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Alassane Dramane Ouattara : Ni Burkinabè ni « Pawéogo »

Publié le lundi 16 mai 2011 à 00h24min

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Le Président Alassane Dramane Ouattara qui vient pour la première fois au Burkina, en tant que chef d’Etat n’est pourtant pas étranger. Ivoirien de nationalité, il n’y a aucun doute. Portrait d’un chef d’Etat ivoirien qui doit sa personnalité au Burkina Faso et qui est loin d’être un « Pawéogo ».

Alassane Dramane Ouattara est l’un des politiciens qui a soulevé le plus de passions contradictoires en Côte d’Ivoire. Pour ses partisans, il est l’homme providentiel, le sauveur d’une Côte d’Ivoire à la dérive, mais aussi celui qui redonnera leur dignité aux Ivoiriens originaires du Nord du pays. Pour ses adversaires, il est celui qui, en utilisant cette cause, a mené le pays à la guerre pour satisfaire des ambitions demeurées intactes.

Né le 1er janvier 1942 à Dimbokro, dans le Centre de la Côte d’Ivoire, Alassane Dramane Ouattara décroche son Baccalauréat à 20 ans, au lycée Philippe Zinda Kaboré de Ouagadougou, capitale de la Haute-Volta, aujourd’hui Burkina Faso.

Titulaire d’un doctorat en sciences économiques à l’Université de Pennsylvanie à Philadelphie, Alassane D. Ouattara commence sa carrière professionnelle au Fonds monétaire international (FMI) à New york, en 1968, en tant qu’économiste. Il a été directeur du département Afrique.

Cinq ans plus tard, le voici recruté à la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), dont le siège se trouvait alors à Paris, avant d’être transféré à Dakar en 1978. Il y travaillera comme chargé de mission, conseiller du gouverneur, directeur des études, puis vice-gouverneur.

« J’ai fait une partie de mes études au Burkina, à l’époque Haute-Volta. Après le Baccalauréat, j’ai obtenu une bourse américaine au titre de l’aide accordée à ce pays, et je suis donc parti aux Etats-Unis avec un passeport voltaïque. Ceci ne remet nullement en cause mes droits et devoirs en tant qu’Ivoirien. (...)

J’ai exercé les fonctions de vice-gouverneur de la BCEAO pour la Haute-Volta pendant deux ans. […] je l’ai fait à la suite d’un accord entre le président Houphouët et les autorités voltaïques », s’est confié M. Ouattara à la presse.

En effet, en octobre 1988, le président Houphouët-Boigny le choisit pour prendre la tête de la BCEAO, après la mort du gouverneur Abdoulaye Fadiga.

Son passage au FMI et les liens tissés, notamment avec les Français Michel Camdessus, alors directeur général ou encore Jean-Claude Trichet, directeur du Trésor français de l’époque et actuel président de la Banque centrale européenne (BCE), lui seront utiles lorsque, deux ans plus tard - à un moment où la région traverse une très mauvaise passe économique-Félix Houphouët-Boigny lui confie, en avril 1990, la présidence d’un « Comité interministériel chargé de l’élaboration et de la mise en application du programme de stabilisation et de relance », en Côte d’Ivoire. A ce titre, il supervise l’ensemble de l’action économique et financière du pays.

Agé de 48 ans, cet archétype des technocrates africains « made in New York », très en vogue à l’époque au sud du Sahara, vient bousculer les habitudes des barons du PDCI, l’ex-parti unique. Ces derniers voient d’un mauvais œil cet outsider - cet « étranger », murmurent déjà certains. D’autant que Félix Houphouët-Boigny, déjà très âgé, lui donne carte blanche. La tâche est impopulaire. Il s’agit de mettre en place un programme d’ajustement structurel. Ce qui suppose une cure d’amaigrissement drastique de l’Etat. Car le pays connaît une grave crise. Le fameux « miracle ivoirien », né du développement de la production du cacao et du café s’est évanoui. Et pour débloquer leur aide, les institutions financières internationales réclament de profondes réformes.

Beaucoup louent son bilan et ses efforts de remise en ordre du pays. Mais, les mesures d’austérité qu’il impose suscitent du mécontentement.

Il peut toutefois se targuer du soutien inconditionnel d’Houphouët-Boigny. Mais le père de l’indépendance ivoirienne, meurt le 7 décembre 1993. Le destin de son Premier ministre, va alors basculer.

Les années de braise

Les jours qui suivent la disparition du père de la nation restent un inépuisable sujet de débat. M. Ouattara est accusé d’avoir voulu tenter de prendre la succession d’Houphouët-Boigny, alors que, d’après l’article 11 de la Constitution, ce rôle revient au président de l’Assemblée nationale, Henri Konan Bédié.

Ce qu’il a toujours contesté. "Jamais je n’ai voulu prendre sa succession. Cela ne correspondait pas du tout à mes principes moraux et politiques", avait-il affirmé dans la presse.

La rupture est consommée avec Henri Konan Bédié, qui devient le deuxième président de la Côte d’Ivoire indépendante.

Le 24 décembre 1999, une mutinerie se transforme rapidement en coup d’Etat, portant au pouvoir le général Robert Guéi ancien chef d’état-major des armées, tombé en disgrâce, quelques années plus tôt. Le président Bédié fuit le pays. Les prisonniers du RDR sont libérés et Alassane Ouattara reçoit du nouvel homme fort l’assurance qu’il peut rentrer en toute tranquillité à Abidjan. Ce qu’il fait dès le 29 décembre. L’ancien Premier ministre a-t-il été l’instigateur du coup d’Etat ? Le fait que les numéros deux et trois de la junte militaire, les généraux Palenfo et Coulibaly, soient des proches et que figure parmi les « mutins », un de ses anciens gardes du corps, le sergent Ibrahim Coulibaly, sert de base à ceux qui l’accusent. Ce qu’il nie vigoureusement, en se disant opposé à la prise de pouvoir par la force. Laurent Gbagbo en a d’ailleurs fait un thème lors de la campagne du deuxième tour de la présidentielle de 2010, pour inciter les électeurs d’Henri Konan Bédié à lui apporter leurs voix : « Si vous aimez Bédié, vous devez voter pour celui qui l’a fait revenir d’exil, plutôt que pour celui qui l’a fait partir en exil », a-t-il martelé.

Sa nationalité contestée

A l’approche de l’élection présidentielle d’octobre 1995, Alassane Ouattara ayant entre-temps, réintégré les rangs du Fonds monétaire international, envisage d’être candidat. Le concept d’ivoirité, promu par le président Bédié, met à mal la cohabitation, traditionnellement bonne, entre populations originaires du Nord, majoritairement musulmanes, et les autres peuples de Côte d’Ivoire. Pour l’en empêcher, Bédié fait adopter un code électoral sur mesure en décembre 1994 dont une disposition stipule que tout candidat à la magistrature suprême doit « être Ivoirien de naissance, né de père et de mère eux-mêmes Ivoiriens. Il doit n’avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne […] et résider de manière continue, en Côte d’Ivoire depuis cinq ans. » Laurent Gbagbo, leader du FPI, qualifie ce texte de « liberticide, raciste, xénophobe et dangereux ». Ce dernier formera même un Front républicain contre Henri Konan Bédié avec le RDR, parti fondé, en 1994, par Djeni Kobina, à la suite d’une scission au sein du PDCI au pouvoir et dont Alassane Ouattara prendra plus tard, la direction. Sur le conseil, dit-il, du président togolais de l’époque, Gnassingbé Eyadéma, Alassane Ouattara renonce à se présenter à la présidentielle face à Henri Konan Bédié. Il retourne au FMI, en qualité de directeur adjoint. Revenu au pays en 2000, cette fois, Alassane Ouattara est bien décidé à se lancer dans la présidentielle, mais la Commission électorale invalide sa candidature pour "nationalité douteuse". Celle d’Henri Konan Bédié l’est tout autant, car l’ancien président déchu a passé sa visite médicale de candidat en France et non en Côte d’Ivoire. Dès le début de la transition militaire, Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo ont clairement pris leurs distances. Exit le Front républicain. Les deux hommes sont désormais rivaux. Au fil des mois, les relations entre l’ancien Premier ministre et le général Guéi, tournent également au vinaigre. En mai de la même année, le chef de la junte affirme avoir réuni des preuves d’atteinte à la sureté de l’Etat contre le RDR. Le 22 octobre 2000, Laurent Gbagbo est alors le seul poids lourd politique en piste face au général Guéi. Le leader du FPI est finalement déclaré vainqueur, le 26 au soir, au terme de trois journées de violentes manifestations contre une tentative de coup de force électoral du général Guéi, puis entre partisans du FPI et du RDR. Alassane Ouattara, pour qui Laurent Gbagbo est illégitime, réclame la tenue d’une nouvelle élection présidentielle. Non seulement, il n’obtient pas gain de cause, mais le 1er décembre 2000, la Cour suprême rejette une nouvelle fois sa candidature, aux élections législatives. Son parti choisit le boycott. Des affrontements opposent ses partisans aux forces de l’ordre. Malgré tout, le 25 mars 2001, le RDR participera aux élections municipales où il devancera le PDCI et le FPI.

Accusé d’être à l’origine de la tentative de coup d’Etat de septembre 2002, Alassane Ouattara, décide de quitter le pays et trouve exil en France.

En 2006, l’ancien haut fonctionnaire regagne son pays dans l’espoir de participer à une nouvelle élection qui s’est finalement déroulée en novembre 2010. Vingt ans après être entré en politique, et au terme d’une campagne très dure, Alassane Ouattara se retrouve finalement face à Laurent Gbagbo au second tour d’une présidentielle historique. Grâce à son alliance avec son ennemi d’hier, Henri Konan Bédié, il est déclaré vainqueur du scrutin le 2 décembre, par le président de la Commission électorale indépendante. Résultats jugés invalides par le Conseil constitutionnel, qui proclame à son tour, la victoire de Laurent Gbagbo, le lendemain. Ce que dément, le représentant du secrétaire général de l’ONU en Côte d’Ivoire qui reconnaît la victoire de l’ancien Premier ministre. Mais le pays est plongé dans une crise sanglante qui réveille le clivage Nord-Sud. Ce technocrate a dû recourir aux armes pour arracher le 11 avril 2011 à son rival, le pouvoir.

Alassane Dramane Ouatarra épouse en secondes noces, Dominique née Novian au début des années 90. Femme d’affaires ayant fait fortune dans l’immobilier, Dominique Ouattara joue un rôle important auprès de son mari, notamment à travers sa fondation Children of Africa

Bilélé BENIN

Sidwaya

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