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Les dangers du radicalisme à l’heure d’Internet et de la démocratie participative

Publié le vendredi 22 juillet 2011 à 17h02min

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En une dizaine d’années, Internet a boosté comme jamais la controverse politique au Burkina Faso. Il suffit que, prenant à cœur votre rôle de citoyen, vous interveniez dans le débat public pour que l’écho de votre voix – que vous croyiez à peine audible – résonne de façon inattendue sur la toile.

D’aucuns seront d’accord avec vous, d’autres se montreront réservés, et d’autres encore afficheront une franche hostilité à vos opinions. Mais c’est cela, la démocratie ! Chaque jour, elle gagne du terrain au pays des hommes intègres à mesure que les uns et les autres s’expriment. Merci Internet et merci lefaso.net !

La polémique suscitée ces derniers jours par mon article sur la radiation des soldats mutins est un exemple étayant mon propos. Qu’ils aient été pour ou contre mon point de vue, qu’ils s’en soient ou non servi comme prétexte pour vider leur rancœur contre les pouvoirs publics ou contre certains professionnels – en l’occurrence ceux de la santé –, les concitoyens qui ont pris la parole à cette occasion ont tout simplement apporté leur contribution au débat démocratique. Et je ne peux que m’en réjouir.

Toutefois, il est essentiel que, dans l’intérêt du pays, nous évitions autant que possible le radicalisme excessif. Car une démocratie a besoin de mesure pour s’épanouir. Sous prétexte que les choses vont mal au Burkina Faso – ce dont personne ne doute, pas même les pouvoirs publics ! –, d’aucuns s’évertuent derrière l’anonymat que procure la toile à défendre l’indéfendable. J’ai senti poindre, à travers les prises de positions de certains, une défense coûte que coûte des soldats mutins. Comme si la légitimité présumée de leurs revendications pouvait justifier les viols, les pillages, les confiscations de biens et l’usage illégal des armes auxquels ils se sont livrés.

Entendons-nous bien : mon propos n’était en rien un blanc-seing accordé à ceux qui, par leurs agissements, ont pu provoquer le mouvement d’humeur des soldats. Je constate simplement ceci : dans aucun pays démocratique au monde, la Grande muette (entendez ‘’l’armée’’) n’a le droit de manifester de la sorte.
Dans aucun pays démocratique au monde, un citoyen, militaire ou non, n’a le droit d’utiliser la puissance des armes à des fins de défense d’intérêts corporatistes. Dans aucun pays démocratique au monde, un soldat bien formé n’utilise les armes du peuple contre le peuple.

De ce constat, une conclusion toute simple découle : la légitimité des revendications des mutins ne doit en aucun cas cacher l’illégalité et l’illégitimité des actes qu’ils ont commis. Et si, par excès de radicalisme, nous ne soutenons pas les sanctions contre de tels agissements, alors nous allons tout droit à la catastrophe.

Denis Dambré
Collaborateur,
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 22 juillet 2011 à 17:38, par Amelde En réponse à : Les dangers du radicalisme à l’heure d’Internet et de la démocratie participative

    J’étais d’accord avec vous jusqu’à la conclusion
    « De ce constat, une conclusion toute simple découle : la légitimité des revendications des mutins ne doit en aucun cas cacher l’illégalité et l’illégitimité des actes qu’ils ont commis. Et si, par excès de radicalisme, nous ne soutenons pas les sanctions contre de tels agissements, alors nous allons tout droit à la catastrophe. ».
    Certes l’illégalité et l’illégitimité des actes que les mutins ont commis ne souffrent d’aucun débat ; mais doit-on mettre l’accent sur ce qui est légitime dans leurs actes ou sur ce qui est légitime ? En d’autres termes, est-ce parce que c’est illégal ce qu’ils ont fait que leurs problèmes n’en démeurent pas des problèmes ? Partant de là doit-on se réjouir qu’ils aient été matés (pour les plus heureux) ?
    ça a été un soulagement pour les civils qu’on ait mis fin à la mutinerie car force doit demeurer à la loi comme on le dit ; mais il faut aller plus loin et régler les problèmes de fond qui ont conduit à cette chienlit : radier les officiers qui ont detourné l’argent des soldats, radier les officiers corrompus, ...

    • Le 22 juillet 2011 à 21:13, par DD En réponse à : Les dangers du radicalisme à l’heure d’Internet et de la démocratie participative

      Entièrement d’accord avec vous s’il est avéré que des officiers étaient à la manoeuvre et qu’ils n’ont pas encore été punis. Ils doivent aussi répondre de leurs actes. Pour le reste, accepter que les militaires puissent défendre leurs intérêts avec les armes du peuple, ce serait instaurer la loi du plus fort. Et à ce jeu, aucune vie constitutionnelle normale ne serait possible, puisque ce sont eux qui détiennent la puissance des armes !... En résumé, la sanction contre les mutins est légitime, mais elle doit pas concerner uniquement les moins gradés. Nous sommes donc d’accord sur l’essentiel. Bien à vous.

  • Le 23 juillet 2011 à 11:44, par l’esprit En réponse à : Les dangers du radicalisme à l’heure d’Internet et de la démocratie participative

    Je crois que tout est bien dit dans ces interventions !
    Le problème au Faso c’est la justice à double vitesse.
    D’aucun parle des armes payés avec l’argent du contribuable,mais ces armes ne pourront servir s’il n y’a personne pour les manier. Alors que l’on résolve la question des mutins par des radiations et poursuite judiciaire, ce n’est que pure incompétence. Sinon, comme l’a dit DD, il faut régler le problème à la racine : qu’est ce qui à causer ces manifestations(détournement de primes,) qui a bloqué ces primes(Supérieures, ), alors mise à pied et remboursement avec dommage et intérêt. C’est tout simple.
    Pour les mutins,à mon avis,on aurait pu les maintenir dans l’armé sous conditions qu’ils remboursent par leurs salaires les dommages causés aux populations Civils. Quitte à ce que l’État pré-finance et retient à la source.
    Il faut les avoir sous les yeux afin de mieux les maîtriser, sinon...

  • Le 25 juillet 2011 à 02:29 En réponse à : Les dangers du radicalisme à l’heure d’Internet et de la démocratie participative

    merci monsieur dambré, votre réaction me donne l’occasion de préciser ce que j’ai remarqué sur les forums de discussion. j’ai la nette impression que certains intervenants sont méchants et non sévère. et c’est vraiment dommage pour nous autres qui se disons intellectuels.

  • Le 25 juillet 2011 à 17:52, par rayan En réponse à : Les dangers du radicalisme à l’heure d’Internet et de la démocratie participative

    Mon cher Denis, je suis d’accord avec toi que la fin ne justifie pas les moyens, mais je ne suis pas d’accord non plus que l’on jette la pierre à un autre alors que l’on a quelque chose à se reprocher. Je dis simplement que les civils ont alerté les dirigeants depuis belle lurette ; les évêques du Burkina aussi l’ont fait ; il fallait que les armes crépitent enfin pour que le pouvoir se rende compte que ça ne va pas au Burkina ? Ce n’est pas sérieux ! Nous sommes tous responsables de ce qui se passe au Burkina. Le pouvoir veut le chaos après lui ! Nous n’attendrons pas ce temps là. Que le pouvoir accepte qu’il gère mal et qu’il change de gamme.

    • Le 31 juillet 2011 à 18:55, par DD En réponse à : Les dangers du radicalisme à l’heure d’Internet et de la démocratie participative

      Tu écris quelque chose qui m’inquiète franchement : « il fallait que les armes crépitent enfin pour que le pouvoir se rende compte que ça ne va pas au Burkina »… Je critique l’utilisation, par les mutins, des armes du peuple contre le peuple (viols, vols, pillage de magasins, confiscation de véhicules…). En quoi l’utilisation des armes du peuple contre le peuple fait-elle comprendre au pouvoir que ça ne va pas au Burkina ? On n’exprime pas son mécontentement envers le gouvernement en s’en prenant au citoyen lambda ! Et on n’utilise pas non plus les armes du peuple pour défendre ses intérêts ! En droit, cela s’apparente à un « abus de biens sociaux »... En démocratie, on manifeste son mécontentement contre le pouvoir en ne votant pas pour lui ! Certes, je ne suis pas dupe pour confondre le verdict des urnes avec la volonté du peuple. Car « la fabrication du consentement » dénoncée par certains intellectuels existe bel et bien. Le linguiste et penseur américain, Noam Chomsky, en fait par exemple une démonstration magistrale dans certains de ses écrits. Mais faut-il pour autant prôner le crépitement des armes contre le peuple ? Je ne le pense pas. Prôner le crépitement des armes contre le peuple, c’est comme prêcher le suicide collectif au prétexte qu’il y a des problèmes ! Je préfère rester optimiste… Enfin, je t’invite à la méfiance vis-à-vis de toutes les actions violentes. Car, contrairement à ce que tu sembles penser, elles risquent d’empirer la situation plutôt que de l’améliorer !

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