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Réformes institutonnelles : "Non à l’escamotage du débat

Publié le lundi 13 juin 2011 à 02h18min

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« La Constitution burkinabè, 20 ans : bilan et perspectives ». Tel était le thème d’un dialogue initié par le Centre pour la gouvernance démocratique, le 11 juin 2011 à Ouagadougou. Une occasion de diagnostic de la loi fondamentale mais aussi d’harmonisation des positions des acteurs politiques sur le projet de réformes institutionnelles qui défraie la chronique depuis un certain temps.

Que retenir de la Constitution burkinabè, 20 ans ? De l’avis du Pr Luc Marius Ibriga, notre Constitution comprend des aspects positifs : les droits du citoyen et les droits de l’homme reconnus ; des mécanismes de démocratie semi-directs même s’ils ont été, dans la pratique, remis en cause ; possibilité pour le citoyen d’intervenir en matière législative ou en matière de révision ; prohibition de coups d’Etat.

Comme faiblesses, Luc Marius Ibriga note que notre loi fondamentale comporte des éléments qui font du président du Faso un omnipotent voire un monarque (chef suprême des armées, président du Conseil supérieur de la magistrature et du Conseil des ministres) ; il nomme le Premier ministre et peut le révoquer selon son vouloir ; même appliquant son programme, le président n’est pas politiquement responsable mais le gouvernement ; les prérogatives du pouvoir législatif sont bridées, car le gouvernement dispose de moyens pour forcer la main au Parlement…

De 1991 à nos jours, la Constitution a subi quatre révisions par la voie parlementaire dont le gommage des scories révolutionnaires ; la suppression de la Chambre des représentants puis du nomadisme politique des députés. Aujourd’hui, indique le Pr Ibriga, la tendance est à retourner vers le bicaméralisme, donnant l’impression que les différentes révisions ont été opportunistes. La voix de l’opposition se perd dans la majorité.

Les participants à ce débat ont eu droit à des témoignages de trois membres de la commission ayant eu la charge d’élaborer la Constitution. Il s’agit du secrétaire général du PAI, Philippe Ouédraogo, de Lassané Sawadogo du CDP, parti au pouvoir, et de Marc Oubkiri Yao, ex-membre influent dudit parti. Leurs récits ont permis surtout aux jeunes générations de se replonger dans l’histoire constitutionnelle de notre pays.

A écouter le second, la commission a travaillé en toute liberté intellectuelle et le texte auquel ils sont parvenus a permis de prévenir certaines dérives. Pour les deux autres, la commission n’a apparemment pas eu les mains libres, puisque le dernier mot revenait à Blaise Compaoré.

Deux leaders politiques, parmi les panélistes, à savoir le Pr Basile Guissou du CDP et Bernard Tago de l’UNIR/PS, ont eu à donner également leur lecture sur la Constitution. Le Burkina, s’est félicité le premier, n’a jamais manqué d’opinions contradictoires. Le second a, quant à lui, souhaité que notre pays s’investisse davantage dans la culture de la promotion des valeurs fondamentales de justice, de probité et d’équité.

Car le Burkina, regrette-t-il, a mal à sa gouvernance démocratique. De son point de vue, le problème de notre pays ne réside pas dans sa Constitution mais dans le comportement des hommes. Le Burkina gagnerait, selon lui, à décentraliser le débat politique qu’il juge au stade actuel trop élitiste.

La société civile était aussi représentée dans le panel par le RADDO et le MBJUS. Le porte-parole de la première organisation citée, Mathias Tankoano, est formel sur le débat relatif à l’alternance. Blaise Compaoré, a-t-il martelé, « ne doit pas céder à la tentation funeste » de déverrouiller l’article 37 pour se donner une chance de s’éterniser au pouvoir. Parce que flatté, ajoute M. Tankoano, par des médiations dans des conflits qui lui confèrent le statut de sage d’Afrique. Blaise Compaoré, a-t-il conclu, doit choisir entre finir comme Mubutu, Ben Ali et Muburak, et terminer comme John Jerry Rwalings, John Kuffuor, Alpha Oumar Konaré…

A toutes ces contributions sont venues s’ajouter celles du public. En effet, les uns et les autres ont donné leur lecture sur les 20 ans de vie constitutionnelle : la toute-puissance de Blaise dénoncée par le Pr Hyacinthe Sandwidi et qui entrave, selon lui, des débats d’idée au CDP ; pour le SG du Syndicat burkinabè des magistrats (SBM), René Bagoro, notre pays vit dans une démocratie militarisée.

Sinon, comment comprendre, s’étonne-t-il, que le CDP sorte pour approuver la répression des mutins de Bobo-Dioulasso alors qu’il n’a pas même pas daigné condamner la libération de prison des soldats militaires par leurs frères d’armes ? Le débat, faut-il le noter, a dégénéré entre-temps en conflit de générations. Ben Youssouf Minoungou, un confrère, c’est lui qui l’aura suscité en appelant à des réformes pour la jeunesse et non pour les personnes âgées qui, estime-t-il, doivent servir de conseillers.

Un avis inquiétant pour le « vieux » Alfred Kaboré qui plaide pour une prise en compte des « vieux » dans la gestion des affaires publiques, même s’il faut leur fixer un quota à l’image des femmes. A défaut, prévient-il, « tout ce qu’on mettra dans les réformes institutionnelles sera boiteux ».

Partant des points de vue ci-dessus, Luc Marius Ibriga estime qu’il y a nécessité d’envisager des réformes durables. Pas question de changer de République, une nouvelle Constitution comme le veulent certains, autrement dit une remise du compteur à zéro qui offrirait des chances à certains citoyens en principe disqualifiés.

Cela passe par l’établissement de règles constitutionnelles garantissant un système partisan, d’équilibre des pouvoirs et d’alternance. Aussi a-t-il appelé que le Conseil consultatif sur les réformes politiques à consacrer le temps qu’il faut pour ne pas escamoter le débat. La révision, recommande-t-il, doit se faire dans un cadre de dialogue inclusif et participatif. Oui pour les réformes, mais si et seulement celles-ci s’inscrivent dans le renforcement de la démocratie, a conclu le Pr Ibriga.

Hamidou Ouédraogo

Mise à jour le Dimanche, 12 Juin 2011 21:22

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 13 juin 2011 à 04:18, par VISION LOINTAINE En réponse à : Réformes institutonnelles : "Non à l’escamotage du débat

    Actuellement le Burkina Faso n’a pas besoin de reformes. La structure actuelle de la constitution et des institutions qui existent dans le pays permettent de sauvegarder la paix et la serenite. De mon point de vue, nous devons maintenir les institutions et la constitution actuelle intacte et oublier une bonne fois pour toute le debat inutile. Les reformes pourront alors se faire apres les elections presidentielles de 2015 c’est a dire des reformes pertinentes et credibles qui auraient été pleinement muries suite a l’analyse du bilan d’apres BLAISE COMPAORE.
    C’est de cette facon et cette seule facon que nous eviterons au pays des derives graves dont la crise actuelle a l’avamtage de nous donner un avant gout de ce que sera le Burkina en 2015 si on s’entete dans le faux debat actuel.
    Blaise est exit de la candidature en 2015 selon la constitution et nous devons nous en tenir a cela, travailler a credibiliser la ceni et organiser des elections libres et transparentes en 2015.

  • Le 13 juin 2011 à 08:34, par Bibèga En réponse à : Réformes institutonnelles : "Non à l’escamotage du débat

    Je retiens à la lecture de cet article que la constitution Burkinabé comporte des points certes à améliorer mais qu’une constitution, quelque soit sa perfection ne saurait arrêter la corruption et la mal gouvernance.
    Pour ma part, je pense qu’il faut surtout au burkinabé un changement de comportement et une appropriation des valeurs fondamentales qui caractérisent les "BURKIBISSI" à savoir : l’honnêteté, la probité la loyauté, l’amour du travail, et surtout l’humilité.

  • Le 13 juin 2011 à 11:28, par Soms En réponse à : Réformes institutonnelles : "Non à l’escamotage du débat

    Merci à Ben Youssouf Minoungou, pour avoir plaidé pour des reformes pour les jeunes et non pas pour les personnes âgées. Nous sommes en Afrique et c’est vrai que les personnes agées sont d’une importance capitale ; mais je pense qu’elles doivent savoir prendre leurs retraites et se mettre à l’écart et contribuer comme des conseillés. Vous imaginez que depuis plus de trente ans c’est les mêmes têtes que l’on voie à la tête de notre pays. Il faut que cela cesse et qu’on apprenne à responsabiliser les jeunes qui sont de nos jours, je pèse mes mots, nettement plus qualifiés.

  • Le 13 juin 2011 à 12:25 En réponse à : Réformes institutonnelles : "Non à l’escamotage du débat

    c’est bizarre qu’aucun journaliste ne soit revenu sur les agissementS du naaba de Ouahigouya sur la TNB. Il faut que les reformes recadrent la chéfferies traditionnelle. Le Naaba de Ouahigouya se croit au dessus de l’administration et c’est frustrant pour nous autres issu de société acéphale. Il insultait littéralement Mme le gouverneur de la région et avec des mise en garde à l’appui. Je ne tiens même pas compte du mépris qu’il avait à l’égard du journaliste qui l’interviewais.
    On est où là ?

    • Le 14 juin 2011 à 00:42 En réponse à : Réformes institutonnelles : "Non à l’escamotage du débat

      C’est surprenant que tout un pays se taise sur ce qu’a vécu cette femme, Mme la Gouverneure du Gouvernement du Faso à Ouahigouya. C’est une femme de valeur, vous savez ! Si le poste du patron du FMI était vacant, ce n’est pas le cas pour le moment, il nous semble bien, Mme la Gouverneure du Gouvernement du Faso à Ouahigouya peut bien être candidate, et ce n’est pas Mme Lagarde qui ne la supportera pas ! Courage Madame la Gouverneure du Gouvernement du Faso à Ouahigouya. De la valeur, vous en avez, vous êtes la valeur, vous vous êtes tus, vous n’avez rien demandé à personne... nous vous aimons, Madame et merci pour votre courage !

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