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Damien Glez de JJ : « Simon Compaoré a une tête belle à croquer »

Publié le vendredi 26 août 2011 à 02h13min

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Le Journal du jeudi (JJ) a soufflé ses 20 bougies cette semaine. Pour parler des vingt ans de l’hebdomadaire satirique burkinabé, le seul du pays, nous avons rencontré Damien Glez, le célèbre caricaturiste qui a donné à JJ une identité et en a fait une institution. Il revient sur son parcours personnel et sur celui de l’irrévérencieux canard, pardon…dromadaire

Comment se porte le Journal du Jeudi aujourd’hui ?

• L’Hebdromadaire se porte bien. Il y a des motifs de satisfaction. C’est vrai que sous d’autres cieux 20 ans, ce n’est pas beaucoup, mais sous nos tropiques, surtout pour un journal indépendant, c’est un prodige de tenir autant d’années. Dans la sous-région, il y a tellement de titres qui ont disparu ! Nous sommes donc satisfaits de notre parcours.

Vous fêtez vos vingt ans d’existence à travers le numéro 1040. Sous quel signe comptez-vous placer les futures parutions ? Y aura-t-il des innovations ?

• Nous allons continuer de tracer notre sillon en privilégiant toujours l’humour, la satire. En somme, nous poursuivrons notre démarche qui consiste à traiter l’actualité de manière décalée. Nous voudrions aussi étoffer le journal, mettre plus de dessins en quadrichromie (Ndlr : en couleur) et relancer les hors-série sous forme de thèmes ou de recueils de dessins.

La satire est-elle un genre accepté au Burkina ?

• L’humour, en général, est bien accepté en Afrique et, particulièrement, le dessin. Peut-être que l’analphabétisme explique pourquoi la majorité réagit mieux à l’image qu’au texte. Ce qu’il a fallu installer progressivement, c’est l’humour appliqué à la politique. C’est vrai qu’il y a une vieille culture de l’humour au niveau social et qu’il circule toutes sortes de blagues sur le pouvoir mais pas dans le journalisme. C’est vrai qu’il y a des gens qui n’ont pas le sens de l’humour …

Justement, il reste dans les mémoires certaines frictions que JJ a eues avec certaines personnalités qu’il a épinglées.

• Oui, le dessin se heurtait un peu aux mentalités. Nous avons eu quelques procès mais très peu en fait. En vingt ans, il n’y en a eu que deux : celui avec Frédéric Korsaga qui venait d’être nommé ambassadeur en France. Nous avons perdu le procès mais il a renoncé aux réparations financières que le journal devait lui verser. Je pense que c’est un procès qui a permis de faire comprendre que les plaignants ne se font pas forcément de la bonne publicité. Nous n’avons plus eu de procès à caractère politique. Le deuxième procès que nous avons eu était plus privé. Il s’agissait d’un expatrié qui s’est senti diffamé dans une affaire de médicaments. C’est vrai qu’il a fallu aller progressivement et je me rappelle ma première caricature de Thomas Sankara. A l’époque, nous n’avions pas d’imprimerie et notre imprimeur du moment disait que c’était osé. La nuit, nous avons débattu pour juger de la pertinence ou non de l’idée. Finalement, nous l’avons publiée et ça s’est passé sans accrocs.

Votre sujet favori reste aussi le maire de la ville de Ouagadougou, Simon Compaoré. N’avez-vous pas eu maille à partir avec lui ?

• Il y a des personnalités qui deviennent des personnages dans le sens de la bande dessinée. Il s’agit surtout de celles qui sont très présentes dans l’actualité politique. C’est d’abord le cas de Blaise Compaoré. Certains trouvent qu’on le dessine beaucoup parce qu’on l’aime ; d’autres pensent le contraire. Il y a aussi le maire Simon Compaoré, un personnage intéressant et dont la caricature a évolué progressivement. Dès le départ de la rubrique Collimateur, on avait dessiné sa tête toute ronde. Et comme il est petit, on avait une tête ronde sur un petit corps. Le corps a progressivement disparu et il n’est resté que la tête. Il y a tout un jeu autour de ça. Ainsi, la satire et la caricature créent une espèce de complicité avec le lecteur qui s’amuse à retrouver le personnage, peut-être au détriment du maire. En tout cas, il ne s’est jamais plaint officiellement.

Y a-t-il des visages difficiles à caricaturer ?

• Il y a des visages qui n’ont pas beaucoup de personnalité. La caricature est pourtant la déformation des traits qui font la personnalité de quelqu’un. Quand les traits de la personne ne sont pas très expressifs, ce n’est pas évident. Et quand la personne n’est pas très connue, l’on se pose la question de savoir si les lecteurs la reconnaîtront.

La parenté à plaisanterie est très présente dans votre journal, notamment celle entre les Peuls et les Bobos. N’y a-t-il pas des gens qui ont refusé d’entrer dans ce jeu en se plaignant de tel croquis ou tel écrit ?

• D’abord, il faut faire remarquer que le grand mérite du directeur de publication Boubacar Diallo, c’est d’avoir créé une satire burkinabè. Je parlais tout à l’heure des expériences satiriques dans la sous-région qui n’ont pas eu une très longue vie. Beaucoup ont eu le tort de copier le Canard Enchaîné. Très souvent, les lecteurs leur ont reproché de faire presque du copier-coller en voulant implanter une culture européenne dans leur pays. La volonté de Diallo d’utiliser un aspect culturel important qui est la parenté à plaisanterie explique sûrement la durabilité du journal.

On sait le fondateur en retrait du journal, lui qui est aujourd’hui plus porté sur l’activité cinématographique.

• Exactement. Au départ, il y avait seulement JJ. Et lui avait la vocation de faire du cinéma. Aujourd’hui, le journal appartient à un groupe qui s’appelle Dromadaire Sarl avec deux localisations géographiques différentes. Ainsi, il y a les films du Dromadaire dont s’occupe Boubacar Diallo à temps plein. Donc il ne s’occupe pas du journal au quotidien, même s’il reste directeur de publication et veille toujours à la ligne du journal et en assume la responsabilité juridique.

La satire est un art difficile. Alors, quelles sont les qualités exigées pour exceller dans cette spécialité journalistique ?

• C’est une forme d’expression décalée. Très souvent, l’humour côtoie une forme de vulgarité, d’agressivité en rupture avec le langage habituel du journalisme. C’est donc une question de plume et nous avons souvent eu des difficultés à trouver des journalistes qui manient bien ce style, étant dit que c’est un art que l’on n’apprend pas dans les écoles du journalisme. Il y a même une question de vocation personnelle. Moi, je viens du dessin de presse où l’on a souvent un regard biaisé. C’est une question d’angle ; il s’agit de regarder l’actualité de façon différente.

Il arrive que des journaux internationaux publient vos caricatures.

• C’est vrai qu’il y a une petite résonance à l’extérieur parce que, d’une manière générale, la presse burkinabè est appréciée à l’extérieur. Je pense en particulier à des publications comme Courrier International en France. On s’aperçoit que ce ne sont souvent pas des sujets burkinabè, mais ils puisent dans des journaux burkinabè. Ils reprennent certains dessins et il m’arrive de publier dans des médias internationaux.

Maintenant parlons un peu de vous. On sait que vous n’étiez pas dessinateur de formation. Alors, qu’est-ce qui vous a poussé à en faire votre métier ?

• Personnellement, j’ai toujours eu la passion du dessin et je suis devenu dessinateur professionnel du fait du croisement de mon histoire personnelle avec le Burkina. Sinon je ne serais jamais devenu dessinateur professionnel. Je suis arrivé ici en 1990, au moment de la transition démocratique avec le printemps de la presse. Je suis rentré dans ce mouvement, sinon j’ai fait des études de gestion. Souvent dans la presse satirique, on trouve des personnes polyvalentes qui viennent d’horizons totalement différents, mais qui ont le sens de l’humour et la passion du dessin. J’ai d’abord enseigné l’allemand et le marketing. Ce sont des domaines assez différents mais j’aimais le dessin à titre personnel et j’ai intégré l’aventure de JJ, d’abord en tant que bénévole ; puis, progressivement, je me suis engagé de façon permanente.

Les femmes, vous ne semblez pas beaucoup les croquer…

• Dans le numéro spécial 20 ans, nous avons fait un retour sur les personnages que nous avons beaucoup dessinés. Parmi eux, il y a Juliette Bonkoungou et Marlène Zébango. Mais le problème, comme je l’ai relevé plus haut, c’est la présence dans l’actualité. Il y a peu de femmes dans le gouvernement actuel. Donc elles sont moins visibles qu’avant. Si elles sont visibles, nous n’hésitons pas à les croquer. C’est le cas de la Première dame, Chantal Compaoré, qui est souvent présente car c’est un personnage intéressant, même si elle n’a pas une position particulière dans le paysage politique.

Revenons au nerf de la guerre. Est-ce que JJ est autonome financièrement ?

• Oui, ça va. Nous avons une certaine stabilité dans le tirage et JJ est une structure très légère avec une équipe très réduite de trois journalistes ; nous avons maintenant notre propre imprimerie qui fait d’autres travaux ; ce qui permet à JJ d’être financièrement stable.

Issa K. Barry & Saïdou Alcény Barry

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 26 août 2011 à 07:53, par Lareine En réponse à : Damien Glez de JJ : « Simon Compaoré a une tête belle à croquer »

    Toutes mes félicitations pour votre tenacité et l’humour que vous pronez dans votre JJ.
    Je vous souhaite bon vent et encore plus de courage.Merci pour tous les efforts que vous fournissez pour plaire au public.
    Bien de choses Aminata Diallo Glez dite Kadi Jolie

  • Le 26 août 2011 à 10:51 En réponse à : Damien Glez de JJ : « Simon Compaoré a une tête belle à croquer »

    Félicitations et bon vent à JJ

  • Le 26 août 2011 à 12:30, par le bon citoyen En réponse à : Damien Glez de JJ : « Simon Compaoré a une tête belle à croquer »

    Bonjour,

    Glez est simplement bon. Un de ses dessins parle plus que deux pages de certains journalistes. Et surtout cette manière de commenter avec humour ma plait beaucoup. C’est pour quoi j’aime lire JJ et ses postes sur Slate-Afrique.fr

    Bon vent à JJ. Il nous apprend beaucoup.
    Ces « Edito » sont poignant, et un regard de ce qui se passe à l’« Etranger » est toujours bon car on ne sait jamais. Sous l’actualité national n’est si « Digest ». « Megd’Alors » j’oubliai que si je me prive de la bonne « Guigui » pendant un mois, je pourrais réparer cette foutu P50 qui n’est jamais parfait. Seulement le problème, je risque de mourir de manque et « Goama » aura un sujet de discussion chez Yempoaka. Il dira par exemple qu’il a entendu un « Dialogue » de deux gourous du pays qui disaient que selon le « Fasomètre » j’étais en panne. Alors qu’ils ne savant pas que c’est manque de guigui seulement. Sinon je suis en forme.

    Je salue le courtmestre de Ouaga et bon arrivée à gorba.

    Et pour cette anniversaire, je dirai simplement « Bonne chance à nous tous ».

  • Le 30 août 2011 à 13:21, par Claude En réponse à : Damien Glez de JJ : « Simon Compaoré a une tête belle à croquer »

    Entre Aminata et Damien Glez, je vois que mon fils, Georges OTTAVY, est entre de bonnes mains.
    Claude

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