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REFORMES POLITIQUES AU BURKINA : Pourquoi la CNPB a boycotté les travaux du CCRP

Publié le mercredi 17 août 2011 à 02h19min

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Ceci est une déclaration de la Convention nationale pour le progrès du Burkina, expliquant pourquoi le parti a boycotté les travaux du CCRP.
La Convention nationale pour le progrès du Burkina (CNPB) a décliné l’invitation qui lui a été faite de participer aux travaux du Conseil consultatif pour les réformes politiques (CCRP). Elle l’a fait, non du fait de son affiliation au Chef de file de l’opposition dont elle est toujours membre, mais parce qu’elle a de la mémoire. Comme le phoenix qui renaît de ses cendres, la CNPB est en effet une réincarnation élargie de la CNPP/PSD (Convention nationale des patriotes progressistes/ parti social démocrate) qui, dans les années 90, en son nom propre ou au titre de la Coordination des forces démocratiques (CFD), avait été à la pointe de tous les combats pour la restauration d’un Etat de droit au Burkina.

La CNPB se souvient donc bien, comme s’ils dataient d’hier, des évènements qui ont marqué l’année 1990, particulièrement. Sous la pression de la CFD et de certaines organisations de la société civile, dans une ambiance surchauffée d’assassinats politiques, d’incendies de sièges de partis et de véhicules d’opposants, de manifestations de rue explosives de différentes couches et catégories sociales, le chef de l’Etat avait fini par se plier à la volonté populaire d’enterrement du régime d’exception amené par le CNR et conforté par la Rectification. Le 3 mai 1990, Blaise Compaoré installait ainsi officiellement une Commission constitutionnelle créée par décision en date du 4 mars 1990 du Congrès constitutif du Front populaire. La CNPP/PSD avait, dès le 2 mai 1990, adressé au chef de l’Etat sa « contribution pour l’élaboration d’un projet de Constitution pour le Burkina Faso ». Cette contribution était bâtie autour de 14 points dont les passages les plus significatifs sont les suivants :

1. De l’autonomie de la commission constitutionnelle

Une Commission constitutionnelle représentative de "toutes les compétences et sensibilités politiques nationales" qui veut faire un travail à la hauteur des attentes de toute la nation, doit d’abord être pleinement responsable, fonctionner librement et démocratiquement. Elle doit donc jouir d’une autonomie totale, aussi bien sur le plan de son organisation interne que sur celui de son fonctionnement (calendrier et méthodes de travail, sources documentaires). Toute disposition tendant à réduire son autonomie, à limiter ou orienter ses sources documentaires, constituerait une tentative d’inféoder la commission, d’en faire une simple chambre d’enregistrement qui servirait de caution démocratique à des desseins inavouables. La commission constitutionnelle ne devrait donc avoir de compte à rendre qu’au chef de l’Etat, symbole de l’unité nationale et garant des intérêts supérieurs de la nation entière et non au président du Front populaire car notre Front, même s’il aspire à regrouper autour de lui le plus grand nombre possible de Burkinabè, ne représente pas encore la totalité des composantes de notre nation.

2. De la séparation des partis et de l’Etat

Si la confusion entre un parti (ou un front de partis) et l’Etat est tolérable en régime d’exception, elle devient inadmissible dans un Etat de droit comme celui que nous ambitionnons d’établir en élaborant une constitution démocratique. Le but que poursuit notre peuple, c’est l’établissement des institutions d’un régime constitutionnel démocratique, et non la constitutionnalisation des institutions d’un régime d’exception. Il est déplorable de noter que pendant les trente années d’indépendance que notre pays a vécues, les régimes constitutionnels ont été l’exception et les régimes d’exception la norme. Si le salut résidait dans les régimes d’exception, nul doute que notre peuple aurait déjà trouvé la voie de son salut. La mise en chantier d’un projet de Constitution signifie que chacun a pris conscience de l’impasse historique où nous ont conduits dix années consécutives de régimes de proclamations. Notre future constitution ne saurait donc se contenter de codifier les normes d’un régime d’exception en maintenant une confusion inacceptable entre les institutions de l’Etat et les institutions d’un front d’organisations politiques.

3. Du mandat présidentiel

La convention estime que le président du Faso doit être élu au suffrage universel pour un mandat de cinq (5) ans renouvelable une seule fois. Cela signifie que le chef de l’Etat préside aux destinées du pays pendant dix années, c’est-à-dire pendant deux mandats consécutifs au maximum et qu’il est loisible de se représenter après une interruption d’au moins un mandat. L’intérêt de cette formule est multiple : 1. Dix années représentent une période suffisante pour réaliser un programme politique, faire aboutir un projet de société ; 2. dix années constituent un terme qui incite à ne point traîner dans l’exécution des programmes ; 3. dix années représentent enfin un seuil de tolérance pour calmer les impatiences et endiguer les tentations putshistes du fait de la possibilité d’alternance que ce délai implique. Dans tous les cas, en l’an 2 000, il ne sera ni honnête, ni sérieux de conseiller à un partenaire ou à un ami de s’accrocher indéfiniment au pouvoir, à moins de ne point vouloir son bien. Il est grand temps de rompre avec cette tragique fatalité qui veut que nos chefs d’Etat n’aient que deux portes de sortie pour quitter le pouvoir la prison ou le cercueil.

Le chef de l’Etat, qui cultivait déjà à merveille l’art du silence ambigu, répondit à la CNPP/PSD par la plume de son éminence grise du moment, le docteur Bongnessan Arsène Yé en sa qualité de « président de la Commission constitutionnelle, membre du Front et militant de la RDP" (sic). De la longue diatribe du docteur Yé datée du 28 mai 1990 et truffée de flèches caustiques contre l’impérialisme et les réactionnaires, la CNPB ne retient que deux passages qui, à eux seuls campent les desseins inavoués que la Commission constitutionnelle devait viser : "Le premier congrès du Front populaire, en adoptant le principe de la mise en place d’une Constitution n’a point décidé de la liquidation de la révolution et de l’Etat révolutionnaire pour engager les formations politiques dans une mascarade électoraliste. Aussi, vos déclarations sur la conquête du "pouvoir politique n’engagent que vous…"

"Je tiens à vous rappeler que la Constitution en élaboration conformément aux conclusions du premier congrès du Front populaire doit permettre d’élargir les fondements démocratiques de la société burkinabè en vue de consolider et d’approfondir la Révolution démocratique et populaire". Ainsi donc parlait, en 1990, Bongnessan Arsène Yé, porte- parole de Blaise Compaoré. L’annonce de la création d’une Commission constitutionnelle avait fait baisser de 90 % une tension sociale qui avait amené le Burkina au bord de l’implosion. La Constitution avait ainsi été plébiscitée en 1991, mais les différentes manipulations qui la vidèrent depuis de sa quintessence montrent, à l’envi, que pour les tenants du pouvoir depuis 20 ans, il n’était point question que cette Constitution mette un terme à la vaste prédation qui commençait à se metastaser sous le couvert d’une fausse Révolution démocratique et populaire. 2011, 21 ans après 1990. Même Burkina. Même mois de mars.

Même dirigeants. Même tension sociale. Pire, des militaires transforment le pays en jungle sauvage où les lance-roquettes font la loi. Pire : des élèves saccagent et brûlent commissariats de police et domiciles de caciques du pouvoir. Pire : des commerçants s’en prennent à des symboles du pouvoir par le feu et les bris de vitres. Pire : les magistrats et auxiliaires de justice suspendent leurs activités. C’est dans cette atmosphère d’apocalypse que Blaise Compaoré confirme son intention d’opérer des réformes politiques. Alors même que les partis politiques de l’opposition et les Organisations de la société civile vraiment dignes de ce nom réclament à cor et à cri la tenue d’un forum qui s’apparente à des états généraux de la nation, voilà le président du Faso qui s’amène avec un ministère chargé des réformes politiques confié au 2e personnage du gouvernement, puisque seul ministre d’Etat, le docteur Bongnessan Arsène Yé.

Le président donnait ainsi un signal fort : les réformes qu’il a annoncées seront du cru de son gouvernement, concoctées par un département ad hoc. Et pour meubler ce ministère, on crée un Conseil consultatif pour les réformes politiques (CCRP) présidé par … le ministre en charge des réformes. Pour la CNPB, les créations du ministère chargé des réformes politiques et du CCRP étaient manifestes des intensions du pouvoir de mystifier le peuple. Il fallait éteindre les foyers de tension et apaiser les esprits : alors on invente des miroirs aux alouettes qui grugent le peuple en lui laissant penser à des lendemains meilleurs. Car enfin ! Car enfin, il est difficile de ne pas voir, dans les manœuvres du président du Faso, la même stratégie que celle utilisée pour la Commission constitutionnelle. Bongnessan Arsène Yé, membre du gouvernement et président du CCRP peut-il être quelqu’un d’autre que la "voix de son maître" ?

Comme en 1990, n’a-t-il pas pour mission de piloter les travaux du CCRP de sorte à ce que les résultats soient de nature à « consolider et approfondir » le régime en place ? Bongnessan Arsène Yé, le banni d’hier pour s’être autoproclamé « chef de terre », après une longue traversée du désert, a-t-il pu être subitement réhabilité sans s’être, en contrepartie, engagé à ……marcher droit ? à …….ne pas contrarier les desseins de son Maître sur la question de l’article 37 ?
- Car enfin, le caractère consultatif du CCRP lui ôtant toute souveraineté, les résultats de ses travaux ne pouvaient que faire l’objet d’une mascarade d’approbation populaire. On parle de restitution de ces travaux au niveau des régions couronnées in fine par des assises nationales. Mais qui sont ceux qui constitueront l’auditoire de ces restitutions et qui composeront la trame des assises nationales ?

Lorsqu’on voit des missions du CDP devancer dans les régions celles du CCRP, avec dans leurs cartables le rapport du CCRP, il est clair que les séances de restitution et les assises nationales seront prises en otage par un échantillon pré-conditionné de ce « peuple » qui a accordé 86% de ses voix à Blaise Compaoré en novembre 2010.
- Car enfin, fallait-il s’attendre à autre chose qu’à des manœuvres frauduleuses de la part du président-ministre aux ordres ? Comment comprendre ainsi qu’on foule aux pieds une loi et un décret d’application consacrant le Statut de l’Opposition au Burkina ? Comment comprendre qu’aux premiers jours des travaux du CCRP, on ait fait diffuser à la TNB des images montrant une délégation de la CNPB à une sortie d’entretien avec le ministre chargé des réformes, alors que ce dernier venait de recevoir en pleine figure le désaveu cinglant de la CNPB sur le bien-fondé du rôle de son ministère ? Voulait-on faire croire que la CNPB avait été "retournée" ?

NON ! La veste politique de la CNPB n’est pas réversible

- Nous avons dit non au CCRP parce que nous connaissons son président.
- Nous avons dit non au CCRP parce que les propos que son président a tenus en 1990 sur la Constitution en élaboration hantent toujours nos esprits et que ses propos sur l’article 37 ont jeté sur lui un large manteau de suspicion.
- Nous avons dit non au CCRP parce que nous pressentions que la montagne ne pouvait accoucher que d’une souris.
- Nous avons dit non au CCRP tout simplement parce que les réformes profondes qui mettront le Burkina sur de nouveaux rails de mieux-être généralisé, de toutes les couches sociales, ne seront pas édictées par décrets gouvernementaux, mais par des états généraux de la nation. A l’étape et dans la situation actuelle, faite de confusion et de brouillard, il est plus qu’opportun de repréciser la position de la CNPB, claire et sans équivoque :
- Tout d’abord, la CNPB est un parti démocratique dont les membres fondateurs se sont battus pour s’arracher à la dictature de la pensée unique et du centralisme "démocratique". C’est un parti qui s’inscrit dans un combat résolu pour une véritable démocratie, plus apaisée parce que plus consensuelle et plus favorable à un vrai développement.
- Il est donc évident que la CNPB est un parti de dialogue, mais d’un dialogue vrai qui suppose au préalable un accord sur le cadre, le contenu et le fonctionnement de toute Instance de dialogue.
- La construction de notre pays suppose une pleine adhésion de tous ses fils à un consensus minimal qui ne peut être obtenu que si chacun avance à visage découvert. Il n’est pas trop tard pour que tous les fils du Burkina Faso renouent les fils du dialogue, et nous lançons encore une fois un appel aux plus hautes autorités pour que, prenant enfin en compte les grandes aspirations de toutes les composantes de notre société, elles ouvrent la voie d’un véritable dialogue républicain.

Liberté solidarité développement

Ouagadougou le 11 août 2011

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 17 août 2011 à 16:39, par Miss En réponse à : REFORMES POLITIQUES AU BURKINA : Pourquoi la CNPB a boycotté les travaux du CCRP

    Ne chercher pas de solutions quand il y a un problème mais chercher des solutions pour affronter tout problème qui puisse arriver. C’est tard

  • Le 17 août 2011 à 17:35, par Flouz En réponse à : REFORMES POLITIQUES AU BURKINA : Pourquoi la CNPB a boycotté les travaux du CCRP

    CNPB ? Connait pas ! donc m’en fffff

  • Le 23 août 2011 à 11:40, par tié En réponse à : REFORMES POLITIQUES AU BURKINA : Pourquoi la CNPB a boycotté les travaux du CCRP

    c’est bien de nous faire connaître la raison pour laquelle le CNPB a boycotté les travaux du CCRP. Cependant il était très important d’y participer afin de faire valoir encore plus l’intérêt du peuple.

    Il est vraiment trop trop trop trop tard pourquoi que ce soit. Qu’est-ce que le peuple peut faire si celui qui avait la possibilité de faire entendre sa voix au moment même, oû celui-ci avait une opportunité de se faire entendre quand tout était possible de partir sur une nouvelle base pour redefinir un meilleur avenir d’un état de droit pour les burkinabé ?

    Quand rien ne va, il est mieux de choisir le moindre mal afin de pouvoir remedier à la situation. Et pour moi le moindre mal était d’accepter l’invitation et faire entendre la volonté du peuple si j’y croix à sa memoire de 1990 .

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