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Affaire Hissène Habré : La Belgique s’invite dans la danse

Publié le mercredi 13 juillet 2011 à 03h02min

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Pauvre Hissène Habré ! Le prisonnier doré qu’il est aujourd’hui a de quoi regretter les heures fastes de sa gloire passée ; car, c’est bien à présent qu’il réalise qu’il est bel et bien un homme à la merci de la décision d’autres décideurs. Depuis que l’affaire qui porte son nom s’est emballée, l’ancien dictateur tchadien se retrouve dans le rôle impuissant d’une vulgaire balle de ping-pong qui vole au gré de tout le monde, mais à son propre corps défendant. Au risque d’en avoir le tournis.

Vendredi 8 juillet 2011 : Abdoulaye Wade décide de renvoyer l’ancien dictateur chez lui comme un malpropre ; Habré, pris de panique, jure qu’il se défendra, au besoin, jusqu’à ce que mort s’ensuive. 48 heures plus tard, dimanche, le même Wade se ravise et fait machine arrière ; Hissène Habré respire : le voyage vers l’échafaud est annulé, et son extradition, suspendue. Ce n’est peut-être pas la fin du calvaire, mais c’est déjà bon à prendre ; même si le Pinochet africain n’aura pas soufflé longtemps ! Moins de deux jours après l’annulation de son vrai-faux renvoi du pays de la Teranga, les Belges s’invitent dans la danse.

A la faveur de la reculade opérée par le président sénégalais, la Belgique, qui a toujours voulu faire du cas Habré sa propre affaire, découvre une brèche qui lui permet de s’engouffrer dans ce casse-tête juridique hors norme et revendique sa part du dictateur tchadien. Et le plus légalement du monde, d’ailleurs : un communiqué a été diffusé dimanche, depuis Bruxelles, qui révèle que plusieurs associations de victimes et de défense des droits de l’homme militent pour un jugement de Hissène Habré en Belgique.

Pour rappel, en novembre 2000, des victimes tchadiennes vivant dans ce pays avaient déjà porté plainte contre Hissène Habré à Bruxelles ; et quatre années plus tard, un juge belge délivrait un mandat d’arrêt international contre l’ancien dictateur pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture. Puis plus rien. Le vide que crée la récente initiative inachevée du président sénégalais revigore la juridiction des pays des Wallons et des Flamands, qui trouve là l’occasion inespérée de revenir à la charge, dans l’espoir d’avoir, cette fois-ci, gain de cause.

Reste à savoir si elle obtiendra satisfaction. Wade, lui, de toute évidence, est exaspéré par la tournure que prend l’affaire : elle lui crée une de ces réputations des plus exécrables qui soient ; à tel point qu’il semble vraiment plus que décidé à se débarrasser de son hôte encombrant. Mais il n’est pas sûr qu’il consente à l’expédier en Belgique : Hissène et lui ont des amis communs très influents dans les milieux politiques et religieux sénégalais ; des amis dont la pression se sera révélée peut-être même plus forte que les observations de la Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme, au point de pousser Wade dans cette mémorable volte-face qui valut à Hissène Habré de rester au pays de la Teranga.

Et si, en dépit de tout cela, le président sénégalais acceptait d’accéder à la demande des Belges, qu’en penserait l’Union africaine ? Jusqu’à présent, dans cet emballement de l’affaire Habré, l’instance panafricaine se sera montrée muette, étrangement aphone. Mais bien que ne disant rien, on la sent mal à l’aise, déchirée qu’elle est entre deux positions quasiment inconciliables : elle veut bien juger son dictateur africain, c’est certain, ne serait-ce que pour l’exemple ; mais en terre africaine, la chose relève presque d’une mission impossible ; et en même temps, elle ne voudrait pas que des Occidentaux s’en occupent ; ça ferait trop cas d’école, et créerait un dangereux précédent. Entre les deux options, l’UA balance. Et en attendant, c’est bien papy Wade qui a l’obligation de gérer sa patate chaude.

Jean Claude Kongo

L’Observateur Paalga

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