallèlement à ses études, elle travaille à la télévision comme speakerine, de 1985 à 1987, ce qui lui permet de se faire un carnet d’adresses qui lui sera par la suite utile.

Une fois sa licence en sciences et techniques de l’audiovisuel en poche, elle quitte l’Inafec pour la France. En véritable combattante, elle enchaîne les boulots –comme pigiste et correspondante à Paris de Radio Nederland (Pays Bas) notamment, puisqu’elle avait l’expérience de la télévision-pour arrondir ses fins de mois, et les astuces pour survivre dans l’anonymat de cette jungle urbaine que je représentais Paris pour cette jeune sahélienne. « Durant presque tout mon séjour, je me faisais passer pour une femme enceinte : chaque fois que je finissais tard et que je devais emprunter le métro pour rentrer, je mettais mes effets sous mes vêtements pour simuler une grossesse. A l’époque, c’était efficace. Les petits délinquants me laissaient tranquille. Certains d’entre eux se proposaient même, quelques fois, de m’aider à descendre du métro », s’amuse-t-elle encore.

Une radio et une télé en perspective

C’est ainsi que de Paris I, où elle décroche une licence en animation sociale et culturelle, elle ira à Paris VII pour une maîtrise en études cinématographiques et audiovisuelles, puis à l’Ecole des hautes études à Paris pour un DEA, toujours en audiovisuel. Elle s’engage alors sur la voie d’un doctorat, puis se ravise et rentre au pays pour créer son entreprise. C’est que le Programme d’ajustement structurel, dans lequel le Burkina venait de s’engager, permettait aux privés d’investir un certain nombre de secteurs, parmi lesquels celui de la communication. Ainsi naquit Média 2000, en septembre 1991. Une entreprise créée à 25 ans, grâce à ses petites économies et à des prêts (entièrement remboursés, tient-elle à préciser) consentis par des membres et des amis de sa famille.

« Au début, je travaillais avec une promotionnaire. Nous n’étions que deux et il nous fallait nettoyer le bureau nous-mêmes, à tour de rôle. Ce n’est que par la suite que j’ai pu recruter un directeur commercial, puis un assistant technique et ainsi de suite. »

Il y a eu, confesse-t-elle sans gêne, des moments où elle a failli jeter l’éponge, car il n’y avait aucune mesure d’accompagnement de l’Etat : « Vous ouvrez votre entreprise et tout de suite, vous payez des impôts comme les entreprises qui ont 50 ans d’exercice. » Aujourd’hui, l’entreprise emploie une douzaine de permanents. Avec certains projets, comme c’est le cas du tournage de la deuxième saison de sa série célèbre Ina, elle peut recruter plus de 35 techniciens et une centaine de comédiens. Convaincue que la communication et le cinéma sont des produits immatériels qui n’existent que grâce à la fertilité de l’esprit de celui qui les crée, l’ancienne téléspeakerine s’apprête à mettre sur orbite, avec la bénédiction de partenaires danois et hollandais, une radio et une télévision. Elle pourra ainsi se consacrer, en grande partie, à la promotion de la femme et des droits humains.

Désiré Théophane Sawadogo

Fasozine

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique