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VIE SOCIO-PROFESSIONNELLE : Il quitte la Fonction publique pour la boucherie

Publié le dimanche 8 mai 2011 à 23h40min

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"Il n’y a pas de sot métier, il n’y a que des sottes gens." Ceci est une réalité démontrée par Serge Roland Zongo. Après son baccalauréat en 1998, celui qui est connu sous le sobriquet de "Le linguiste" a opté pour la Fonction publique mais n’y fera pas carrière. Il a réalisé un rêve qu’il a longtemps caressé : devenir boucher. Un cas rarissime qui force la curiosité et l’admiration. Nous avons rencontré ce jeune homme de 28 ans le 18 avril dernier au secteur 23 de Ouagadougou.

"Le Pays" : Vous avez préféré la boucherie à la Fonction publique. Quelles ont été vos motivations ?

Serge Roland Zongo, boucher, spécialiste de "pourré" (estomac en mooré) A défaut du mieux, il faut se contenter de ce que l’on a. C’est dans ce sens qu’après mon bac, j’ai passé le concours de la Fonction publique, notamment l’Enseignement de base où j’ai été retenu. Mais quelque temps après, j’y ai renoncé parce que mon rêve le plus profond était de devenir commerçant. Je n’aimais pas rester entre les quatre murs pour travailler à l’image de mes parents qui évoluent dans le secteur informel en terre ivoirienne. Quand j’étais très jeune, aux côtés de mes parents, des fonctionnaires dont des cadres de l’administration venaient leur emprunter de l’argent. Alors, je me suis demandé à quoi servait la fonction publique ? Un jour, je me suis dit qu’il fallait que je démissionne de ma fonction pour entreprendre d’autres initiatives et parmi tant d’autres, c’est la boucherie que j’ai choisie.

Pourquoi une démission au lieu d’une disponibilité ? Etiez-vous sûr de réussir ce métier du secteur informel ?

La raison était que quand je quittais, je n’avais aucune intention d’y retourner même en cas d’échec. Pour moi, il fallait mettre tout en oeuvre pour ne pas regretter la décision prise. C’est quand on se dit cela qu’on perd les pédales. Même si la boucherie ne marchait pas, j’avais une autre alternative : rejoindre mes parents en Côte d’Ivoire afin d’aider ma mère (grande vendeuse d’attiéké) à exporter le couscous de manioc au Burkina.

Comment as-tu débuté la vente du "pourré" dans un milieu que tu ne connaissais pas du tout ?

Avant d’apprendre comment on prépare le "pourré", je me suis lancé d’abord dans la préparation des brochettes en quantité moyenne, lors des cérémonies et autres événements. C’était des brochettes faites à base de tourteaux d’arachide encore appelées les brochettes de Kaya. A partir de cinq baguettes de pain et un demi kilogramme de viande par jour, je me suis installé dans l’enceinte du collège de la Salles où des clients venaient déguster mes recettes. Au fur et à mesure, la demande augmentait jusqu’à ce que j’atteigne 50 miches de pains par jour. Un matin, un individu d’une boulangerie de la place m’a rendu visite à mon lieu de vente. Celui-ci m’a dit que comme je faisais maintenant partie de leurs meilleurs clients, la boulangerie allait m’aider à mieux m’équiper.

C’est ainsi qu’on m’a donné une grosse table, un grand fourneau et du coup, je vendais plus de 70 à 100 miches par jour. Ce qui me donnait droit à des commissions (bonifications) allant de 75 000 à 90 000 F CFA par mois. Par la suite, quatre boulangeries ont, chacune, promis de m’aider financièrement, si je voulais m’équiper davantage. C’est ce qu’elles ont fait à titre de prêts remboursables.

Pourquoi avez-vous abandonné les brochettes pour le "pourré" et comment vous en êtes-vous spécialisé ?

Je me suis dit un jour qu’il serait mieux que je me spécialise dans une recette donnée et mon choix a porté sur le "pourré", un choix du hasard. Mais avant de commencer, je suis allé voir un cousin qui, entre autres recettes comme le foie, la langue de boeuf, etc. préparait le "pourré". Avec ce dernier, j’ai appris à préparer cette viande au feu doux, le tout accompagné ou assaisonné de légumes verts dont les vertus thérapeutiques facilitent la digestion. Après, j’ai quitté mon cousin pour repartir m’installer.

Travaillez-vous seul ou avec des employés ?

Au stade où je suis, je ne peux plus travailler seul. J’ai ouvert plusieurs points de vente avec une dizaine de personnes dont des étudiants, des pères de familles. Mais pour aider ces gens, je leur livre chaque jour de la viande et du pain et à la fin de la journée, chacun d’eux me remet l’argent correspondant à la quantité de pain et de viande livrée. Moi, je gagne grâce aux commissions des pains vendus. Je travaille directement avec des petits frères qui sont venus de la Côte d’Ivoire.

Quel a été le regard de votre entourage quand vous avez quitté la Fonction publique pour la boucherie ?

J’ai tout entendu et tout vu. Certains m’ont pris pour un fou, d’autres pour un voleur. Pour ces derniers, à moins d’être dans les deux situations, on ne quitte pas la Fonction publique pour devenir boucher. Même dans m’a belle famille, personne n’a toléré ce virement. J’entendais dire : "la fille d’un tel a épousé un boucher des boyaux". Il est même arrivé que sous la pression sociale, ma femme et moi avions rompu près d’une année, avant de reprendre. Mes amis m’ont également abandonné à l’époque. Quand je partais chez eux, ils m’accueillaient avec dédain et disaient souvent, "regarde, c’est le mari de l’autre qui passe, le vendeur de boyaux". Mais comme je savais ce que je voulais, je n’étais aucunement pas complexé par ces propos. La preuve est qu’aujourd’hui, la réalité est tout autre et j’ai retrouvé la considération que j’avais perdue.

Ce qui veut dire que vous ne regrettez pas aujourd’hui votre aventure ?

Je ne regrette rien et c’est avec modestie que je le dis. Je peux dire que même tous ceux qui m’ont formé dans la boucherie ne se débrouillent pas mieux que moi aujourd’hui. Cela est sûrement dû au fait qu’ils ne sont pas allés à l’école. Ceux qui me traitaient de vendeur de boyaux viennent souvent me demander de l’argent. Qui 50 000 F CFA, 100 000 F CFA, 200 000 F CFA, etc. et je donne. Je n’envie pas aujourd’hui un cadre de la Fonction publique en termes de revenus mensuels, pas en tout cas ceux de ma promotion.

Mais on dit qu’il y a plus de stabilité dans la Fonction publique, une certaine garantie au niveau de la retraite...

Nous devons aujourd’hui dépasser cette considération. C’est l’homme qui prépare sa retraite. On peut aller à la retraite et ne pas jouir pleinement, pour n’avoir pas bien cotisé. Nous voyons des gens qui sont à la retraite mais qui souffrent plus que ceux qui n’en bénéficient pas.

Quels sont vos projets à court et long termes ?

Je suis en train de monter un projet en agriculture. J’ambitionne faire des champs dans les zones arables où je vais employer des jeunes qui y travailleront avec des outils modernes.

Un mot pour terminer cet entretien ?

Ce serait en guise de conseils aux jeunes qui rêvent de travailler dans les bureaux. C’est un choix, mais si on n’a pas eu la chance, on ne doit pas croiser les bras. Je pense que la réussite ne dépend pas forcément des diplômes amassés mais de la capacité à faire valoir ses talents. Un étudiant qui a suivi mes conseils exporte aujourd’hui de la viande à l’extérieur et il remercie Dieu de lui avoir indiqué le chemin de la réussite. Quand je fais souvent un tour au campus, on me réclame de l’argent par-ci et de la cigarette par-là. J’ai vraiment pitié de ces personnes qui n’ont aucun esprit d’initiative. Je termine en remerciant le journal "Le Pays" qui ne cesse de contribuer à la promotion et à l’éducation d’une jeunesse en quête de son épanouissement.

Propos recueillis par Armel ILBOUDO

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 9 mai 2011 à 00:35 En réponse à : VIE SOCIO-PROFESSIONNELLE : Il quitte la Fonction publique pour la boucherie

    Voilà peut être un tournant majeur de la vie socio professionnel au Faso. Nous avons longtemps penser que l’ecole devait nous mené dans les bureau. Notre compatriote qui a semble t il eu son bac à 17 ans nous donne une leçon de courage , de vie et ouvre de nouvelle perspectives à la lutte contre le chomage.

  • Le 9 mai 2011 à 00:55 En réponse à : VIE SOCIO-PROFESSIONNELLE : Il quitte la Fonction publique pour la boucherie

    Voilà peut être un tournant majeur de la vie socio professionnel au Faso. Nous avons longtemps penser que l’ecole devait nous mené dans les bureau. Notre compatriote qui a semble t il eu son bac à 17 ans nous donne une leçon de courage , de vie et ouvre de nouvelle perspectives à la lutte contre le chomage.

  • Le 9 mai 2011 à 01:00 En réponse à : VIE SOCIO-PROFESSIONNELLE : Il quitte la Fonction publique pour la boucherie

    Bel exemple d’initiative et de persévérance.
    Bonne continuation.
    Il a eu son bac à 15 ans ? :O

  • Le 9 mai 2011 à 01:47, par yembi En réponse à : VIE SOCIO-PROFESSIONNELLE : Il quitte la Fonction publique pour la boucherie

    qi ne risq rien na tjr rien.la fonction pulic cè la misèr.lécol nè pa la seul voie de reussite.

  • Le 9 mai 2011 à 01:53, par Salif En réponse à : VIE SOCIO-PROFESSIONNELLE : Il quitte la Fonction publique pour la boucherie

    Toutes mes félicitations à Roland Zongo. Vous donnez un très bon exemple à la jeunesse burkinabe. L’école coloniale nous a mouler a ne chercher qu’a être employé au lieu d’être employeur. Je suis un étudiant burkinabe aux USA et cela fais plaisir de lire des histoires des braves et honorables personnes comme vous. Comprenez ceux qui se moquaient de vous quand vous commenciez votre business ; Ce sont des prisonnier de l’école coloniale. Beaucoup de gens s’en sortiront mieux s’ils continuaient les activités de leurs parents (Menuisier, Maçon ...). Malheusement, après l’école coloniale on cherche un boulot dans le public où peu s’en sortes honnêtement. L’état devrait encourager des gens comme vous et on espère qu’il le fera car vous êtes un modèle pour la jeunesse. J’ai beaucoup d’admiration pour vous, et j’espère que les télévisions locales sauront vous utiliser pour éduquer la jeunesse. Le journal Le Pays le fais déjà et nous les félicitons pour ça.

  • Le 9 mai 2011 à 02:07, par v&c En réponse à : VIE SOCIO-PROFESSIONNELLE : Il quitte la Fonction publique pour la boucherie

    J’ai été très ravi de lire cet article. En fait j’ai remarqué que nos compatriote qui sont revenus de la cote d’ivoire sont plus avancés dans le domaine du privé que nous les natifs ( né et ayant vécus au faso). Je me rappelle que quand j’étais très jeune au debut des année 90 j’avais mes grands frères du quartier. C’étaient les diaspos qui cherchaient à travailler dans le privé. Les autres étaient plus axés sur le fonction publique. Peut être que l’éducation au faso tant nous orienter vers la sécurité, donc la fonction publique. En plus être fonctionnaire est très valorisant au faso. Franchement il faut reconnaitre que ce mec à eu du courage et peut de burkinabè peuvent avoir. Je passerai chez lui en juillet pour manger le bon pouré que j’aime beaucoup.

  • Le 9 mai 2011 à 02:08, par eben En réponse à : VIE SOCIO-PROFESSIONNELLE : Il quitte la Fonction publique pour la boucherie

    Bonne initiative d’interview !

    Donnez plus souvent la parole aux personnes comme Mr Serge Zongo qui sont des exemples pour notre jeunesse.

  • Le 9 mai 2011 à 16:37, par Ksaness En réponse à : VIE SOCIO-PROFESSIONNELLE : Il quitte la Fonction publique pour la boucherie

    BIG Up a toi. j’ai tout simplement eu froid au dos a lire l’article et je tombe d’admiration pour ce Monsieur, parce que lui sait ce qu’il veut. Bonne chance et c’est deja beaucoup de choses que de faire ce que l’on aime. Bravo au journaliste pour cet article.

  • Le 9 mai 2011 à 17:47, par Manal En réponse à : VIE SOCIO-PROFESSIONNELLE : Il quitte la Fonction publique pour la boucherie

    c est assez curieux, le mec a eu le bac en 98 et il a 28 ans aujourd’hui. SI il a eu son bac a 18 ans , aujourd’hui il devrait en avoir 31.
    Sinon il faudrait qu’il ai eu son bac a 15 ans... Assez exceptionnel au faso.
    Ca prouve qu’il était quand même doué. Il a du mérite ! Courage !

  • Le 9 mai 2011 à 19:04, par barbou En réponse à : VIE SOCIO-PROFESSIONNELLE : Il quitte la Fonction publique pour la boucherie

    Bonjour,

    Toutes mes félicitations à mr Zongo. J’ai eu l’occasion de manger son "pourré" une fois, j’avoue que j’ai été séduit non seulement par ses qualités managériales mais aussi par la qualité de son produit. Bon vent à toi. A mon avis la presse aussi commence à jouer son rôle car c’est ces exemple dont nous la jeunesse avons besoin.

    Merci

  • Le 9 mai 2011 à 19:12 En réponse à : VIE SOCIO-PROFESSIONNELLE : Il quitte la Fonction publique pour la boucherie

    Bravo à ce monsieur pour cet exemple. D’abord, il veut travailler et se realiser. C’est deja une tres bonne base de reussite car il compte premierement sur lui même et il a surtout la satisfaction de son travail bien fait.

  • Le 11 mai 2011 à 11:14, par vinci En réponse à : VIE SOCIO-PROFESSIONNELLE : Il quitte la Fonction publique pour la boucherie

    merci au j le pays pour cette interview, et profite rectifier que son surnom est "le binguiste" au lieu de linguiste, beh moi je l’encourage c’est un ptit frere du CPO et c’est une tradition chez eux ,un de ses cousin direct surnommé"lucki" en a fait la meme chose et il s’en sort bien à tanghin labas aussi ds les pièces detachés, je suis de ceux qui pense que la meilleur facon de bien vivre c’est d’etre libéral, t’es en regle avec le fisc et tu es peinard .je demeurr convaincu que ce bonhomme fait une marge d’au moins 10000/jr ya qu’a voir la frequentation sous les manguiers,et il a l’avantage d’etre a ouaga , dites quel enseignant peut avoir 100000 comme salaire meme apres 10 ans de service.

    je supplie "le pays" de continuer ces genres de reportage,toute chose qui va contribuer à valoriser ces boulots que les gens meprisent.

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