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Dr Halidou Koanda, représentant de WaterAid au Burkina Faso : « Il faut beaucoup plus d’effort et d’engagement en ce qui concerne l’assainissement au Burkina Faso »

Publié le mardi 19 juillet 2011 à 02h19min

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A la tête de la représentation nationale de l’Organisation non gouvernementale (ONG) britannique WaterAid depuis un an, Dr Halidou Koanda fait partie de la délégation burkinabé qui participe du 19 au 21 juillet 2011 à Kigali, au Rwanda, à la conférence internationale sur l’assainissement, dénommée AfricaSan. Dans cet entretien, Dr Koanda donne les objectifs de la rencontre, situe surtout, les enjeux d’un tel rendez-vous pour le Burkina Faso. Il se prononce également sur d’autres préoccupations liées à l’eau potable, l’hygiène et l’assainissement.

Sidwaya (S.) : Le Burkina Faso, à l’instar d’autres pays africains, participe au forum sur l’assainissement, dénommé Africasan. De quoi s’agit-il exactement ?

Halidou Koanda (H.K.) : Il s’agit d’une conférence organisée tous les deux ans par le Conseil des ministres africains pour l’eau potable et l’assainissement (AMPCOW). Nous sommes à la troisième édition. La dernière a eu lieu en 2008 en Afrique du Sud. La présente édition se déroule à Kigali au Rwanda du 19 au 21 juillet 2011. La conférence qui est une sorte de forum a été imaginée par les initiateurs pour que l’ensemble des acteurs de l’assainissement au niveau de l’Afrique puissent s’arrêter et discuter des différents progrès enregistrés en la matière. Au-delà des progrès, les participants discutent également des initiatives et engagements qui peuvent être pris par les décideurs, les partenaires techniques et financiers pour faire en sorte que le défi de l’assainissement puisse être relevé.

S. : Qui sont les participants à la conférence pour le compte du Burkina Faso ?

H.K. : Le Burkina Faso est représenté à la rencontre par le ministère de l’Agriculture et de l’Hydraulique dont le ministre lui-même, trois représentants de la Direction générale de l’assainissement, des eaux usées et excréta (DGAEUE), la communicatrice de la Direction générale des ressources en eau. L’ONEA sera également représenté. A ceux-là, s’ajoutent des représentants d’ONG et associations suivantes : WaterAid, CREPA, AMBF et RICHE (NDLR : Réseau d’information, de communication pour l’hygiène, l’eau potable et l’assainissement).

S. : Quel est l’état de l’assainissement au Burkina Faso qui sera présenté à Kigali ?

H.K. : Au Burkina Faso, quand on consulte l’ensemble des études menées jusqu’à maintenant, on a moins de 10% de taux de couverture en matière d’assainissement. Cela veut dire que lorsqu’on prend cent Burkinabè, il n’y a pas plus de dix qui ont accès aux services d’assainissement amélioré. Autrement dit, 90% des Burkinabè n’ont pas accès à ce service essentiel qui du reste depuis le mois de juillet 2010, est inscrit parmi les droits humains puisque reconnu par l’assemblée générale des Nations unies lors de sa session de l’année dernière. La problématique se pose avec acuité dans notre pays. L’on n’a pas besoin d’aller consulter des rapports pour s’en rendre compte. Le problème d’assainissement existe. Lorsque vous prenez par exemple le cas de la capitale Ouagadougou, ce n’est pas toujours évident de trouver un endroit rapidement pour se soulager en cas de besoin urgent. Il n’est pas rare non plus de voir certains de nos compatriotes uriner aux coins des rues ou déféquer dans des caniveaux et des espaces non bâtis, etc. Cela pose des problèmes. D’abord de santé publique puisque l’ensemble des excréta déposés n’importe comment, contiennent des germes qui, en contact avec le corps humain, peuvent occasionner des ennuis sanitaires.

S. : Qu’est-ce que le Burkina Faso peut attendre de la rencontre de Kigali ?

H.K. : Le thème de AfricaSan, cette année, est « L’Afrique est-elle prête pour une révolution de l’assainissement ? ». Pour ce qui concerne le Burkina Faso, nous voudrions que les initiatives et engagements pris soient portés à la connaissance des professionnels au niveau africain. Là où on a pu développer des initiatives innovantes, que cela puisse être partagé avec l’ensemble des acteurs. C’est aussi voir parmi ce qui se passe dans les autres pays, ce qui peut être profitable au Burkina Faso, en termes de stratégies, de politiques, d’outils, de méthodes, etc. Véritablement, nous irons porter à la connaissance de nos frères africains, où est-ce que nous en sommes avec les engagements que le Burkina a pris au cours des éditions passées ? Qu’est-ce qui nous reste comme défi à relever ? Nous allons discuter avec un certain nombre de partenaires.

A notre niveau, à WaterAid, nous envisageons imaginer un certain nombre de mécanismes clairs et efficaces pour que l’engagement qui a été pris solennellement par le chef de l’Etat, à Boussé le 29 juin 2010, lors du lancement de la campagne nationale pour la promotion de l’assainissement, puisse être traduit par des actes concrets au profit des populations. Nous reviendrons de Kigali avec beaucoup plus d’outils, de bagages et d’énergie permettant d’améliorer l’accès aux services d’assainissement par les populations quels que soient leur profil social, leur revenu et l’endroit où elles habitent.

S. : A l’issue de la rencontre de Kigali, qu’entreprendra concrètement WaterAid au niveau national ?

A.K. : De retour de la conférence, nous allons continuer ce que nous faisions déjà. Nous allons poursuivre l’accompagnement des communes, en matière d’assainissement. Il s’agit d’un programme que nous avons élaboré pour soutenir une quarantaine de communes dont huit communes urbaines, dans l’amélioration de l’assainissement. Notre objectif est de faire en sorte qu’en fonction des moyens des ménages, nous puissions les appuyer à réaliser les ouvrages d’assainissement. Nous allons également faire davantage de plaidoyers pour le secteur afin que les acteurs que nous accompagnons s’engagent véritablement à la promotion à grande échelle de l’assainissement. Enfin, l’autre ambition de WaterAid est de se lancer dans la promotion de l’assainissement comme un droit humain. A ce titre, nous devons développer un certain nombre d’outils adaptés. Le but étant de faire en sorte que les personnes marginalisées, vulnérables, puissent avoir accès aux services. Comment faire en sorte qu’à travers nos programmes et ceux d’autres acteurs partenaires, les personnes handicapées, par exemple, puissent avoir accès aux services d’assainissement ? Comment faire en sorte que l’assainissement puisse être vécu au quotidien dans l’ensemble des communes du Burkina ? Ce sont là, entre autres, des préoccupations auxquelles il faut trouver des réponses. En la matière, nous, WaterAid, attendons identifier les mécanismes permettant d’élargir les services à ces populations dites vulnérables ou marginalisées. Ce sont ces engagements que WaterAid prendra et nous nous donnerons les moyens pour leur réalisation.

S. : Comment sont reparties les quarante communes burkinabè dans lesquelles WaterAid intervient dans le domaine de l’assainissement ?

H.K. : Les quarante communes sont réparties dans huit régions du pays, à savoir, la Boucle du Mouhoun, le Centre, le Centre-Est, le Centre-Ouest, le Centre-Nord, l’Est, le Sud-Ouest et la région du Sahel.

S. : Certaines personnes reprochent à WaterAid de ne pas intervenir suffisamment dans les régions du Nord et du Sahel où le besoin existe réellement pourtant. Est-ce vrai ?

H.K : C’est vrai, quand on regarde le profil de pauvreté et le taux de couverture en matière d’eau potable, hygiène et assainissement, on peut constater aisément que les régions de l’Est, du Nord et du Sahel, par exemple, sont relativement peu équipées et peu couvertes. L’évidence est que nous ne pouvons pas être présents sur toute l’étendue du territoire. Par conséquent, nous sommes obligés de faire des choix. Pour cette année, nous avons signé une convention avec la mairie de Dori. Ce qui veut dire que depuis quelques semaines, nous sommes dans la région du Sahel. Quant à la région de l’Est, nous avons signé également une convention avec la mairie de Diapaga. Nous recevons presque quotidiennement des demandes nous invitant à intervenir dans certaines zones, mais malheureusement, jusqu’en 2015, notre document de stratégie nous commande de nous cantonner dans les 40 communes seulement. Ce qui n’est pas facile à défendre, mais nous pensons que le mieux serait de se concentrer sur un certain nombre de communes pour avoir davantage de résultats d’impacts.

S. : Quels sont vos critères de choix des zones d’intervention ?

H.K. : Au démarrage du programme au Burkina Faso et dans le cadre de la stratégie 2010-2015, le choix des communes d’intervention a été dicté par deux critères essentiellement : le profil de pauvreté et le taux de couverture en matière d’eau potable, hygiène et assainissement.

S. : L’ONG WaterAid est-elle satisfaite des résultats dans les zones où elle intervient ?

H.K. : Oui. Nous sommes très satisfaits même s’il reste encore beaucoup d’efforts à fournir et de défis à relever. Lorsqu’on prend les dernières enquêtes menées pour faire la situation en matière d’assainissement, il y a une des localités, notamment la province des Balé qui émerge parmi les 45 que compte le pays. Cette situation est en partie due aux actions que WaterAid a eu à poser avec, bien entendu, certains partenaires que sont les collectivités territoriales, mais aussi d’associations, d’ONG locales telles que VARENA ASSO (NDLR : Association Valorisation des ressources naturelles). Il y a également, l’appui d’un certain nombre de partenaires financiers comme l’Union européenne. Voilà un peu le motif de satisfaction que nous pouvons avoir. Il faut noter que nous couvrons l’ensemble des dix communes des Balé. Cependant, nous sommes conscients qu’il y a toujours des défis à relever. A titre illustratif, même dans la province des Balé qui est une référence, on ne pourra pas atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) en matière d’assainissement si les efforts actuels ne sont pas poursuivis et renforcés.

S. : Vous voulez dire qu’il serait utopique de croire que les OMD pourront être atteints en matière d’eau potable, hygiène et assainissement au Burkina Faso ?

H.K. : Pour ce qui concerne l’eau, on a de très fortes chances d’atteindre les OMD si les efforts actuels sont maintenus. Par contre à propos de l’assainissement, il faut davantage d’engagement et d’effort pour la simple raison que la situation de base n’est pas tout à fait reluisante. La question de l’assainissement ne peut pas être traitée de la même manière que l’eau potable. En termes de mobilisation de ressources financières par exemple, il est plus facile de convaincre un partenaire d’investir dans un forage, une borne-fontaine, un réseau d’adduction d’eau potable que dans une latrine, un lave-main, une poubelle. Autant de paramètres qui font qu’il faut beaucoup plus d’effort et d’engagement pour ce qui concerne l’assainissement. Oui, c’est possible de tendre vers les OMD si nous-mêmes, nous sommes convaincus. Nous avons un environnement favorable pour cela.

Cet environnement, c’est d’abord, les différentes politiques et stratégies qui existent en la matière. En effet, nous avons un Programme national d’approvisionnement en eau potable et assainissement (PNAEPA) pour le millénaire mis en œuvre depuis 2006. En outre, nous avons un chef d’Etat qui s’est engagé personnellement pour faire de la question de l’assainissement une question centrale dans son programme quinquennal. Autant d’atouts que nous devons exploiter pour transformer les engagements en actions concrètes au niveau local. Ce d’autant plus que les partenaires qui sont prêts à accompagner le pays sont nombreux.

S. : Pour l’atteinte des OMD, quels rôles peuvent jouer certains de vos partenaires tels que le Réseau d’information, de communication, pour l’hygiène, l’eau potable et l’assainissement (RICHE) ?

H.K : Le RICHE se positionne à notre avis comme un acteur incontournable pour faire la promotion de l’eau potable et l’assainissement quel que soit le milieu. Non seulement à travers les reportages et les analyses journalistiques, mais aussi et surtout, à travers le rôle de sentinelle que la presse joue. Par exemple, dans deux ans, en 2013, ce sera, la quatrième édition d’AfricaSan. Les journalistes devraient pouvoir nous demander, juste avant cette prochaine édition, ce que nous avons pu faire concernant les engagements de la précédente édition. Ce rôle de sentinelle-là, le RICHE devrait pouvoir le jouer, en vue de rappeler à chaque acteur qu’il doit cesser de parler seulement, mais qu’il doit être sur le terrain des actions. Le RICHE peut nous accompagner véritablement dans cette perspective. Du reste, nous avons entrepris beaucoup d’activités ensemble et qui me satisfont.

S. : Quel message avez-vous à l’endroit des autres acteurs du domaine de l’eau potable, l’hygiène et l’assainissement ?

A.K. : Aux autres acteurs, j’aimerais dire que nous travaillons pour la même cause. Par conséquence, quelles se soient les divergences en termes d’approches, nous devons faire en sorte que l’accès à l’eau potable, l’hygiène et l’assainissement soit une réalité pour les populations du Burkina Faso. Je suis convaincu que si nous redoublons d’efforts, si nous maintenons le niveau d’engagement et de motivation actuel, si nous mettons en synergie nos moyens, nous pourrons passer à l’échelle et pourquoi pas, atteindre les OMD.

Interview réalisée par Alban KINI (alban_kini@yahoo.fr)

Sidwaya

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