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Assisses criminelles : « Tu meurs ou je meurs »

Publié le mercredi 15 juin 2011 à 02h29min

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Agé de 20 ans au moment des faits en 2005, Ousséni Sanou a aujourd’hui 25 ans et est père d’un enfant. Il était inculpé pour coups mortels sur la personne de Zongo Sabane Anselme âgé de 18 ans.
En cette année 2005, Fousséni un ami à Ousséni venait de réussir à son BEPC. Il a voulu donc « l’arroser ». Il va donc solliciter l’aide de son ami pour jouer au portier parce que sans invitation, pas d’accès à la soirée. Le jour de la fête, Sabane qui n’était pas invité voulait quand même assister à cette réjouissance. Connu pour être bagarreur, Ousséni lui refuse l’accès. Mais ce dernier arrive à le convaincre qu’une fois à l’intérieur il se retiendra.

Ce sera le contraire une fois à l’intérieur, car Sabane qui était dans un état d’ivresse selon l’accusé va s’en prendre aux organisateurs de la soirée. D’où la nécessité de le mettre dehors. Chose qu’il n’a pas « digérée ». Le lendemain dimanche, il manque Ousséni par deux fois de suite à son domicile. La victime voulait des explications sur le pourquoi de son expulsion à la soirée « d’arrosage » du BEPC. Le soir venu, il va croiser Ousséni qui accompagnait un de ses amis. Celui-ci l’invite dans un endroit un peu éloigné des concessions pour des explications. « Il a commencé à me donner des coups de poing avant d’ajouter qu’entre nous deux, quelqu’un va mourir à la suite de la bagarre », explique l’accusé à la Cour.

Pris de peur, Ousséni voulait s’enfuir, mais Sabane l’attrape et commence à lui tordre le coup. Fousséni s’est donc défendu avec le couteau qu’il tenait en lui administrant deux coups dans le ventre. A entendre cette déclaration, la Cour va demander à l’accusé pourquoi il se promène avec un couteau, ou c’est parce qu’on l’a informé des visites d’Anselme qu’il l’a pris en cas de besoin ? « Je m’en sers pour couper des mangues », a-t-il répondu. Ousséni avoue n’avoir jamais eu l’intention de tuer Sabane. Après l’acte, il s’est lui-même rendu au commissariat de police pour se faire entendre. A la police, à l’instruction, tout comme devant la Cour, l’accusé est resté constant sur sa déclaration. En tout cas, l’article 329 alinéa 3 punit les faits de coups mortels. Mais pour le Procureur général, l’intention d’homicide n’existe pas. Il y a eu agression et riposte. C’est bien la victime qui a été le premier à agresser l’accusé, mais l’on ne peut parler de légitime défense.

Au regard de ces faits, il peut bénéficier de circonstances atténuantes. Cinq ans de prison avec sursis ont été requis contre lui. De l’avis de son conseil Maître Karambiri Ali, il s’est agi tout simplement d’une légitime défense. Après le réquisitoire, les magistrats et les jurés se sont retirés de la salle pour répondre aux questions suivantes : L’accusé est-il coupable ? Y-a-t-il eu une légitime défense ? Existe-t-il une circonstance atténuante ? La question première et la troisième question ont reçu une réponse affirmative et la seconde réponse négative. La Cour a ainsi reconnu la culpabilité de Ousséni et l’a condamné à 5 ans d’emprisonnement avec sursis.

« Je te tue comme un chien, et je fais le rapport à la hiérarchie »
Tambi Yaméogo dit Paul, en fonction de policier au commissariat central de Bobo ne reconnait pas avoir tenu de tels propos. Né en 1982 à Koudougou et père d’un enfant, il était accusé pour tentative de meurtre sur la personne de Lamine Diabaté, vendeur de poisson tous deux domiciliés au secteur 15 (Saint-Etienne de Bobo-Dioulasso).
Le 20 mai 2009, alors qu’il était de permanence, on les appelait pour un constat de fœtus retrouvé dans un caniveau. Sur les lieux, selon sa déclaration, le commissaire central a appelé le Procureur du Faso pour les différentes voies à suivre par rapport à ce fœtus. Sur son autorisation, on procéda à son enterrement sur les lieux.

De retour au poste aux environs de 23h, Tambi dit Paul est appelé par un ami pour prendre un verre dans un bar dénommé la Fontaine du Tigre sis à Saint-Etienne (secteur 15). Après ce plaisir, et en voulant retourner au service, à la sortie du bar, il rencontre Zongo Nafissatou les larmes aux yeux. « La fille, je la connaissais parce que j’ai eu à régler une affaire entre elle et son copain qui lui avait ôté un œil », dit-il. Tambi va donc lui demander ce qui lui est arrivé. « C’est Lamine qui s’est moqué de mon handicap d’œil parce que tout simplement je n’ai pas répondu à son appel. Il m’a dit qu’il n’a pas encore fini avec des filles qui ont deux yeux pour s’intéresser à une borgne comme moi », va-t-elle expliquer au policier sur qui elle avait par ailleurs fondé son espoir pour sa défense.

Notons que ces faits se sont passés devant un kiosque non loin du bar. Tambi va envoyer le cuisiner dudit bar pour appeler Lamine mais qui ne viendra pas. Furieux, il se rend devant le kiosque aux environs de minuit à la recherche de Lamine. Sans chercher à comprendre, il commence à lui donner des coups de poing. Cela ne lui suffira pas. Face à la riposte de la victime, il va enlever son arme pour tirer au sol deux fois de suite, et le troisième tir malheureusement va toucher le bras de Lamine qui pourtant, va essayer de s’enfuir. Selon le témoin Ardjouma Ouattara, avant les tirs, Tambi aurait signifié à sa victime « qu’il va le tuer et faire le rapport à la hiérarchie ». L’accusé, devant la Cour, a nié cette déclaration et avoue qu’il n’avait pas l’intention de lui faire du mal, seulement le dissuader.

Au dire du deuxième temoin, après les faits, le policier aurait braqué son arme sur toutes les personnes présentes afin de pouvoir s’enfuir. Soulignons que l’accusé pendant le procès a été maintes fois incertain dans ses déclarations. Le conseil de la victime, Maitre Yéré Amédé dans sa défense a estimé que la responsabilité de l’Administration doit être engagée dans cette affaire parce que c’est étant en service, et c’est avec l’arme de l’Etat qu’il a commis le crime. A son avis, il y a défaut dans la gestion de l’administration. Conformément donc à l’article 6 du code de procédure, Maitre Yéré a estimé que l’Etat doit être appelé en garantie. Au titre des réparations, il a demandé la somme de 43 317F CFA pour les ordonnances et certificats médicaux, 20 millions pour la souffrance morale et physique et 5 millions pour les frais non compris dans les dépens ; le tout avec la garantie de l’Etat.

Deux membres de la justice du travail qui ont assisté à l’audience diront qu’il n’est pas fondé d’appeler l’Etat en garantie dans cette affaire. Bien vrai qu’il s’agit d’un agent et d’une arme de l’Etat, mais il l’a utilisée à des fins personnelles et non dans le cadre du service. Il n’y a donc pas de faute de service. A la suite des observations et réquisitions du parquet général, il ressort que Tambi est une personne non dangereuse. Mais l’article 326 alinéa 3 et l’article 59 alinéa 2 du code pénal disent que le coupable de meurtre ou tentative de meurtre est passible de la peine capitale. Tambi peut cependant bénéficier d’une circonstance atténuante pour avoir essayé de résoudre une situation mais pas dans l’impartialité.

Au regard de tous ces faits, 10 ans de prison avec sursis ont été requis contre lui. A la sortie de la concertation entre magistrats et jurés, la Cour a suivi la requête du parquet mais a déclaré la non compétence de la garantie de l’Etat. Il est aussi condamné à payer 3 500 000 FCFA à titre de dommage et intérêts et 500 000F CFA non compris dans les dépens.

Bassératou KINDO (beckyelsie@yahoo.fr)

L’Express du Faso

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