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Me Hermann YAMEOGO, président de L’UNDD : “S’il ne tient qu’à l’UNDD, c’est le peuple souverain qui tranchera de tout …”

Publié le lundi 27 juin 2011 à 01h52min

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Le moins que l’on puisse dire à son sujet, c’est qu’il est un homme politique controversé. De par ses prises de position, ses actions, Me Hermann Yaméogo crée souvent la polémique au sein de l’opinion nationale. Pour certains, il est le meilleur homme politique de l’opposition burkinabè. Pour d’autres par contre «  il est un traitre  », «  un apatride  ».

Né le 27 août 1948 à Koudougou, marié et père de cinq enfants, Me Hermann Yaméogo est juriste de formation. L’homme traine sa bosse dans le landerneau de la politique nationale depuis des décennies. Des partis politiques, il en a créé. En effet, il est le géniteur de l’Alliance pour la démocratie et la fédération (ADF) et de l’Union nationale pour la démocratie et le Développement (UNDD). Par ailleurs, il fut secrétaire général de l’Union nationale pour la Défense de la démocratie (UNDD) version 1978 et secrétaire général du Mouvement des démocrates progressistes (M.D.P) de 1990 à 1998.

L’homme a été également le président de l’Alliance pour la Démocratie et la Féderation – Rassemblement démocratique africain ADF/RDA. Depuis 2006, il est élu Conseiller municipal au titre de l’UNDD-Nouvelle. Elu trois fois député à l’Assemblée nationale, l’homme a également été ministre dans trois gouvernements. Me Hermann Yaméogo, à travers l’entretien qu’il nous a accordé expose ses idées et ses convictions, pour une sortie de crise au Burkina Faso.

L’Hebdo du Burkina (HB) ? : Notre pays est actuellement secoué par une crise sociopolitique. Quelles en sont les raisons à votre avis ? ?

Me. Hermann YAMEOGO, président de L’UNDD : Les raisons sont multiples. Elles tiennent à des dysfonctionnements graves relevés aux plans institutionnel, politique, économique, militaire, social… A la vérité, nous vivons une crise de régime doublée d’une crise de société.

Nous avions tiré la sonnette d’alarme depuis des années, organisant même un FOCAL (Forum ?de communication alternative) sur la question de l’Armée en 2006. Avec des partis politiques, nous avons en 2008 rédigé un Mémorandum que nous avons dispatché dans tout le pays, échangeant à son sujet avec les anciens chefs d’Etat, les associations, les partis politiques toutes tendances confondues…

Au cours de ces rencontres, nous avons été plutôt compris et généralement félicité. C’était une analyse circonstanciée de la crise en développement pour le règlement de laquelle, nous demandions au chef de l’Etat d’être partie prenante d’une refondation générale, par le biais d’un dialogue républicain inclusif, avant qu’il ne soit trop tard. Hélas. L’urgence et parfois même la réalité des réformes de fond n’ont pas toujours convaincu. Et nous avons perdu un temps fou ? !

Comment jugez-vous les actions menées jusque-là par le nouveau gouvernement Tiao, pour sortir de la crise ? ?

Si l’on en juge par l’accueil plutôt froid et même courroucé par endroits, réservé à la formation de ce gouvernement, on doit reconnaître, qu’il y a eu assez vite des frémissements qui autorisent, à réviser quelque peu les préventions premières.

Cela va des mesures portant sur la suppression de la TDC, la réduction de l’IUTS, la suspension de la tarification des actes médicaux, le jugement du dossier Justin Zongo avant les vacances judiciaires tout comme les dossiers de détournement, la levée de la police universitaire…et j’en passe.

On relève aussi, même si elle est d’application difficile, la diminution du prix de certains produits et sur un autre plan, les rotations enfin pratiquées à la tête de certaines directions où les directeurs généraux avaient pris racine.

Il faut également noter ces réponses satisfaisantes apportées à la plate-forme minimale des enseignants, la suspension incroyable d’un maire (et pas n’importe lequel ? !) d’une des communes de Ouagadougou... La grande lessive opérée au niveau des Gouverneurs, où on reconnaît aux administrateurs civils, leurs lettres de noblesse.

Enfin, l’action musclée de Bobo-Dioulasso pour restaurer l’autorité de l’Etat est positivement accueillie par l’opinion. Cependant, le dernier cafouillage observé dans la gestion de la crise de la CENI ne dit rien qui vaille, et puis nous ne sommes qu’à l’entame d’un travail de longue haleine, et il faut savoir prudence garder.

34 partis de l’opposition politique avec à leur tête Me Sankara, ont demandé le départ du chef de l’Etat. Quels commentaires faites-vous de cette revendication qui apparemment n’a pas eu l’adhésion populaire escomptée ? ?

Plusieurs raisons expliquent l’échec de ce mouvement «  ?Blaise, dégage ? !? » lancé par les 34 partis ? : l’impréparation, la non-association de la société civile, des syndicats qui, pour leur part n’auront pas manqué de s’en démarquer....

Il y a aussi cette méprise par rapport aux déterminants de la colère populaire vis-à-vis du pouvoir en place. Penser que les 34 partis seraient naturellement la catalyse de ce mécontentement, pour drainer des foules et gicler comme cela, comme à la parade, Blaise Compaoré du pouvoir, c’était oublier que même si le départ de ce dernier est entrevu comme un remède à tous les maux du Faso par certains, l’objet du mécontentement de nombre de Burkinabé pouvait aussi résider dans l’insatisfaction de certaines demandes sociales en termes de santé, d’éducation, de logement…, sans la volonté d’une sanction politique par le dégagement ici et maintenant du chef de l’Etat.

Il eût mieux valu, et nous l’avons dit, reculer la manifestation, pour mieux appréhender la situation et mieux l’organiser, si besoin s’en faisait sentir, après sereine analyse, en s’assurant que la mobilisation ne ferait pas défaut.

Mais, il faut dire que dans l’ambiance du moment, ils étaient nombreux parmi nos impétrants à Kossyam, à penser que le moment était venu et qu’il ne fallait surtout pas être le dernier à dire « Blaise, ?Dégage ? !? », à exiger qu’il précise sous serment devant le peuple, qu’il est sur le départ et que ses valises sont prêtes.

D’avoir mésestimé la situation, de n’avoir pas saisi tous les contours de la crise, est une erreur qui poursuit les «  ?34 ? », mais qui porte aussi préjudice à toute l’Opposition, bien que certains partis comme le nôtre aient pris soin de s’en démarquer.

Un cadre consultatif sur les réformes que certains récusent présentement a été mis en place. Quelle est la position de l’UNDD ? ?

L’UNDD trouve superfétatoire et même maladroite l’insistance à accoler le mot consultatif au cadre proposé. En Tunisie, par exemple, on n’en a pas eu besoin ? : on a adopté la formule «  ?commission nationale des réformes ? » et c’était bien vu. Nous relevons par ailleurs que la nature de la représentation au sein de cette structure ne rassure pas par rapport à l’équilibre des forces.

Je pense que face à une crise dont la plus grosse part de responsabilité revient incontestablement au pouvoir, celui-ci aurait dû montrer plus de disposition au dialogue, au partage, pour créer les conditions de la confiance indispensable à ce travail colossal de reconstruction multiforme. Je le crois d’autant plus que, si nous avons apparemment échappé à un

renversement du pouvoir, comme certains s’y attendaient, nous n’avons pas fini avec tout risque de déstabilisation, puisqu’on sent en ce mouvement, une telle volonté à d’autres niveaux.

Quelles sont les propositions de réformes que vous comptez verser aux débats ? ?

Nos réformes à l’UNDD ne sont pas seulement limitées au cadre politique et institutionnel, ni à la démocratie ? : elles s’attachent aussi au social, à l’économie, à l’international… Nous souhaitons, sans renier les principes universels qui guident la démocratie, adapter le plus possible nos institutions et notre gouvernance, à nos réalités. Il n’est pas besoin de toujours tout calquer sur les démocraties dites avancées.

Nous voulons particulièrement lutter pour l’avènement d’un régime parlementaire, qui fasse plus grand cas de la soumission des pouvoirs au contrôle, qui propose une véritable régionalisation démocratique, un régime de réel partage des pouvoirs qui attaque à la base, le chômage des jeunes par le biais des fonds structurels, des travaux à haute intensité de main-d’œuvre encouragés dans le cadre d’une intégration régionale vraie.

Nous voulons, dans le cadre d’un régime plus préoccupé de transferts sociaux, une allocation mensuelle pour les familles les plus pauvres, même si l’expérimentation doit commencer dans le cadre d’une ou deux provinces avant généralisation éventuelle.

Depuis des années également, nous avons condamné l’ogémisation au Faso et nous entendons y revenir à l’occasion de ces échanges nationaux. Mais, il y a tellement de propositions qu’il serait fastidieux de s’y appesantir dans le cadre de cet entretien.

Je vous donne pour exploitation nos dernières propositions sur les réformes politiques et institutionnelles de 2009 et celles concernant des réformes plus générales en 2010 qui ont fait l’objet d’un condensé incluant la touche des populations à la base. A noter qu’elles ont été transmises aux autorités en fin 2010.

Quelle est la position de l’UNDD concernant une éventuelle révision de l’article 37 ?de la constitution ?

Notre position sur ce serpent de mer est connue depuis longtemps. Bien que reconnaissant que sur le plan légal, rien n’interdit la révision de l’article 37, nous sommes toujours mobilisés, pour des questions de morale constitutionnelle, pour qu’il n’en soit rien.

Mais de toutes les façons, cette antienne perd quelque peu d’intérêt à nos yeux depuis certaines prises de position d’officiels, notamment du ministre des Affaires étrangères Djibril Bassolet, au lendemain de la formation du gouvernement Luc Adolphe Tiao ? : «  ?Rien ne sera imposé au peuple ?…Le président Compaoré n’a pas pour ambition de s’éterniser au pouvoir, il a pour ambition de préparer une alternance paisible… ?

Je vous dis simplement que l’environnement aujourd’hui ne se prête pas à un pareil exercice qui pourrait effectivement être source de déstabilisation…Il ne serait pas judicieux à ce stade (…) de commencer à penser à qui sera Président après 2015 »… (RFI, Slate Afrique, L’Observateur Paalga…).?

Nous pensons donc qu’il faut progresser, réfréner les impatiences successorales pour ne pas bloquer l’appareil de l’Etat, pour permettre que la dynamique des réformes soit engagée dans des conditions sereines. Faut-il du reste le souligner, aucun homme politique raisonnable ne peut prôner l’alternance sans le préalable des réformes.

La meilleure formule ne serait-il pas de laisser le peuple souverain trancher définitivement sur la question ? ?

S’il ne tient qu’à l’UNDD, c’est le peuple souverain qui tranchera de tout, même des réformes qui seront débattues en commissions, consultatives ou non. C’est bien pour cela que nous demandons une Constituante. La proposition est perçue avec réserve au niveau du pouvoir et d’une certaine partie de l’opposition.

Dans le premier cercle, on ne voit l’utilité de la Constituante que dans la rédaction d’une nouvelle loi fondamentale et on considère que cela sonnerait comme un échec pour le pouvoir. C’est une mauvaise vision des choses ? : une Constitution, ça s’amende, ça se change, et souvent, lorsque l’importance des amendements emporte changement de la nature du régime, on verse dans une autre République.?Et on est en plein dans ce cas de figure chez nous.

Dans le second cercle, il y a des opposants qui estiment que changer de Constitution, c’est comme remettre les pendules à zéro et permettre à Blaise Compaoré de repartir pour deux mandats. Ils oublient qu’il y a des dispositions transitoires ou finales au travers desquelles, on peut éviter cette possibilité.

Le recours à la Constituante enfin, contrairement à ce que beaucoup pensent, n’aura pas pour seul objectif de doter le pays d’une nouvelle loi fondamentale.

Vous savez, les assemblées constituantes ont aussi des pouvoirs qui dépassent la seule rédaction d’une constitution. Elles peuvent également s’attacher à résoudre des crises particulières (financières, sociales…) ou même des crises générales de gouvernance.

A un moment où l’on demande ici des Etats généraux de la démocratie à décisions exécutoires, là de revenir à l’idée d’une Conférence nationale souveraine ou d’un Collège de Sages bis mais à décisions exécutoires, osons faire du peuple, par le biais de la Constituante, l’ultime censeur, l’ultime décideur.

Sur ces pouvoirs ignorés des Constituantes, vous lirez avec beaucoup d’enseignement l’ouvrage de Mr Arnaud Le Pillouer «  ?Les pouvoirs non-constituants des assemblées constituantes. Essai sur le pouvoir instituant ».

Vous avez demandé une trêve citoyenne et patriotique afin que l’autorité de l’Etat puisse être restaurée. Qu’est-ce qui sous tend votre appel ? ?

Nous avons demandé une telle trêve parce que le Burkina Faso est confronté à une érosion des fondements de l’Etat qui se manifestent à bien de niveaux.

Le plus grave, c’est qu’il s’en trouve pour y tirer argument, notamment avec les mutineries, d’une possible intervention rédemptrice des militaires et qui peu ou prou, veulent lancer une guerre de succession alors que nous sommes loin du terme de la mandature. Je rappelle déjà qu’ici au Faso, et ce n’est pas de bonne augure, il n’y a jamais eu de coups d’Etat rédempteurs ? !

Je dis ensuite que cette espèce de guerre de succession rampante aggrave les risques d’affaissement de l’autorité de l’Etat. En tant que républicain et démocrate, nous estimons que la base sur laquelle se développent les activités dans une collectivité humaine organisée, c’est l’ordre public national. C’est pour cela que nous demandons d’essentialiser sa restauration avant de nous adonner à nouveau aux fruits et délices des duels politiques.

Votre parti a été longtemps absent des joutes électorales. Serez-vous au rendez-vous des municipales et législatives couplées de 2012 ? ?

Si les raisons objectives qui nous ont empêchés d’être présents à certaines élections sont réglées et si notamment le Burkina passe par la case obligée des réformes (qui ramèneront le pays sur les chemins d’une meilleure gouvernance, notamment électorale), il n’y a pas de doute que nous serons présents à toutes les compétitions électorales.

Mais, je doute que si un tel travail est fait avec sérieux et responsabilité, nous puissions respecter l’échéance des élections couplées de mai 2012. Il y a avant à restructurer l’Armée, à refonder la Justice et à engager les réformes dans les autres secteurs de la vie nationale. Ce n’est pas, vous en conviendrez, une mince affaire ? !

Le Président Alassane Dramane Ouattara exerce finalement et pleinement le pouvoir d’Etat en CI. Le président Gbagbo déclaré perdant aux élections passées ne pouvait-il pas se soumettre au verdict des urnes et éviter ainsi à son pays les souffrances endurées ? ?

Je ne pense pas qu’il soit de mise, au moment où notre pays fait face à une situation difficile et où les réalités quotidiennes en Côte d’Ivoire montrent que la pacification n’est pas encore une œuvre achevée, de continuer à brandir chez nous les dernières évolutions dans ce pays comme un trophée.

Mes convictions restent les mêmes. On aurait pu éviter les souffrances toujours en cours en levant nombre d’’hypothèques sur le nouveau pouvoir et en prenant les mesures idoines et courageuses pour recommencer les élections.

En tout les cas, je condamne l’intervention extérieure qui n’est pas très gratifiante pour l’honneur des Africains et pour l’indépendance de nos pays. Je pense enfin que le Président du Faso a toujours une carte importante à jouer dans le cadre de la Facilitation. Il peut aider à la réconciliation. Jouant de ses relations, il peut obtenir la libération du président Laurent Gbagbo, des membres de sa famille, des responsables du FPI, pour les engager en tant qu’acteurs dans la reconstruction morale, politique et économique du pays.

Je ne pense pas que ce sont les humiliations politiques, judiciaires… qui aideront au réarmement moral, politique, de ce pays meurtri. Nous avons donc, dès le lendemain de la chute de Laurent Gbagbo, contacté le président Affi N’Guessan à Abidjan et le Conseiller Alain Toussaint à Paris et ils n’étaient pas opposés à une initiative allant dans le sens de la réconciliation.

Nous nous en sommes ouverts en interne à certaines autorités nationales sans essuyer des plâtres. Lors de sa dernière sortie, Blé Goudé s’est montré de son côté favorable à cette réconciliation. Alors, pour l’intérêt de nos ressortissants en Côte d’Ivoire, celui de l’intégration régionale et pour l’Histoire, sachons plutôt relever ce noble enjeu.

Quelle lecture faites-vous de ce qui se passe en Libye ? ?

J’ai grand peine à suivre à la télévision, la relation de ce qui se passe dans ce pays. Je n’ai jamais considéré Kadhafi, loin de là, comme un démocrate-modèle mais, je trouve plus que blessant, révoltant, cet acharnement sur ce pays, ces destructions en vies humaines (même l’OTAN le 08 juin dernier s’est excusé pour les éventuelles pertes de civils, reconnaissant par là le fait), en infrastructures, par de grandes puissances impérialistes donneuses de leçons de droits de l’homme. J’en suis d’autant plus outré que Muammar Kadhafi - et plus encore l’Union africaine- ne cesse d’en appeler à un règlement pacifique du conflit interne.

L’OTAN n’en a cure et bombarde à tout va, dans une quasi-hystérie qui relève bien du crime de guerre. C’est tout simplement le retour à la politique de la canonnière avec cette circonstance aggravante que la fin de la guerre froide et de la division bipolaire du monde laissent particulièrement l’Afrique se débrouiller face à un impérialisme qui a gagné en complicité et en unité internationale.

Blaise Compaoré, Me Sankara, Arba Diallo, Zéphirin Diabré, Me Gilbert Ouédraogo. Quels qualificatifs conviendraient le mieux pour chacun de ces hommes politiques ? ?

Je ne sens pas, comme on dit, votre question, et je n’ai pas l’habitude de répondre à ce genre d’interrogations, estimant que le peuple est le plus qualifié pour le faire.

Interview réalisé par Angelin DABIRE

L’Hebdomadaire du Burkina

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