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CENI : Moussa Michel Tapsoba, bouc émissaire

Publié le jeudi 7 juillet 2011 à 01h38min

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Comme il fallait s’y attendre, l’Assemblée nationale burkinabè a finalement adopté à l’unanimité le projet de loi à elle soumis par le gouvernement et dont l’objectif était de contraindre le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) à démissionner. Après la démission des représentants de l’opposition au sein de cette institution, c’est donc Moussa Michel Tapsoba qui a été démis. Une situation on ne peut plus déplorable quand on sait qu’il y a eu plusieurs occasions dont aurait pu se saisir le désormais ex-président de la CENI pour éviter une telle humiliation. En effet, celui-ci aurait pu éviter d’engager un bras de fer, perdu à l’avance, contre le pouvoir exécutif dont on sait que sous nos tropiques, tout part de lui et revient à lui.

L’issue de cette épreuve de force sonne ainsi comme la rançon d’un entêtement dont la réelle motivation était difficile à appréhender, et les raisons avancées très subjectives. Certes, quitter un poste électif avant la fin de l’échéance du mandat prévu à cet effet peut aussi être interprété comme un aveu d’échec, ce qui est loin d’être génial. Mais une personnalité qui se cramponne à une fonction envers et contre tous, ne fait pas non plus honneur à son rang. Le président sortant de la CENI, à deux mois de la fin normale de son deuxième mandat, aurait moins entaché son curriculum vitae et son image s’il avait quitté volontairement ses fonctions.

Le gouvernement, à travers les précédents ministres de l’Administration territoriale, n’a jamais fait mystère de son envie de récupérer des mains de la CENI l’organisation des élections. Si fait que la moindre opportunité est à saisir pour chercher des noises à celle qui, bien qu’étant l’émanation de la volonté consensuelle des classes sociales et politiques à l’issue d’une crise, lui a tout de même ravi la vedette, devenant par ce fait même sa rivale. Car, les manquements relevés dans l’organisation de la présidentielle de novembre dernier et le climat délétère qui prévalait au sein de la structure qu’il dirigeait ne sont nullement imputables à la seule personne du président de la CENI. Sa responsabilité dans ces ratés est sans doute grande étant donné sa position hiérarchique qu’il aurait pu exploiter pour dénoncer certains faits qui n’étaient pas de nature à créer les conditions d’un travail correct.

Il est vrai que la débâcle de l’élection présidentielle a suscité moultes plaintes et réclamations qui ont vite fait de désigner le premier responsable de l’organe chargé de son organisation comme le mouton dont le sacrifice était nécessaire à l’expiation des erreurs commises. Le bouc émissaire a alors été d’office désigné, en la personne de Michel Tapsoba, à qui il fallait, telle à une brebis galeuse, administrer le châtiment exemplaire et propitiatoire. Cependant, plus qu’une question d’individu, la prestation de piètre valeur que la CENI nous a servie lors du récent vote puise ses racines dans la faiblesse des textes d’une institution qui est censée être indépendante. Les textes constituent la colonne vertébrale sur laquelle reposent toutes les actions d’une structure comme celle devant veiller à la bonne organisation et à la bonne tenue d’une échéance électorale.

Pour éviter, au cas où l’exécutif résisterait à la tentation de faire de cette situation ses choux gras en récupérant « sa chose », que l’éventuelle nouvelle Commission soit la copie de celle mourante, il est plus qu’impérieux de revoir les textes pour qu’ils soient en adéquation avec la mission assignée à l’institution. La frontière entre l’indépendance et l’autonomie financière est si négligeable qu’il est utile de doter la CENI, à l’instar d’autres organes comme l’Autorité supérieure du contrôle d’Etat (ASCE), d’un budget autonome. Et même si les membres de la CENI et de ses démembrements, à l’exception des représentants de la société civile, sont désignés par des partis politiques, il ne faudrait pas perdre de vue que l’indépendance réelle de l’institution ne sera que le reflet de celle de ses animateurs. Il est donc important que ceux-ci se démarquent de leurs réflexes partisans pour épouser entièrement les exigences de la structure à qui ils doivent se sentir plus redevables qu’à leurs formations politiques.

Au-delà du traitement égal que l’on doit réserver à toutes les forces sociopolitiques en ce qui concerne le choix des membres de la CENI, il semble aussi indispensable d’être regardant sur le profil de ces derniers. Les questions de l’autonomie financière et de la qualification des membres de la CENI ont du reste déjà été évoqués par d’anciens membres de la structure qui s’y connaissent par ailleurs en matière d’élections et qui ont eu la chance de vivre l’expérience d’autres institutions étrangères similaires. L’on n’a donc vraiment plus besoin de meilleur avis pour expérimenter une CENI toute nouvelle aussi bien du point de vue de son indépendance pratique que des compétences avérées de ses acteurs dans le domaine électoral. Que les prochaines consultations électorales soient reportées ou pas, les principaux maux qui entravent le fonctionnement efficace de la CENI sont déjà connus et doivent être pansés au plus vite. Quitte à ce que les résultats des travaux du Conseil consultatif sur les réformes politiques, s’ils venaient à en diagnostiquer d’autres, viennent en appui à ces changements à opérer pour une institution vraiment indépendante.

"Le Pays"

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