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Soutien français au Conseil National de la Transition libyenne : Entre discours et réalisme politique

Publié le mardi 6 septembre 2011 à 02h51min

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L’intervention française en Libye sous mandat onusien comporte de notre point de vue deux enseignements : d’une part elle montre sur le plan de l’architecture de résolution des conflits au niveau multilatéral depuis la charte de l’ONU que la rupture observée lors l’intervention américaine en Irak n’était pas un accident. En conséquence, elle montre d’autre part qu’on assiste bien à un néo réalisme avec dans cette vision l’ONU comme organe de légitimation des entreprises des grandes puissances. Au delà donc du discours, l’intervention française en Libye n’en est donc qu’une illustration.

Un discours politique sur mesure

Lors de son discours justificatif de l’intervention de son pays en faveur du conseil national de transition libyen, le président français Nicolas Sarkozy affirmait ceci : « Nous le faisons pour protéger la population civile de la folie meurtrière d’un régime qui en assassinant son propre peuple a perdu toute légitimité. Nous intervenons pour permettre au peuple libyen de choisir lui-même son destin. Il ne saurait être privé de ses droits par la violence et par la terreur. »

Ce discours constitue en soi un motif légitime car cadrant avec le principe de la déclaration universelle des droits humains ainsi que de celui de la paix démocratique qui s’affirme comme étant la seule forme de gouvernance ayant droit de cité. La stratégie a donc consisté à diaboliser un régime lui ôtant donc au nom des principes de la charte de l’ONU toute légitimité. Cela a donc contribué à justifié l’aval de l’organisation des nations unies pour cette intervention.

Toutefois même s’il se justifie dans le contexte, il soulève des questions sur ses véritables motivations. En effet, peut-on penser que la violence et la terreur comme mode de gouvernance soient une nouveauté de ce régime ? La réponse s’impose donc historiquement par la négative car ces deux aspects ont toujours été depuis quatre décennies la caractéristique principale de ce régime. Ce régime avait donc perdu toute légitimité depuis plusieurs années et n’était de ce fait pas fréquentable aussi bien en décembre 2007 lorsque Kadhafi fut reçu à l’Elysée que lors du printemps arabe.

Les motifs réels de l’intervention

Pour notre part, les veritables raisons de l’intervention française se retrouvent loin de la posture de la France instauratrice d’un Etat de droit en Libye mais plutôt dans le champ de la realpolitik.

Elle était donc une occasion au niveau international de restaurer l’image de puissance mondiale France. Dans un premier temps auprès des populations du monde arabe. En effet, depuis la bourde de Michel Alliot Marie lors de la crise tunisienne, l’image de la France avait pris un coup dans le monde arabe qui a critiqué une volonté de soutien d’une dictature. L’intervention en faveur du CNT vient ainsi restaurer cette image de la France défenseur des peuples bafoués dans leur liberté (qu’elle a montré en Cote d’Ivoire).Dans un second temps, cette intervention contribuait à corroborer au niveau mondial l’image d’une France puissance mondiale active s’impliquant dans les grands dossiers mondiaux tels que le sommet du G8, la crise ivoirienne, le nucléaire, la crise de l’euro…

De même, cette intervention constituait une voie de d’acquisition de marché extérieur pour l’économie française et surtout une source d’approvisionnement en pétrole. Apres la guerre advient la reconstruction et la redistribution qui va avec aux entreprises des puissances participantes. Apres avoir appris à ces dépens cette leçon aux lendemains de la guerre d’Irak (les entreprises françaises avaient subi la décision de non ingérence du gouvernement français) l’Etat français a cette fois décidé d’assumer et de diriger l’intervention en Lybie auprès de la CNT avec les avantages sur le plan économique qui l’attendent : « la future Libye promet d’accorder 35 % du brut libyen aux Français en échange de la reconnaissance du CNT lors du sommet de Londres, comme représentant légitime de la Libye. » indiqua le nouvel observateur qui affirme également l’existence de contacts précédants : « Des hommes d’affaires français se sont rendus en Libye au début de l’été.

Objectif : assurer la continuité des contrats signés sous Kadhafi et tâter le pouls pour en signer de nouveaux ». Même si ces informations furent démenties (comme le veut le rituel en la matière) par le gouvernement français, il n’en demeure pas moins que la conférence de Paris avait pour but inavoué le partage des dividendes de la victoire.

Enfin, cette intervention libyenne comporte une importance capitale au niveau géopolitique : le contrôle l’immigration en destination de l’Europe. En effet, le territoire libyen de part sa situation géographique constitue un point stratégique des routes de l’immigration. Les multiples tentatives de la France, de l’Italie et même de l’union européenne en vue de limiter le flux migratoire se sont ainsi souvent heurtées à la résistance ou à la non collaboration du régime déchu qui l’a même souvent utilisé comme outil de pression contre l’Europe. De ce fait, soutenir le CNT revient à donc contribuer à la mise en place d’un régime contrôlable en vue d’un accord contre l’immigration.

Sur le plan national, cette intervention constitue une aubaine pour la gouvernance, cette intervention constitue une plus value (par le discours utilisé pour la légitimer et qui semble avoir été approuvé par une large partie de la population française) pour le candidat Sarkozy dans la perspective des présidentielles de 2012.

Rama Yade réhabilitée

Cette intervention comme nous venons de le démontrer n’est rien donc qu’une entreprise d’une puissance mondiale défendant ses intérêts dans un monde dans lequel le pétrole et les marchés extérieurs nécessaires au soutien des économies constituent un enjeu crucial. Dans cette optique, l’organisation des nations unies s’affirme de plus en plus comme un organe de légitimation de ces entreprises. (Dernier exemple en Cote d’ivoire).

Enfin, en s’engageant dans cette guerre contre le régime Kadhafi au nom du respect des droits humains, le gouvernement français réhabilite Rama Yade dont les propos critiques envers le régime Kadhafi lors de la visite de ce dernier en France en 2007 avaient suscité de la part de la présidence de la république désaveu et réprimandes au nom des intérêts français qui passaient à l’époque par des relations avec le régime. De nos jours, intervenir contre ce régime constitue donc opportunité de conquérir les richesses de ce pays…ce qui justifie aussi la passivité observée contre un autre régime pourtant dans la même situation d’illégitimité : la Syrie.

Wendata Miki Zongo

Pour Lefaso.net

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