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Pasteur Mamadou Philippe Karambiri : « Aucun des événements passés au Burkina ne m’a surpris »

Publié le jeudi 30 septembre 2004 à 06h50min

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Pasteur Karambiri

Après monseigneur Jean-Marie Untaani Compaoré, archevêque de Ouagadougou, Sidwaya a eu l’honneur de recevoir le mercredi 22 septembre comme invité, un autre homme de Dieu, mais cette fois, un responsable d’Eglise protestante, le pasteur Mamadou Philippe Karambiri.

Président de l’église des Nations implantée dans 25 pays à travers le monde, le pasteur Karambiri est le patron du Centre international d’évangélisation de Dassasgho.

Musulman de naissance, il a reçu l’appel du Christ à Toulouse en France le 15 février 1975 à 6h45 mn lorsqu’il préparait son doctorat d’Etat d’économie financière. Depuis lors, il ne s’est plus séparé de la Bible devenue son principal compagnon. Homme plein d’expériences, le pasteur Karambiri est beaucoup sollicité tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays pour des prêches.

Outre les questions touchant à la religion, le pasteur Karambiri ne s’est pas gêné à aborder avec les journalistes, les sujets brûlants sur la vie de la Nation tels que le problème du chômage, la gestion des entreprises, les prochaines élections, l’attitude du pasteur Israël Paré et bien d’autres que vous lirez dans cet entretien.

Sidwaya (S). : Le Burkina vient d’abriter un Sommet sur l’emploi et la lutte contre la pauvreté. Comment appréhendez-vous le problème de l’emploi au Burkina Faso en tant qu’économiste ?

Mamadou Karambiri (M.K.) : Le problème de l’emploi est le problème numéro 1 qui permet à une économie de prendre de l’envol. Le plein emploi restant avant tout un idéal, on ne peut donc l’atteindre. Au Burkina Faso, pour appréhender le problème de l’emploi, il y a deux volets principaux sur lesquels je voudrais m’appuyer. Premièrement, c’est la sélection des secteurs qui se caractérisent par une grande absorption de main-d’œuvre. La raison est toute simple. Si nous ne savons pas cerner les grands secteurs d’absorption de la capacité de la main-d’œuvre, il sera difficile de pouvoir mettre sur le marché, des emplois qui sont productifs.

Deuxièmement, c’est d’aider le secteur informel à être plus productif. Il faut gagner le pari des secteurs qui absorbent beaucoup de main-d’œuvre : le tourisme, l’infrastructure, le bâtiment, le transport... Mais aussi, nous devons aider le secteur informel, avec l’appui de l’Etat et de la Chambre de commerce, qui par ses énormes potentialités, peut être un grand consommateur de main-d’œuvre. L’Etat doit mettre en place des interventions stratégiques. Par exemple, l’organisation du commerce de détail permettra d’une part, d’avoir plus de recettes par une fiscalité adaptée, d’autre part, à ce commerce de pouvoir s’épanouir. A ce niveau toujours, il y a les différents réparateurs...

Quand vous regardez, en Europe, pour être réparateur, il faut d’abord être qualifié. Or, ici, nous avons sans aucune connaissance mécanique approfondie, toute sorte de réparateurs : réparateurs de frigidaires, de mobylettes et de vélos. Cela veut dire que l’Africain est très intelligent parce que sans faire une école supérieure de mécanique-auto, il sait démonter le moteur et le réparer. Le quotient intellectuel du Noir est donc aussi élevé que celui d’un Européen qui a fait des mathématiques supérieures ou autre chose.

L’organisation de tous ces hommes devra leur permettre d’avoir une spécialisation, une chaîne, une valeur ajoutée. Cela permettra sans conteste à l’Etat d’avoir plus de ressources intérieures, à tous ces jeunes gens qui souvent sont désœuvrés d’avoir des emplois qui peuvent être prospectifs. Il y a en outre, la restauration. Quand j’enseignais à l’IUT, j’ai suggéré à des étudiantes qui étaient sorties de formation d’organiser le monde de la restauration en poulets et pintades.

Le constat que j’ai personnellement fait, c’est que les vendeurs de poulets et de pintades sortaient vers 16 heures. Cela se passerait dans une plus grande hygiène. Les clients ne seraient plus dérangés par les eaux sales et autres et pourraient tout, aux alentours, discuter en attendant leurs poulets ou leurs pintades. Il y a donc beaucoup de potentialités, il reste seulement à les développer comme dans les pays anglophones. Dans ceux-ci, les gens allient la plume à l’outil. Le problème des pays francophones, c’est que la bureaucratie a été développée à l’extérieur. Nous avons été éduqués avec l’idée du bureau climatisé et du stylo à la poche. Si nous développons beaucoup d’initiatives à l’instar des pays anglophones, il est certain que nous ferons plusieurs pas en avant en matière d’économie.

Si nous prenons la manufacture artisanale, c’est la première étape de l’industrie moderne. Il y a beaucoup de choses qui sont faites à la main actuellement. Il y a des chaussures assez pratiques qui ont été faites artisanalement. Nous avons au Burkina des spécialistes du cuir, à Kaya par exemple. Si ces gens étaient organisés, le secteur du cuir serait plus promoteur. Quand j’étais à l’ONAC, j’avais essayé de promouvoir ce secteur, la manufacture artisanale. Nous envoyions des produits burkinabè aux foires de Milan, de Berlin... Mais à un moment donné, les femmes ont dit qu’elles n’avaient pas assez de crédits, de soutien... Nous ne savions pas si c’était la poule qui avait pondu l’œuf ou c’était l’œuf qui avait donné naissance à la poule (rires).

Cela crée des problèmes. Si l’Etat pouvait s’occuper de tout cela, je pense qu’on aura un bond qualitatif au niveau de l’emploi et à celui de la lutte contre la pauvreté.

S. : Et l’agriculture et l’élevage ?

M.K. : Actuellement, il faut reconnaître que c’est un secteur bien porteur et de bonne intensité de main-d’œuvre. Si le ministère de l’Agriculture qui est déjà dans une grande lancée, continue dans cette perspective, dans 3 ou 4 ans (en construisant tous ces barrages), une bonne partie de la population rurale pourra être occupée pendant les 6 mois de saison sèche et la jeunesse au lieu d’émigrer, pourrait rester sur place et s’adonner à des activités productrices comme le maraîchage ... etc.

S. : Avec le problème des mentalités, pensez-vous que les jeunes sont prêts à aller dans le secteur de l’agriculture ?

M.K. : Je suis de votre avis parce que la jeunesse de nos jours pense que le travail manuel est humiliant. Or si nous regardons, c’est dans le secteur agricole que notre pays tire le maximum de revenus. Le paysan s’il est bien organisé, arrive à subvenir à ses besoins. Au niveau de l’ONAC quand nous promouvions le haricot vert sur le marché international qui était le premier avant même celui du Kenya, nous avions remarqué que les paysans avaient un budget qui leur permettait de prendre en charge les frais scolaires de leurs enfants, les frais de santé...

Mais au fur et à mesure, les gens ont abandonné le travail dans les champs et ont voulu venir en ville pour travailler à l’UCOBAM. Ce qui a fait que le circuit a été délaissé par les jeunes parce qu’ils se voyaient transporter des cartons sur leur tête. A mon avis, tant que l’argent n’est pas sale, le travail qui nous l’a donné n’a rien de souillant. A l’université, nous avions transporté des sacs jusqu’au troisième étage. Ce qu’il faut surtout éviter c’est d’avoir de l’argent gratuitement et qui peut vous conduire à la MACO. (Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou).

S. : En parlant de la sélection des secteurs, est-ce que l’adéquation formation-emploi n’est pas une des mesures de lutte contre le chômage ?

M.K. : « Formation-emploi » implique que la personne a déjà un minimum de bagages. C’est pourquoi je dis que le secteur informel est formé sur le tas, de par le regard, la compréhension et l’expérience quotidiens. La formation des acteurs du secteur informel à un niveau supérieur sera un peu difficile parce qu’ils ne sont pas allés à l’école. Maintenant, pour ceux qui font l’école primaire et qui possèdent des rudiments, il faut effectivement multiplier les actions dans le sens de la formation. Tous ces jeunes désœuvrés peuvent recevoir une petite formation même sans perspective de travail. Ceux qui travaillent déjà peuvent à leur niveau bénéficier de cours de recyclage dans des centres techniques.

Aujourd’hui, c’est qu’il faut éviter de créer des centres techniques supérieurs qui mettent sur le marché de l’emploi, beaucoup de cadres qui sont au chômage. Or, un cadre au chômage est un danger public parce qu’au lieu qu’il ait des pensées positives, il rumine beaucoup et cherche à faire plus de mal que de bien. Par contre, si on travaillait beaucoup, les jeunes gens qui ont un niveau médium, ils seront assez humbles pour occuper des postes que des cadres aujourd’hui n’aimeraient pas occuper.

S. : Peut-on conclure que nos Etats sont des poudrières ?

M.K. : C’est sûr et certain. Je pense qu’on va dégoupiller cela rapidement. Avec le Sommet sur l’emploi, comme les chefs d’Etat ont élaboré des documents qui comportent les plans d’action, ils devraient pouvoir, si cela est mis en pratique avec la volonté politique, résoudre un tant soit peu le problème de l’emploi. Si nous respectons les plans d’action et si nous prenons toutes les mesures adéquates pour les accomplir, le problème de l’emploi sera relégué au 2e degré.

S. : Concernant ces questions de lutte contre la pauvreté. Est-ce que ce n’est pas la nature de nos Etats même qui est en cause ?

M.K. : Les institutions de Bretton Woods font aujourd’hui leur autocritique, pour avoir mis trop l’accent sur le libéralisme économique. Pour nos nations, industriellement structurées. Si nous regardons aujourd’hui les Etats-Unis ou les pays asiatiques qui, avec leur main-d’œuvre, produisent énormément et qui gagnent une plus-value, déjà la concurrence est impossible. De nos jours, il n’y a pas de sécurité pour nos économies qui se cantonnent à l’import-export. L’agro-alimentaire a cet avantage de mettre en branle, tout un monde depuis la base jusqu’au sommet, les agriculteurs, les industriels et les commerçants seront tous impliqués. Il faudrait trouver une synthèse du socialisme pur et dur et du libéralisme sauvage.

S. : Quelle est la politique de votre Eglise en matière de lutte contre la pauvreté ?

M.K. : La politique de notre Eglise en faveur des pauvres est à deux niveaux. D’abord, nous essayons d’aider les démunis. Nous prenons en charge depuis une dizaine d’années, des familles qui n’arrivent pas à subvenir à leurs besoins vitaux. Je suppose qu’avant toute action, il faudrait donner de quoi manger à ceux qui n’en ont pas. C’est ainsi que nous avons sélectionné des grandes familles qui ont de cruciaux problèmes d’alimentation. Deuxièmement, nous avons ouvert un centre avec l’appui de l’UNICEF et de l’Ambassade royale des Pays-Bas, qui s’attelle à la réinsertion dans la société des « enfants de la rue » et des anciens prisonniers. Ceux-ci reçoivent une formation en mécanique, en menuiserie, en soudure.

Pour l’heure, ils travaillent tous et certains sont même mariés. Quelques-uns font de l’informatique et manipulent aisément les ordinateurs et autres machines électroniques. Nous essayons dans la mesure du possible d’aider nos membres à mettre en place des associations qui pourraient ouvrir des coopératives, des ateliers et planifier des projets de développement dans l’objectif de créer de petits emplois à même de garantir la vie de certains.

Car la Bible dit que celui qui ne travaille pas, qu’il ne mange pas non plus : le paresseux ne doit pas manger. Mais le chômeur qui n’a pas choisi sa situation de chômeur n’est pas répréhensible. C’est pourquoi, nous essayons autant que possible de promouvoir ces petits emplois qui, à n’en point douter, représentent beaucoup pour une population en proie à une grande pauvreté. Nous faisons appel aux opérateurs économiques de notre Eglise.
C’est cela aussi la communion entre frères en Christ.

Au lieu de chercher ailleurs des employés pour les chantiers, il est préférable d’embaucher tous ces jeunes désœuvrés qui prient avec eux. Cela les épargnerait des tourments de la faim et par conséquent, de certains vices comme le vol et le banditisme. Notre apport est certes modeste, mais il contribue à sauver des vies. Et c’est petit à petit que l’on pourra construire un monde de bonheur. A mon avis, quand l’eau entre dans une maison, elle commence par les petits trous. Si le propriétaire de la maison néglige ces petits trous, ceux-ci deviendront grands. Notre action s’attaque donc aux petites couches vulnérables.

S. : Votre aide à l’endroit de certaines personnes ne les plonge-t-il pas dans une certaine passivité ?

M.K. : Il y a toujours les deux faces. Le couteau, quand vous l’utilisez pour couper de la viande, cela est positif. Mais le même couteau peut vous poignarder. Effectivement, aider les personnes démunies peut les confiner dans l’expectative. C’est pourquoi, nous les exhortons à chercher du travail.

Mais s’il arrive que nous prenons en charge des personnes âgées, il est évident que celles-ci trouveront difficilement du travail. A notre niveau, des fois, le côté humanitaire intervient beaucoup plus que le côté du développement. Nous essayons d’allier humanitaire et développement parce que les cas ne sont pas toujours similaires.

S. : Faut-il être de votre Eglise pour accéder à vos dons et aides ?

M.K. : Nous aidons quiconque vient au centre pour solliciter notre appui. C’est ainsi qu’avec la rentrée scolaire, nous apporterons un soutien à tous ceux qui exposeront de façon claire, leurs problèmes. Dans cette optique, nous parrainons des élèves avec la complicité et l’aide de certaines ONG. Quand nous n’étions pas nombreux, nous organisions des parties de repas avec toutes les communautés religieuses. Nous supposons qu’avant de parler de religion, il faudrait d’abord parler d’hommes. Et nous n’avons pas l’intention de faire du prosélytisme.

S. : Vous avez tenu récemment à la Maison du peuple, le jeûne d’Esther. Que revêt ce genre de recueillement ?

M.K. : Le jeûne est un temps d’arrêt et d’humiliation des pratiquants d’une religion pour demander à Dieu pardon pour toutes les fautes commises durant toute une année. Il est un acte de supplication pour les péchés d’une nation. Le jeûne a pour grâce, la sagesse. C’est pourquoi il est d’une grande nécessité pour la stabilité sociale d’un pays. Dans la Bible, tous les temps qui ont été marqués par le jeûne, avaient des effets positifs. A titre d’exemple, pendant la seconde guerre mondiale, le Premier ministre britannique a demandé à tout le Royaume Uni de jeûner. Cette privation généralisée a provoqué une nuée qui empêcha l’aviation allemande d’entrer en action de façon efficace. Tous ces signes se voient un peu partout dans le monde. C’est pourquoi chaque année, les ouvriers de Dieu choisissent de jeûner à un temps donné.

S. : Est-ce à dire que les chrétiens de la Côte d’Ivoire ne savent pas jeûner, eux qui vivent depuis deux ans, les affres de la crise ?

M.K. : Il appartient à chacun de croire d’abord à l’efficacité du jeûne. Il y a des choses que les pasteurs ne peuvent pas dévoiler. Néanmoins, je vais dire une chose. Je suis allé au Congo Brazzaville et j’ai rencontré les plus hautes autorités de ce pays. Je leur ai dit que la nation congolaise était en danger. Mais ils ont été incrédules. Et ce fut juste après cet entretien que la crise congolaise avait éclaté.

Les autorités spirituelles connaissent bien des choses que les autorités politiques ignorent. Et quand nous sommes face à ces personnalités, il est de notre devoir de leur dire toute la vérité, de les prévenir de certains problèmes qu’ils auront à gérer. Quand nous voyageons, nous rencontrons les premiers responsables des pays pour leur prodiguer quelques messages divins. Lorsqu’il y a des dangers aussi, nous réunissons la population pour prier. Dans plusieurs cas, la situation était très dangereuse, mais grâce à l’action forte de la prière et du jeûne, un retour du climat de paix était constaté. Ceux qui ne croient pas diront peut-être que c’est le hasard. Mais peut-on me définir le hasard et comment celui-ci se manifeste ? Peut-être que ce hasard est simplement un autre nom de Dieu.

Pour revenir à votre question, je dirai que les chrétiens ivoiriens savent prier. Je visite la Côte d’Ivoire depuis 20 ans. Je ne me suis jamais fatigué de leur enseigner la même chose : « l’humilité précède la gloire, l’orgueil précède la chute ». Ce verset tiré des proverbes a toujours été mon message en Côte d’Ivoire. Une année avant le début de la crise ivoirienne, j’ai prévenu tout le monde qu’un danger planait sur la Côte d’Ivoire. Que ce soit à la radio ou à la télévision, j’ai parlé ouvertement d’une situation assez délicate. Mais l’homme comme l’a dit Jésus, ne croît pas tant qu’il n’a pas vu. Le véritable problème, c’est que les gens ne comprennent pas le sens du jeûne. Le jeûne, c’est avant tout s’humilier. Quand vous recherchez à faire le mal par le jeûne, il est évident que Dieu ne l’exaucera pas. Des fois, il manque un peu de maturité chez les chrétiens. Dieu ne peut pas répondre aux commandes de tout le monde.

S. : Etes-vous voyant, Pasteur Karambiri ?

M.K. : Je ne suis pas voyant. J’ai reçu seulement des grâces spirituelles de Dieu. Et cela vous pouvez le vérifier dans 1 Cor 12. Dans ce passage biblique, il est question de dons spirituels, de paroles de connaissance. La parole de connaissance est une capacité surnaturelle donnée à un pasteur de voir des événements par anticipation. La parole de connaissance n’est pas de la folie car elle ne veut pas dire entrer en transe. Si spontanément, j’ai une parole de connaissance, je la partagerai avec vous. Aucun des événements passés au Burkina Faso ne m’a surpris. J’ai annoncé aux uns et aux autres l’avènement de certains faits. Les gens sont restés perplexes alors que la plupart de ces faits se sont réalisés.

S. : Pourquoi faut-il payer pour participer au jeûne ?

M.K. : En réalité, le jeûne n’est pas payant. Il a été demandé à tous les participants une contribution pour couvrir les frais de location de la Maison du peuple dans laquelle se sont tenus les enseignements. L’Eglise a apporté sa contribution au bon déroulement du jeûne. C’est aussi parce que ce n’était pas une Eglise qui l’avait organisé. C’était un groupe de gens, « Les ouvriers de la dernière heure » qui avaient tout mis en place.

S. : L’Assemblée nationale vient d’adopter un nouveau code du travail avec de nouvelles dispositions sur les grèves politiques et de solidarité. Quelle appréciation en faites-vous ?

M.K. : Le nouveau code du travail à mon avis, a été travaillé sinon peaufiné. Naturellement, il y a quelques points sur lesquels les syndicats et le gouvernement ne se sont pas mis d’accord. Mais il appartient à ceux-ci de voir entre eux. Qu’est-ce qu’une grève politique d’abord ? Ou de solidarité ensuite ? L’essentiel pour moi c’est qu’ils maintiennent le dialogue social, parce que ce ne sont pas les écrits qui donnent la solution.

Le nouveau code du travail a incontestablement fait des progrès. Il y a par exemple, la mention exceptionnelle faite sur le harcèlement sexuel en milieu professionnel et sur les personnes vivant avec le VIH/Sida.

S. : L’Afrique est de plus en plus secouée par des crises identitaires dans certains pays tels la Côte d’Ivoire, la RDC, le Soudan avec le Darfour. Comment devrait-on éviter de telles crises qui compromettent le développement du continent ?

M.K. : Les crises identitaires sont basées sur des postulats ethniques. Si nous prenions en compte l’identité nationale, nous serions à même de comprendre que tout le monde est le même, a du moins une identité commune. C’est pour éviter les différents problèmes liés à l’attachement de certaines valeurs que les mentions « ethnies et religions » ont été supprimées des cartes d’identité. La colonisation avait inséré ces éléments pour nous faire croire que nous sommes différents de par notre tribu ou de par notre religion. De nos jours, c’est la volonté politique des chefs d’Etat qui a révolutionné cette pratique combien suicidaire.

Tout ce qu’il faut tenir pour vrai, c’est que nous avons une identité nationale, d’Ivoiriens, de Congolais, de Rwandais ou de Burundais. Malheureusement, le cœur de l’homme est dur. Même si vous lui donnez les documents les plus perfectionnés au monde, il trouvera toujours quelque chose à critiquer. C’est le cœur de l’homme qui l’expose à tout cela. La tolérance religieuse, politique pourrait être la solution aux problèmes actuels que des pays vivent. Tout le monde devrait accepter que les hommes sont égaux. Après 40 ans d’indépendance, les Africains devraient comprendre que les guerres civiles sont nuisibles à la santé économique et sociale. Le démon de la haine et du tribalisme a envahi le cœur de l’homme.

S. : Des autorités politiques ont, paraîtrait-il, soudoyé des pasteurs en Côte d’Ivoire ?

M.K. : Le rôle d’un pasteur, c’est d’être sel et lumière. Le sel est ce qui donne goût à une sauce, que celle-ci soit du gombo ou autre chose. La lumière, tout naturellement, éclaire. Un pasteur devrait pouvoir s’asseoir devant n’importe quelle autorité et lui dire toutes les vérités. Malheureusement quand l’amour de l’argent gagne les ouvriers de Dieu, il est certain, en ce moment-là que la religion devient insupportable. Et c’est dans ces cas que Karl Marx a raison quand il dit que la religion est l’opium du peuple. Si le pasteur est envahi par des considérations purement subjectives, cet homme de Dieu est disqualifié, parce qu’il devrait être une référence. Celui-là ne doit pas avoir de parti pris et il doit plus rassembler que disperser et conseiller. Si de nos jours, des pasteurs oublient des valeurs cardinales, il est normal que le peuple de Dieu ne leur doive plus de crédit. Bon nombre de gens se sont rendus compte que certaines prophéties étaient de simples enfantillages. C’est la raison pour laquelle les pasteurs sont rejetés actuellement en Côte d’Ivoire.

S. : Le Pasteur Paré a été impliqué dans la récente tentative de coup d’Etat. En tant que Pasteur, comment aviez-vous vécu cette affaire ?

M.K. : Je ne parlerai pas de Pasteur Paré ; c’est un homme de Dieu et un petit frère par rapport à mon âge. Dans la vie, il y a des faux pas que nous faisons. Un homme de Dieu doit être à l’écoute des gens et doit avoir du discernement en tout temps quand il est en contact avec le monde extérieur. Cela veut dire que l’homme de Dieu ne doit être d’aucun bord politique. Moi par exemple, je reçois des personnes de toutes tendances confondues.

Mais en tant qu’homme de Dieu, je refuse de mener le combat politique, parce que mon rôle est d’amener la paix. La Bible nous enseigne d’ailleurs que nous sommes des hommes de paix et de réconciliation. Il ne doit pas en principe effleurer dans l’esprit d’un pasteur l’idée de putsch ou de tentative de coup d’Etat. Cela est contraire à nos principes fondamentaux. Le Pasteur Paré a été crédule et n’a pas pris beaucoup de précaution vis- à-vis de tous ceux qui l’ont approché dans cette situation. C’est une leçon qui donne à refléchir à tous.

S. : En engageant la guerre contre l’Irak, un pays musulman, le président américain avait déclaré en son temps, qu’il le faisait au nom de la religion. Que pensez-vous d’une telle déclaration ?
M.K. : George Bush ne fait pas la guerre à l’Irak au nom de la religion. George Bush ne le peut pas. Le temps des croisades est terminé. Je pense que c’est pour des intérêts politico-socio-économiques et de sécurité. Toute guerre pourrait être religieuse, mais en réalité, elle ne l’est pas. Il est d’ailleurs difficile de prouver que Bush a fait la guerre pour des raisons religieuses. Il est plus facile d’imaginer les raisons de sécurité et d’économie.

S. : Il y a des vocations spontanées qui naissent, est-ce que ce n’est pas le temps des faux prophètes qui préfigurent l’Apocalypse ?

M.K. : L’Apocalypse n’est pas forcément synonyme de choses négatives ; il vient du mot grec qui veut dire « révélation ». De nos jours, la religion est utilisée à mauvais escient. Dieu veut que les gens le prient ; alors qu’aujourd’hui la réligion est utilisée pour assujeter l’homme. Elle est devenue l’institution de l’homme pour dominer l’homme. C’est par la mauvaise pratique de la religion que sont nées les injustices sociales et autres.

Karl Marx a été sidéré par l’attitude irresponsable de son père qui a changé de religion à cause de l’argent. C’est pour cette raison que le philosophe socialiste s’est farouchement opposé à la religion en disant que celle-ci est l’opium du peuple. Celui qui essaie de démanteler la religion aura devant lui l’ennemi le plus terrible du monde. Il y a eu tellement de mélange, de confusion que la religion est devenue l’ennemi n°1 du développement. Si les intérêts d’un groupe religieux sont menacés, il est capable de tromper la vigilance des fidèles pour arriver au bout de ces désirs.

La religion n’est pas en réalité faite pour le mal, mais pour transmettre des messages d’amour, de tolérance, de pardon aux hommes. La religion a un langage pieux, mais des actes qui sont contraires.

S. : Pensez-vous à une influence de cette guerre en Irak sur la prochaine élection américaine ?

M.K. : Oui et non ! Si le président américain arrive à stabiliser la situation en Irak, il passera aux élections. L’opinion publique américaine est très sensible aux citoyens américains qui sont en dehors de l’Amérique. La guerre du Vietnam par exemple, a créé des problèmes à Nixon. Pour cela, le président Bush doit tout faire pour que la paix revienne en Irak.

S. : Vous avez dirigé Faso Fani et Faso Yaar, deux sociétés aujourd’hui en faillite. Que retenez-vous de votre passage à la direction de ces sociétés ?

M.K. : Nous avons eu beaucoup de difficultés à Faso Fani à cause de la concurrence déloyale des tissus qui venaient de l’Asie et qui envahissaient le marché national. L’équipement de Faso Fani avait aussi vieilli. La plupart des usines dans la sous-région qui avaient été fermées pendant que Faso Fani fonctionnait, ont été rénovées. C’est ainsi quand ces usines se sont mises en branle, les marchés étaient inondés de produits ivoiriens et ghanéens. Faso Fani n’a pas été protégé par ceux qui devaient le protéger. Quant aux travailleurs, ils étaient d’une performance exceptionnelle. Quand nous quittions l’usine, elle fonctionnait bien. C’est 10 ans après notre départ qu’elle est tombée en faillite. L’usine aurait pu fonctionner si on avait pu rénover surtout l’impression. C’est la partie « impression » qui dégageait 60% du chiffre d’affaires et de bénéfices.

Faso Yaar était une unité commerciale. Mais en matière de commerce, il faut nécessairement dégager des bénéfices. Quand il vous est imposé du « commerce social « , il est évident que rien ne peut tenir. Peut-on vendre au même prix la boule de savon à Ouagadougou et à Dori ? Avec la libéralisation du marché et le flux des produits qui rentraient au Burkina Faso, Faso Yaar ne pouvait que tomber en faillite. Faso Yaar a eu du mal à résister à la concurrence déloyale venant de certains pays développés. De plus, les institutions de Bretton Woods souhaitaient l’ouverture, la libéralisation du marché. Les travailleurs étaient bien consacrés au travail.

J’ai quitté Faso Yaar en 1990, et avec le désengagement de l’Etat et la libéralisation du marché, la maison a fermé ses portes en 1995.

S. : Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à quitter la fonction publique pour servir l’Eglise ?

M. K. : Je n’ai pas quitté la fonction publique. J’ai rendu à César ce qui est à César et quand le moment est venu, il fallait rendre à Dieu ce qui est à Dieu. L’Etat burkinabè m’avait accordé une bourse pour aller étudier en France. Il était de mon devoir de revenir à la fin des études travailler pour le compte de l’Etat pendant 14 ans, jusqu’en 1989. Puis vint le moment de servir Dieu. Car depuis mon enfance j’étais animé par une volonté ferme de servir les autres. De Tougan à Paris en passant par Abidjan l’esprit de Dieu me suivait et m’amenait à vivre dans la justice. J’avais l’amour d’aider les autres, de me mettre en communauté avec eux.

L’appel de Dieu s’est révélé en moi à Toulouse. C’était le 15 février 1975 à 6 h 45 mns dans la maison où j’habitais. (15, Place Arnaud Bernard). Très tôt le matin de bonne heure la maison s’est remplie de la présence de Dieu. Le Christ était là, devant moi. Ce n’est pas une vision, ni un rêve, ni une illusion. Là ont commencé mes prédications et j’étais inscrit au doctorat d’Etat d’économie financière. J’ai lu la Bible en entier en 3 mois pour mesurer son contenu. J’ai trouvé que ce qui y est écrit, est en adéquation avec l’Evangile de Dieu et ce n’est pas des manipulations. C’est depuis 1973, j’ai été touché par les paroles d’un prêcheur à Toulouse et subitement ma vie avait commencé à changer. Les valeurs n’étaient plus les mêmes. Pendant mes 14 années de vie professionnelle(ONAC, Faso Fani, Faso-Yaar) j’avais commencé à prêcher, même n’étant pas encore Pasteur.

S. : Vos rapports avec l’Eglise catholique ?

M. K. : Dans mon enfance je fréquentais l’Eglise catholique. J’y ai appris « Les anges dans nos campagnes ». Je venais lire les martyrs de l’Ouganda. En sortant un jour de l’église, le prêtre m’a demandé mon nom et je me suis donné le nom Philippe pour lâcher le nom Mamadou. J’ai pris ce nom pour pouvoir toujours avoir accès aux journaux. J’ai gardé ce nom jusqu’aujourd’hui. C’est ma participation aux messes de minuit (Noël et Pâques) qui m’a ouvert aux Christianisme. J’ai beaucoup d’amis catholiques au Burkina, en Europe .... etc.

S. : Que dire des gens qui pensent que la religion protestante est source d’enrichissement financier et matériel ?

M. K. : La religion protestante était appelée au départ en Afrique « religion des fous et des pauvres ». En devenant pasteur, on croit que vous avez un intérêt particulier ou bien que vous êtes fou. Après avoir occupé de grands postes qui peuvent être source d’enrichissement, j’ai démissionné pour me consacrer exclusivement à Dieu. Mes proches ont critiqué ce choix taxant les pasteurs de personnes ayant des moyens très limités. La fonction pastorale doit être une vocation sans recherche d’un quelconque intérêt. L’intérêt qu’il y a à chercher, c’est d’atteindre Dieu.

Mais ces dernières années, l’on constate qu’un certain nombre de personnes se sont engouffrées dans le ministère pastoral par désir de gain facile. En portant le bâton du pèlerin, ils cherchent non pas à servir Dieu mais à se servir eux-mêmes aux dépens de leurs frères et sœurs. Ils entachent de facto la renommée du ministère qui est celui de la compassion, de l’aide et de l’humilité. Les mauvais utilisateurs de la Bible s’en servent pour récupérer des fonds.

En transformant la prédication de la parole de Dieu en entreprise commerciale, ces personnes portent atteinte à la crédibilité de l’Eglise protestante qui dans les principes, n’a pas cette vision. Il y a la dîme et la grâce divine pour faire fonctionner l’Eglise et il n’y a pas de raison de récupérer des fonds en dehors de cela car la Bible l’interdit. C’est devenu une filière et l’on dénonce ces genres de pratique et prochainement, on va y mettre de l’ordre.

S. : N’êtes-vous pas plus aisé aujourd’hui que lorsque vous étiez à Faso Fani ?

M. K. : Non. Ce que j’ai aujourd’hui, ne vaut pas ce que j’avais à Faso Fani. D’aucuns disent qu’il faut payer pour avoir accès à certaines prières. C’est le plus gros mensonge. La prière est ouverte à tout le monde et elle est gratuite. Quiconque se livre à un quelconque enrichissement et par le biais de la prière, est automatiquement licenciée.

S. : Comment se porte aujourd’hui votre Eglise ?

M.K. : Elle se porte bien par la grâce de Dieu. Construite avec les offrandes des gens qui ont réussi grâce à la bénédiction de Dieu. On l’appelle église Karambiri parce que les gens ont tendance à faire référence aux leaders. Nous veillons à ce qu’il y ait une harmonie. La discipline et la transparence sont des valeurs véhiculées pour maintenir l’équilibre et la promotion de l’Eglise. Il y a des documents dans lesquels sont enregistrés tout ce qui est entrepris au sein de l’Eglise et qui sont accessibles à tous, sans quoi l’on vous traitera d’escroc.

Avec nos efforts, nous avons plus d’une centaine de représentations à travers le Burkina dont 15 à Ouaga. Celle de Dassasgho où je suis, compte plus de 3 000 membres. Il en existe, également en Côte d’Ivoire, 4 églises en Guinée-Conakry, une au Niger, une à Atlanta aux Etats-Unis et une à Paris. L’Eglise se répand et nous essayons d’atteindre le public à travers les médias, notamment les radios.

S. : A l’instar des catholiques, est-ce que les protestants ont un corps fédéral au Burkina ?

M.K. : Il existe la Fédération des Eglises et Missions évangéliques. Constituées d’un certain nombre de dénominations chrétiennes. Toutes les Eglises Evangéliques ne font pas partie de la F.E.M.E. La difficulté parmi les Evangéliques c’’est que parfois les gens s’autoproclament Pasteur sans un appel réel.

S. : Est-ce que protestants et catholiques pourront s’entendre un jour ?

M. K. : Il va de la nécessité d’abord des hommes de s’entendre. En France par exemple, ce sont des églises catholiques qui organisent souvent mes prêches. Il n’y a pas de limite entre catholicisme et protestantisme car ils ont un dénominateur commun qui est la recherche de Dieu. Il ne faut pas avoir un esprit sectaire. N’ayant pas été trop affecté par la religion, j’arrive grâce à l’expérience acquise dans le monde des affaires, à faire un jugement équilibré des deux mondes. il y a des échanges entre catholiques et protestants.

S. : « Celui qui n’est pas avec moi est contre moi », dit Jésus. Quelle lecture en faites-vous ?

M.K. : Il s’est adressé ainsi aux Pharisiens. C’est une dénonciation de la religiosité des pharisiens qui mettaient sur le dos des peuples, des jougs insupportables. La religion est terrible. Elle met sur les hommes des fardeaux qu’elle ne peut pas soulever. L’esprit religieux est dangereux car il soumet le peuple à des choses qu’il ne fait pas lui-même. L’esprit religieux interdit de boire l’alcool, pourtant les gens se cachent pour en consommer.

S. : Votre vision de la Bible ?

M.K. : La Bible est un livre codé. Il faut la révélation de l’Esprit Saint pour l’utiliser. Beaucoup de gens utilisent les psaumes de David pour essayer de faire de la magie. Il y a des gens qui dorment avec la Bible au chevet en disant « Sainte Bible, protège-moi ». L’homme est mystique. Chacun peut utiliser la Bible et si vous êtes de mauvaise foi, vous pouvez l’utiliser pour faire du mal. En Afrique du Sud, un passage a été utilisé pour confectionner le virus de l’apartheid. La Bible est un livre complexe et complet.

S. : Que pensez-vous de l’animisme ?

M.K. : La Bible comporte deux parties. Le sacrifice des animaux a pris fin avec l’Ancien Testament. Les hommes pour demander la faveur de Dieu, égorgeaient les animaux. Celui qui continue donc de pratiquer l’animisme est déconnecté. Jésus étant mort et ressuscité, la raison de continuer sur cette ancienne voie pour atteindre Dieu, est révolue.

S. : Votre opinion sur l’homosexualité, l’avortement, le port du préservatif ?

M.K. : L’homosexualité est abominable. C’est une pratique déshonorante qui ne permet pas à l’homo-sexuel d’assumer la fonction de procréation et d’épanouissement de son espèce que Dieu lui a assignée. L’homosexualité doit être condamnée car il vise à détruire l’espèce humaine partant même, le monde. Quant à l’avortement qui est devenu une pratique courante des temps contemporains, il a pour conséquence des remords psychologiques, entraîne la mort. Dieu ne nous permet pas de tuer nos alter ego. C’est dommage d’expulser volontairement un fœtus.

Le port du préservatif qui constitue un débat dans l’éducation sexuelle n’est pas une solution adéquate à certains problèmes. La protection n’est pas entièrement assurée et il y a bien des risques. Mais si l’un des conjoints est malade, il faudrait peut être en user pour ne pas infecter la santé de l’autre. L’usage du préservatif par les jeunes dans le but de se procurer du plaisir est déconseillé. D’énormes dégâts dans le monde sur le plan sanitaire sont dus au port des préservatifs. Le corps d’une femme est un corps assez particulier, fait pour un seul homme. La femme est patiente mais l’homme l’est difficilement.

S. : L’on constate un relâchement moral. Est-ce un échec de la religion ?

M.K. : Nous sommes dans une société complexe qui façonne les individus non plus suivant les valeurs véhiculées par la famille mais suivant l’apparence non réelle et l’image. Il y a des forces qui se posent et qui font des pressions sur la jeunesse. La télévision influence négativement la psychologie de l’enfant qui ne peut pas faire une distinction entre le vrai et le vraisemblable. L’information imagée est terrible. Les mœurs ne sont plus inculquées à l’individu dans son jeune âge si bien que devenu religieux, il ne peut pas respecter certaines valeurs morales. La religion n’est qu’un milieu qui consolide la bonne éducation déjà reçue. Les gens viennent à la religion quand ils ont des problèmes. Sinon beaucoup de gens n’ont plus pour repère Dieu et c’est lors des moments douloureux qu’ils en viennent à prendre conscience.

S. : Avec l’avancée de la science notamment le clonage et la découverte de l’ADN, des personnes remettent en cause l’existence de Dieu. Qu’en dites-vous ?

M.K. : L’ADN et le clonage sont des découvertes et non une invention de l’esprit humain. Les tenants du discours de l’inexistence divine finissent par reconnaître l’existence d’un au-delà et se confessent. Des intellectuels, des savants, des hommes politiques ou d’affaires reconnaissent intérieurement la manifestation d’un être suprême. Le satanisme a pris des proportions et autres dans le milieu intellectuel et celui des affaires.

Dans certaines grandes cités du monde dit civilisé, des sacrifices humains et d’animaux (chats, chiens) sont exécutés au nom de Satan. Ce sont des intellectuels, des hommes d’affaires, des savants qui se livrent à ces genres de pratiques. Les télévisions font l’apologie de Satan mais jamais de Dieu. Une nouvelle guerre spirituelle qui s’appelle mondialisation, nouvel ordre mondial marque le monde présent. Ce sont des termes pour masquer certains faits mais qui sont en réalité, religieux, spirituels, mafieux et ésotériques.

S. : Quelle est la place de l’Eglise dans la politique ?

M.K. : L’Eglise a démissionné. Elle est une force incontournable. Elle se doit de réhabiliter cette responsabilité en n’étant pas partisane. Elle doit être une régulatrice, un médium dans le champ politique fait de conflits. Dans certaines situations, l’Eglise a été partiale. De ce fait, les populations frustrées ne croient plus aux leaders religieux, à l’Eglise. L’Eglise aurait pu influencer positivement le concert des nations en prenant des positions équilibrées. L’Eglise est consultée lors de certaines crises. L’Eglise a sa position officielle mais le leader religieux a son opinion personnelle tout comme les autres membres de l’Eglise. L’opinion du leader religieux peut être dangereuse parce que les gens vous considèrent comme leur étalon de mesure.

Tout ce qu’il dit peut influencer négativement ou positivement. Le leader religieux doit être pétri de sagesse et de discernement pour ne pas faire des déclarations pouvant nuire à lui-même et à l’image de la religion.

S. : N’avez-vous pas d’ambitions politiques ?

M.K. : Non. (Rires). Absolument pas, car je suis un ambassadeur de Dieu.

S. : Comment voyez-vous la prochaine élection présidentielle et tous les débats qui se mènent autour de cette consultation ?

M.K. : Que chacun présente son programme et sur la base des projets présentés, le peuple pourra sanctionner. Etant homme public d’Eglise, il m’est interdit de trancher sur le débat qui se mène actuellement. L’opinion que j’ai, est ecclésiastique et non personnelle. On peut néanmoins prodiguer des conseils à quiconque pour que le combat soit bien mené. Il y a des membres de l’Eglise où je prêche qui sont de l’opposition ou du parti au pouvoir. Mais il est interdit de discuter de politique à l’Eglise. Il y a toutes les tendances.

S. : D’aucuns disent que pour être riche au Burkina, il faut être CDP ou protestant. Que pensez-vous ?

M.K. : (Rires). Nous venons de l’apprendre. Nous pouvons confirmer ou infirmer ces dires prochainement à travers une étude comparative.

S. : Votre vie familiale !

M.K. : Elle est assez complexe. Notre engagement à l’Eglise amène parfois à dépasser les bornes. Dieu m’a donné une très bonne femme qui est compréhensive et qui est en quelque sorte, la couverture de mon dos. Elle me donne des conseils pour mon équilibre. Nous avons 4 enfants dont 2 filles et 2 garçons. Ce n’est pas aisé d’être enfant de pasteur lorsqu’on entend certaines critiques. Nous vivons dans la simplicité et l’humilité. Grâce à Dieu, il y a un progrès au niveau de la famille.

S. : Vos loisirs ?

M.K. : Avant, j’en avais mais aujourd’hui je les ai abandonnés du fait de mes occupations. Au lycée, nous avons joué au handball. Aujourd’hui, mon loisir c’est la lecture pour être informé parce qu’un pasteur non informé est un pasteur dangereux. Je fais chaque jour le tour des journaux pour avoir une vue globale du monde pour être imprégné des mutations du moment.

S. : Votre appréciation des journaux burkinabè ?

M.K. : Il y a un progrès tant du point de vue de la forme que du fond. Chaque journal a une ligne éditoriale précise. Bien que Sidwaya soit un quotidien d’Etat, le journal fait parfois la critique du gouvernement. Critiquer, faire des suggestions sont des fonctions qui doivent être remplies par la presse pour que les choses aillent de l’avant. Sidwaya le fait de façon convenable. Le niveau actuel de la presse est relatif à celui de la population car un journal très philosophique ne correspondra pas aux mentalités des Burkinabè. Il faut donc être critique sans être négatif.

S. : Et le sport ?

M.K. : Le sport est bien mais c’est dommage que le sport soit transformé en canal de commerce

Sidwaya

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