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Editorial de Sidwaya : Le nid, les œufs et le vent…

Publié le lundi 6 juin 2011 à 02h36min

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Restaurer absolument l’autorité de l’Etat, tel est, en ce moment, notre devoir de convergence. Un devoir de souveraine importance, un devoir pour tous, un devoir vital ! Seulement, comment se calmer après avoir éprouvé le plaisir fou de « tourner, tourner sans s’arrêter », le bonheur perfide de semer la terreur sans répondant, la tranquillité coupable de piller des magasins sans que personne, d’autorité, ne crie « gare !? » Et un soir, on se retrouve millionnaire, l’arme au poing ! C’est un raccourci saisissant et bouleversant, inédit. C’eût été bien si c’était pour notre bien !

Cette dernière semaine, paraît-il, quelque part dans le Burkina plus ou moins profond, même des écoliers de la classe du C.E.1, pas aussi « purs et innocents » que ce que leur âge leur impose, ont descendu, d’eux-mêmes, le drapeau du Pays, l’ont sagement rangé et ont sommé leur directeur de procéder au changement de leur maître, car, selon eux, celui-ci donnerait des chiquenaudes. A l’école de la belle liberté, n’est-ce pas beau ça ?

Pendant ce temps, sur l’échiquier international, notre pays dégringole dans les profondeurs de l’estime de ceux sans qui nos projets de développement se pousseraient d’eux-mêmes dans le shéol de l’insignifiance. Le Burkina, naguère reconnu comme le carrefour des nations, en est devenu la risée, est purement, simplement et malheureusement déclaré pays non grata par les touristes étrangers. Or, notre nation notre Burkina à tous vit aussi de tourisme et du soutien des hommes et organismes de bonne volonté. Dans des hôtels, en France et ailleurs, par tous les moyens, on fait circuler la nouvelle : « Burkina, destination pas recommandable. » Qui fait circuler de telles nouvelles avec tant de dévouement et de dextérité ? Et pour les beaux yeux de qui ? Si, à Bobo, il n’y avait finalement qu’environ une centaine de mutins, comment ne pas prendre au sérieux l’hypothèse de la manipulation, de l’infiltration de la mauvaise graine par la main de quelque malin génie ? « Mystère et boule de gomme », comme dirait l’autre. Mais, on y reviendra et on y reviendra sans cesse, car il faut bien comprendre en profondeur ce qui nous arrive. Nos Pères disaient : « Celui qui se fait touffe d’herbe, que les cabris s’en chargent. »

De l’intérieur, tous les jours, nos amis de toujours filent à l’anglaise en attendant « qu’ils sachent ce qu’ils veulent. » On ne peut envisager de les citer, tellement ils sont nombreux. Les « ouvriers » de l’international fuient en ce moment le Burkina la queue entre les jambes comme les criquets pèlerins déguerpissent des arbres n’ayant plus de feuilles. Comprenons les : après tout, qui accepterait de sonner le clairon dans son propre pays, de pouvoir ainsi rassembler quelques euros ou dollars, de se presser un matin pour les apporter à quelques hommes et femmes de bonne volonté au Burkina Faso, et voir le soir du même jour que certains Burkinabé brûlent joyeusement quantités de leurs biens ? Et qu’ils « s’en moquent » ? Comme quoi l’ignorance est audacieuse ! Qui, ou qu’est- ce qui, nous a ensorcelés ?

L’armée burkinabé elle-même, naguère classée 5ème de l’Afrique et dont le sérieux, l’expertise faisait l’unanimité dans le monde, devra maintenant courir des dizaines d’années pour rattraper sa crédibilité envolée. En même temps que la fumée dans laquelle ont péri tant de biens, en même temps, des projets d’importance pour le Burkina initiés par nos ONG, les coopérants des pays partenaires, les hommes d’affaires amis des nôtres, les chercheurs et formateurs de bonne volonté, les artistes désireux d’aider les nôtres, les religieux toujours au chevet du social, ... ont été supprimés ou détournés de la destination Burkina en faveur d’autres pays. Toutes ces personnes qui nous prenaient en considération ont reçu une gifle dans leur cœur et dans leur âme. Elles ont compris qu’elles s’étaient trompées en nous estimant et en nous accordant leur confiance. Elles sont parties, et n’allons pas croire qu’elles reviendront de sitôt vers nous. De par le monde entier, il y a des « pauvres » plus réfléchis, des « nécessiteux » plus responsables !

La conjonction de tous ces faits malheureux - et surtout la conscience que l’on peut en avoir - explique sans doute l’intervention de l’ensemble des Forces républicaines à Bobo-Dioulasso, depuis la nuit du 2 juin, pour restaurer l’ordre et la quiétude. Et, nous le savons, la population a vibré au même diapason que le gouvernement, l’armée et le Président du Faso. Les citoyens de Sya ont offert à boire, de l’eau et du jus de gingembre aux soldats de l’Armée républicaine venus les libérer. Petit cadeau, grande signification ! Tout en regrettant les pertes en vies humaines, la restauration de l´autorité de l´Etat réchauffe le cœur de toute la nation. La patience, la maîtrise de soi, le sens du bien commun du Chef de l’Etat ont fini par payer ; et payeront encore à l’avenir. Avec les politistes, on peut affirmer que le Burkina est en train de prendre un des plus grands virages de son histoire… L’avenir nous le montrera. Car, comme le disent les Romains, sublata causa, tollitur effectus ! ( : La cause supprimée, l’effet disparaît). Somme toute, de Bobo Dioulasso, nécessaire pitié et prières pour tous les morts de ces tristes événements, et compassions, condoléances pour toutes les familles endeuillés …, bonne guérison pour les blessés…

Si les chevauchées et joutes insensées de ces dernières semaines étaient seulement l’expression d’une exigence de justice sociale, nous verrions bien que tout cela se restreigne à une prise de position rigoureuse vis-à-vis du pouvoir politique. Après tout, pourquoi pas ? Personne n’a jamais été député, ministre ou président pour lui-même. Et l’heure vient, tôt ou tard, de rendre des comptes. Qui ignore une chose aussi simple et aussi juste, dans le sens de justice et de justesse ? Maintenant, pourquoi une exigence de justice sociale se transforme-t-elle en exactions contre ceux qui n’ont jamais été rien d’autre que le corps même de ce social, notamment les commerçants, les femmes, les filles, les garçons de bar ou les transporteurs ?

Nous avons tous touché le fond du gouffre, le gouffre de l’horreur et de la stupeur, quand des militaires sont allés piller le lait des nouveau-nés de Home Kizito. Les mots manquent pour en parler. Il faut ici, pour être sincère, ne pas retenir sa colère, l’exprimer haut et fort à l’encontre de l’Armée nationale, lui demander ceci : avec tant de précautions de routine, de sérieux ampoulé, avec tant d’argent et de personnes ressources au-dessus de tout soupçon dont vous disposez — soupçon d’ignorance et soupçon d’immoralité — n’avez-vous pas un autre type de militaire à nous offrir ? Quelle formation donnez-vous à ceux qui assurent nos insomnies, volent nos biens, violent nos femmes et nos filles tout en s’enorgueillissant de les avoir souillées, humiliées et meurtries ? C’est vrai que l’épicentre du problème de l’éducation nationale n’incombe pas seulement aux militaires ni à l’institution dont ils relèvent. « Eduquer, ou périr », disait Joseph Ki-Zerbo. Nous n’avons pas éduqué, préparons-nous à en périr. Car, ce qui se passe chez les militaires est aussi le symptôme de notre faillite nationale en matière d’éducation. Mais l’occasion est belle pour dire à l’institution « Armée » qu’elle nous surprend de façon désagréable. Nous ne manquerons pas de revenir sur ce thème à l’importance capitale.

Et maintenant que nous savons qu’en un seul soir, le vent de la délinquance peut renverser le nid dans lequel nous avons mis, au prix de tant d’années d’efforts, ce que nous avons de meilleur, il nous semble prioritaire et urgentissime de rétablir l’autorité de l’Etat pour le bien et le bon du pays, de la nation... Pour sauver les meubles, l’Etat agressé, éprouvé, a dû pactiser avec le silence et le compromis, dans la mesure seulement où pendant un temps qui fut trop long à supporter, des délinquants ont fait la loi et en ont donné la lecture.

L’opposition, à notre connaissance, ne nous a pas rassurés sur sa vision de ce qui est vraiment important, à un tournant aussi décisif de la vie nationale. Nous nous posons des questions : quel opposant politique de bon sens voudrait hériter d’un Etat orphelin d’une autorité structurée, fui par bon nombre de ses plus sérieux partenaires, qui pêche par le manque de discipline de certaines de ses institutions ? Peut-on nous enseigner le secret de gouverner un peuple sans ressources et apeuré ? Ou bien la prochaine destination obligatoire du Burkina, selon quelque obscure décision, est-elle le gouffre ? Au-delà et avec la divergence de projets de société, il y a une valeur cardinale à sauver, pour que nous puissions toujours nous accorder sur nos désaccords, c’est l’autorité de l’Etat Nation...

Ecrivain et homme de loi versé dans la connaissance des traditions, Maître Frédéric Pacéré Titinga a, fort à propos, écrit ceci : « La vraie grandeur est celle qui est gouvernée. » Pensons-y …

Par Ibrahiman SAKANDE ( sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

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