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Mutineries : Pourtant, tout a été fait pour éviter l’affrontement

Publié le mercredi 8 juin 2011 à 21h35min

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Dans l’équipe gouvernementale nommée le jeudi 14 avril 2011, le président Blaise COMPAORE, chef suprême des Armées, assure lui-même la charge de ministre de la Défense. Un signal fort qui aurait dû calmer les ardeurs des soldats indisciplinés qui pensaient venu leur printemps dans nos camps militaires et autres garnisons.

Malheureusement, ceux-ci, obnubilés par la force qu’ils pensaient de leur côté et convaincus de la faiblesse qu’il y aurait en face, ont mal appréhendé la démarche adoptée par le gouvernement, le chef suprême des Armées et le chef d’état-major général des Armées, qui privilégie le dialogue et l’écoute à tous les niveaux. D’où cet entêtement à braver l’autorité de l’Etat qui, fort de ses prérogatives, ne pourrait indéfiniment rester sans réaction face à la dérive. Et ce qui devait arriver, arriva. Bobo, le vendredi 3 mai 2011, sera le théâtre des opérations.

Nous le disions dans une de nos parutions relativement à la situation de mutinerie qui gangrenait notre Armée nationale : « … la discipline, disait Napoléon BONAPARTE, est la force principale des armées. Et il faut convenir aussi avec la Révolution Démocratique et Populaire d’une certaine époque, qu’‘’un militaire sans formation politique est un criminel en puissance’’. Au vu de ces deux approches, on peut aisément se faire une conception sur l’armée moderne, sur le soldat évoluant aujourd’hui dans un monde où les libertés individuelles et collectives sont les choses les plus exaltées.

L’Armée burkinabè d’aujourd’hui a-t-elle véritablement internalisé ces deux vérités qui devraient être des préceptes à inculquer aux soldats ? » Cette petite réflexion qui pose de grandes interrogations nous semble plus que d’actualité au vu de la poursuite des inconduites de soldats dans nos garnisons avec ces comportements indignes d’hommes d’une armée républicaine. A quoi rime cette façon de revendiquer à la kalachnikov et à aller se servir par la force de son arme dans les boutiques et magasins de paisibles citoyens ? Même aux temps reculés des cow-boys au Far West en Amérique, on n’en a pas vu autant avec les hordes indisciplinés de bandits qui infestaient la Siera Madre et autres contrées et fondaient tels des criquets pèlerins sur les villes pour les vandaliser ?

Certainement pour ne pas retourner à l’âne son coup de pied et alors faire comme lui comme le dit le dicton, l’autorité a opposé à la force des armes celle du dialogue en cherchant à comprendre les soldats qui se disent mécontents et à tenter de résoudre leurs problèmes. Ainsi le président dès le début de la crise, (mutineries des 22 et 23 mars derniers), dans un souci d’apaisement et pour mieux s’imprégner des problèmes de l’Armée, a rencontré le 31 mars dernier 145 représentants des hommes du rang, suivront des rencontres avec la hiérarchie et autres couches socioprofessionnelles de notre pays. Une initiative de dialogue saluée par tous. Et nous écrivions dans notre parution No 702 du 6 avril 2011 que : « Arthur de Gobi NEAR avait raison lorsqu’il disait qu’un peuple a toujours besoin d’un homme qui comprenne sa volonté, la résume, l’explique et le mène là où il doit aller.

Une fois de plus Blaise COMPAORE aura surpris plus d’un avec une idée bien lumineuse qui consiste à rencontrer les différents acteurs de la crise que connaît le Burkina avec les récentes manifestations des militaires, des scolaires et étudiants. Au moment où les Burkinabé se demandaient comment sortir du bourbier, il avait son idée : le dialogue. Un leitmotiv de gouvernance qui consacre définitivement la méthode COMPAORE faite d’écoute et de dialogue. « Car, dans la recherche de la paix, de la vraie paix, de la paix juste et durable, on ne doit pas hésiter un seul instant, à recourir, avec obstination au dialogue », comme disait le vieux sage feu Félix Houphouët BOIGNY, Président de la république de Côte d’Ivoire.

Une affirmation qui tire sa source dans la culture africaine où l’arbre à palabre reste le lieu idéal pour résoudre les problèmes individuels et collectifs par le dialogue. Tout homme de paix ne saurait donc se lasser de dialoguer, ce qui est loin d’être une faiblesse, si tant est que le dialogue reste la voie idéale pour la paix. Homme de paix, Blaise COMPAORE a maintes fois prouvé sa foi et son « obstination pour le dialogue », qui est devenu par la même occasion pour lui une ligne de gouvernance.

A l’issue des différentes rencontres avec les soldats, toutes les revendications ont été prises en compte et des solutions ont été apportées. Mais comme, on le dit, l’appétit vient en mangeant et certains soldats se croyaient en terrain conquis, donc il fallait continuer dans la surenchère, exagérer dans les revendications, convaincus que « L’Etat est devenu faible » ; et oubliant qu’ils ne représentent même pas le 1/100e de la population burkinabé et que les autres Burkinabé ont aussi des problèmes à résoudre. « La différence avec ces mutins est qu’ils ont des armes, s’ils déposent leurs armes, ils deviennent comme nous, on peut donc se croiser en garçon », disait quelqu’un visiblement exaspéré par les mutineries.

Outre les rencontres directes avec le président du Faso, le Chef d’Etat-major général des armées a pris son bâton de Commandement pour faire le tour des garnisons avec le même objectif, celui de l’apaisement pour la résolution sereine des différentes revendications. Le tout nouveau Premier ministre en bon communicateur a adopté la même démarche faite d’écoute, de concertations et de dialogue. « Les revendications enregistrées à la faveur de la crise, tantôt catégorielles et corporatistes, tantôt simplement d’ordre existentiel, ne doivent pas nous faire perdre de vue, qu’en plus de la satisfaction des besoins exprimés, pour l’essentiel par des agents de l’Etat, nous devons surtout avoir une vision globale du développement de notre pays, et travailler à satisfaire les besoins de l’immense majorité des Burkinabè qui veulent, ici des routes et des écoles, là de l’eau potable et des barrages, ailleurs des dispensaires et des hôpitaux, et j’en passe », disait bien à propos, le Président de l’Assemblée nationale, le 30 mai dernier à la clôture de la première session ordinaire de l’Assemblée nationale. Et Roch Marc Christian KABORE de lancer un appel aux soldats : « Au nom de la Représentation nationale, je lance un appel pressant à nos forces de défense et de sécurité pour favoriser la concertation comme solution de règlement de leurs préoccupations, au regard de la disponibilité de leur hiérarchie ».

C’est pourquoi, on ne peut comprendre, encore moins accepter la poursuite des mutineries et la prise en otage de la population civile. Il fallait y mettre un terme. Et si les mutins avaient encore une « petite dose » de conscience et d’intelligence, ils auraient dû comprendre le message très clair du dernier conseil des ministres : « … le conseil soucieux de l’ordre, de la sérénité et de la paix sociale envisage des mesures en vue du rétablissement de l’autorité de l’Etat ». Ce message fort devait mettre un bémol dans l’esprit des soldats mutins. Ce qui n’a pas été le cas, obligeant la hiérarchie à intervenir comme il se doit à Bobo-Dioulasso. Il faut avouer que tout le monde était vraiment fatigué de cette situation de mutinerie qui n’en finissait pas.

Si au début les mutins avaient la sympathie et la compréhension de la population, parce « qu’ils revendiquaient leurs droits », ils ont fini par retourner cette même population contre eux au regard de la répétition de leurs basses besognes, mais aussi et surtout à cause des actes de vandalisme et de violences sur les civils. Ces mutins savent-ils que même en temps de conflit armée, de guerre, le Droit international humanitaire (DIH) interdit la violence sur les civils et le vandalisme sur leurs biens ? Dans tous les cas, le Président du Faso, la hiérarchie militaire et le gouvernement ont joué leur partition jusqu’au bout.

C’est dire que si l’étau se resserre sur les mutins de Bobo c’est de bonne guerre,car ils l’ont cherché. Et ce n’est pas pour rien si l’opinion publique dans son ensemble a applaudi cette intervention militaire pour mettre fin à la mutinerie et sécuriser la ville. « Pour défendre l’existence de la nation, s’il avait fallu aller jusqu’à l’illégalité, je n’aurais pas hésité », disait Aristide BRIAND (1707-1788). Mais les autorités ont montré jusqu’à quel point elles étaient soucieuses du respect de la légalité dans cette situation à elles imposée par les soldats indélicats en rupture de ban avec la République.

Il est d’ailleurs dit que le Président du Faso n’aurait pas souhaité la manière forte pour en découdre avec les brebis galeuses de l’Armée, il aurait demandé à la hiérarchie militaire de tout faire pour éviter l’affrontement. D’où cette multiplication des négociations qui ont semblé pour les soldats frondeurs de la faiblesse. En tout cas pour emprunter au langage populaire, à Bobo le 3 juin dernier, on a vu qui est « garçon ».

Idriss BIRBA
L’Opinion

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