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Bourgi n’est pas qu’un « porteur de valises ». C’est surtout un acteur de la « diplomatie parallèle » de l’Elysée et d’ailleurs ! (2/5)

Publié le mercredi 14 septembre 2011 à 16h08min

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Copain du « léopard » zaïrois, Bourgi, imperceptiblement, va sortir de l’ombre. C’est que la communication politique oblige, aussi, à communiquer avec les médias.

Stephen Smith et Antoine Glaser, dans Ces Messieurs Afrique, qui ont été reçus par Bourgi dans son cabinet parisien du 14 avenue Pierre-1er-de-Serbie, raconteront que les « prestations » de ce « relais efficace entre les gaullistes français et plusieurs présidences sur le continent », vont du « renseignement d’ambiance, parfois très privée, jusqu’aux messages cryptés tombant du téléscripteur ayant relié, un temps, directement son cabinet à celui du maréchal-président Mobutu ; le paiement d’opposants africains qui, de passage à Paris, viennent ici chercher la compensation méritée de leurs efforts de cohabitation ; à ces fins, entre autres, la gestion de comptes présidentiels, les titulaires se bornant à envoyer de petits mots manuscrits, très chiffrés, en guise d’instruction ; la « ventilation » de dossiers confidentiels pour alimenter la presse dite d’investigation ; l’obtention d’audiences officieuses ou officielles. En fait, plus le client est en délicatesse avec le drapeau tricolore, plus fort il frappera à la porte de l’avenue Pierre-1er-de-Serbie ».

Parmi ces clients en « délicatesse », Pascal Lissouba, alors président du Congo, qui n’avait pas toujours, avec Paris, le ton qui convenait à une relation soft. Mais ce jeu d’intermédiation dans le « village africain » français n’était pas sans risque et les susceptibilités étaient d’autant plus fortes que les interférences étaient multiples. Ainsi, Bourgi, qui comptait Omar Bongo Ondimba parmi ses « clients », se fera pourtant épingler par L’Union, le quotidien national gabonais, le 13 mai 1997 : « Dans les égouts de la politique franco-française, on trouve parfois des rats qui aiment grignoter les ordures en passant au fil du courant, sans discernement et sans scrupules […] Comme ce R. Abougri ou - je ne sais plus ! - Robert Bougie ».

Les pourfendeurs de la « Françafrique » vont faire de Bourgi leur bête noire et laisser penser que les affaires franco-africaines sont le fonds de commerce de son cabinet (Smith racontait qu’à la Villa Charlotte, à Luzarches, dans le Val d’Oise, la propriété de Foccart, la touche 2 des numéros enregistrés avait pour intitulé « Bob » pour Robert Bourgi !). C’était oublier que s’il est né à Dakar, en Afrique, c’est à la communauté libanaise chiite que Bourgi appartient. Beyrouth n’est jamais perdu de vue.

Dans un de ses livres les plus méconnus, La Menace, Pierre Péan a écrit : « Bourgi était devenu l’intermédiaire entre la communauté chiite libanaise en Afrique et le RPR […] La victoire du camp de Chirac [a été] - [il s’agit de la victoire aux législatives de 1985] - saluée avec joie par les chiites d’Afrique […] Rien de plus normal que les chiites d’Afrique tentent alors d’aider leur « poulain » et nouveau « protecteur » à récupérer les otages en se servant de Bourgi qui, dès la formation du gouvernement, a été nommé conseiller technique de Michel Aurillac ». « L’affaire des otages français du Liban » (Kauffman, Carton et Fontaine) - une « affaire » qui est en fait franco-iranienne - a empoisonné la vie politique et diplomatique de la France pendant de longs mois. Le 4 mai 1988, en pleine présidentielle, les otages seront remis aux autorités françaises.

Dans Une guerre (Editions des Arènes, Paris, 1997), un livre encore plus méconnu que La Menace de Péan (cf. supra), la journaliste Dominique Lorentz (une femme) avait enquêté sur la mort « accidentelle » de Michel Baroin (4/5 février 1987) et « l’accident » mortel, quelques mois auparavant (26 avril 1986), de sa fille Véronique âgée de 22 ans, autrement dit le père et la sœur de notre actuel ministre de l’Economie et des Finances (cf. LDD France 0565 à 0568/Lundi 12 au Jeudi 15 juillet 2010).

Baroin, le père, a été une figure majeure de la franc-maçonnerie, du monde des affaires, du monde politique français et des relations franco-africaines (c’est alors qu’il survolait le Cameroun que son jet de location s’est écrasé), sa mort, selon Lorentz, s’inscrivait dans le contentieux nucléaire franco-iranien à la suite de la chute du shah (j’ai longuement commenté les thèses sur la mort de Baroin dans LDD France 0222 et 0223/Mercredi 12 et Jeudi 13 mai 2004), un contentieux dans lequel s’inscrivait déjà « l’affaire des otages français du Liban ».

Le 4 mai 1988, alors que la France était en campagne pour la présidentielle, trois hommes vont, officiellement, remettre les otages aux autorités françaises. Selon Dominique Lorentz, il s’agissait de Cheik Zein « avec Bourgi et Pasqua ». Zein résidait au Sénégal. Selon Lorentz, il avait rencontré Michel Baroin à Dakar quelques semaines avant que celui-ci ne soit tué dans un accident d’avion. Selon Libération, cité par Lorentz : « chef religieux de la communauté chiite d’Afrique occidentale [Zein] a fait des études classiques jusqu’au baccalauréat […] C’est pendant ses années en Irak qu’il noue des relations avec des dignitaires religieux chiites qui sont à présent parmi les dirigeants du Hezbollah ou au sein de la hiérarchie actuelle de l’Iran […] Sa position en Afrique lui confère une importance déterminante » .

Voilà un aspect de la personnalité de Bourgi occulté aujourd’hui par ses activités de « porteur de valises ». Mais ce n’est pas tout. L’ombre qui masque aux yeux de nombreux observateurs les activités de Bourgi est propice aux supputations. Nous sommes en République de Côte d’Ivoire (un pays où Bourgi, quand il était enseignant, a fondé la section locale du Club 89), au printemps 2003. Après le (bref) espoir suscité dans l’ensemble de la classe politique franco-africaine par la signature des accords de Marcoussis, les combats ont repris. Les services occidentaux de renseignement évoquent l’arrivée significative de mercenaires, un leader de la « rébellion » (Félix Doh) est assassiné dans l’Ouest, le Haut-commissariat des Nations unies pour les droits de l’homme et la DGSE font état de l’émergence de groupes armés « au service de la présidence de la République » qui seront qualifiés « d’escadrons de la mort » (informations reprises par Stephen Smith dans Le Monde daté du 8 mai 2003).

Abidjan était devenu un pôle d’ancrage de tous les faiseurs de roi. Il y avait, au temps du « Vieux », toutes sortes d’évangélistes et autres Harristes et Chrétiens célestes. Puis, sous Laurent Gbagbo, toutes sortes de mercenaires sans oublier les organisations baptistes US, les barbouzes israéliennes, les ex-KGBistes angolais et les… chiites libanais. La Côte d’Ivoire était devenue le chaudron autour duquel se rassemblaient toutes les sorcières d’Afrique et d’ailleurs.
Un chaudron à la limite de l’implosion. D’autant plus que le couple Gbagbo, Simone et Laurent, nouveaux duettistes socialo-xénophobes, s’était lancé dans une équipée sauvage dont on savait qu’un jour ou l’autre le contrôle leur échapperait. Nous étions en Côte d’Ivoire, à la croisée de toutes les contradictions. Mais ces contradictions avaient un point commun : la religion. Qu’il s’agisse de la Bible ou du Coran. Et je ne cessais de m’étonner d’entendre Simone prôner le rapprochement avec Israël. Avec pour argument majeur que « le président Houphouët-Boigny était très pro-israélien », tandis que, dans le même temps, la rumeur laissait entendre qu’elle organisait, avec le concours de groupuscules chiites libanais la mise en place de milices privées. La Bible et le Coran !

Fallait-il s’étonner que des chiites libanais soient appelés à lutter contre une opposition ivoirienne dont on ne cessait d’affirmer, à Abidjan, qu’elle était une opposition musulmane ? C’est sans doute qu’il y a plus de différence entre un musulman chiite libanais et un musulman ivoirien qu’entre une barbouze israélienne et un « terroriste » du Hezbollah !

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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