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Editorial des Editions Sidwaya : Haut les cœurs !

Publié le mardi 3 mai 2011 à 02h55min

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Quand la barbe brûle, le menton ne saurait rire aux éclats : c’est une sagesse proverbiale qui magnifie la solidarité, surtout celle qui doit prévaloir dans le malheur. Nous vivons aujourd’hui un temps de chien. Pas seulement nous, Burkinabé, mais nous, hommes et femmes à travers le monde entier. Aux bouleversements sociaux violents, la nature impassible ajoute la brutalité de sa colère imprévisible. « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés », dit Jean de la Fontaine dans sa fable bien connue, Les animaux malades de la peste.

En ce tournant de l’année 2011, l’humanité est-elle frappée d’une peste soudaine et irréfragable ? Et comment vivre en hommes et femmes lucides et parfaitement conscients de leurs gestes en ce temps de chien ? Le soubassement social du Moyen-Orient n’a pas fini de trembler. L’Afrique de l’Ouest - dont la Côte d’Ivoire exsangue, le Nigéria asthmatique et notre beau pays le Burkina Faso -, souffre. Ceux qui ont appris à travers leur histoire tumultueuse à mettre leur vie sociale à l’abri de telles souffrances, le Japon et les Etats-Unis par exemple, sont malencontreusement victimes de tempêtes et de tremblements de terre.

Qu’est ce qui nous arrive ? Quel dibbouk est-il lancé à nos trousses ? Pour le cas de notre pays, nous devons d’abord ouvrir les yeux et voir que les événements s’enchaînent. Ainsi arrivent les grands désastres à partir de petites causes. De la mort de l’élève Justin Zongo, nous sommes passés en trombe aux manifestations des étudiants, des militaires, des magistrats, des commerçants, de l’opposition. Chemin faisant, des biens meubles et immeubles, publics et privés, ont été livrés au feu et au pillage. Et si l’on pose la question du pourquoi de cette course effrénée en direction du malheur, d’aucuns répondent :

« c’est pour la justice, le changement, le véritable progrès. » On parle même de solution radicale. C’eût été bien si c’était pour notre bien. L’histoire montre, quant à elle, que la rue est comme ce berger lépreux du proverbe, qui peut renverser la calebasse de lait, mais qui se trouve absolument incapable de traire la vache pour obtenir ce doux liquide. Dans ce qui se présente comme les préludes à un bouleversement social, il y a toujours une part inconsciente dont la force domine les acteurs sociaux. Il faut plus de lucidité et de courage pour se tirer d’affaire et il nous semble que les Burkinabè ont compris cela. Déjà, ce samedi, ils ont choisi de laisser « certains » jokers gicler seuls leur insignifiance… au détriment, quelque part, de l’Etat de droit : toute légitimité gouvernementale s’acquérant aussi grâce à une opposition organisée et rassembleuse, prête à sérieusement participer au débat démocratique.

Et pourtant, même certains de leurs camarades les avaient prévenus … : faisons confiance aux reformes politiques consensuelles en gestation ! En tous les cas, le paysage national avec l’intervention des sages de la cité, les rencontres du Président du Faso avec les différentes couches sociales, le renouvellement du gouvernement, l’amertume et les leçons que donne le couvre-feu, la prise de conscience de tous et de chacun que la paix est, après tout, un hôte de passage toujours pressé de partir,… indiquent que nous allons vers l’instauration consensuelle d’un dialogue institutionnel solide. Dans l’immédiat, nous comblons, avec un communicateur au pouvoir, le déficit communicationnel national. Le point névralgique de cette reprise en main du pouvoir de l’Etat devrait être, à notre sens, une répartition plus juste des richesses sociales, économiques et symboliques. Ce ne serait rien de moins qu’une nouvelle manière de faire de la politique au Burkina Faso, à partir d’une nouvelle base : celle d’un nouveau contrat social qui requiert la reconnaissance des pouvoirs de chaque groupe social et la prise en considération des besoins et des initiatives de ceux qui, pendant un laps de temps, se sont considérés comme lésés par le système.

Nous souhaitons vivement que dans ces réformes qui nous honorent, les nouveaux politiciens du Burkina Faso se déconnectent des affaires. Parfois, nous nous trouvons dans des situations où il est difficile de dire si ce sont des affaires politisées ou une politique affairiste. Cela est infiniment gênant pour la bonne marche des unes et de l’autre, c’est-à-dire des affaires et de la politique. La perte de confiance réciproque qui en découle ruine la base de nos initiatives. Nous saluerons donc avec enthousiasme le « franc-parler » de certains membres du nouveau gouvernement qui leur permet d’assumer pleinement les aléas, positifs comme négatifs, inhérents à leurs fonctions ministérielles. Espérons que la situation nationale pousse le corpus politique burkinabè à s’ériger fièrement face aux problèmes du peuple.

Qu’elle lui donne la force de se dresser contre les injustices ; de fuir la facilité du silence, des gratifications personnelles et de la compromission, pour se plonger corps et âmes dans l’incommodité, pouvant être ô combien gratifiante, que propose la recherche de vérité, le refus des inégalités et la quête d’équité... En Tunisie, en Egypte,… la rue a pris le pouvoir et ne sait qu’en faire. Les jeunes de ces pays ont compris l’embarras dans lequel ils se trouvent aujourd’hui, et ont pensé que leur salut devait venir de l’Occident justicier et démocrate. Mal leur en a pris : ils sont en ce moment même humiliés aux frontières des pays modèles. Ce qu’il faut faire, c’est bien de nous engager à transformer les mécanismes de notre société de l’intérieur, de participer avec loyauté à la construction du chantier national, de refuser l’opportunisme vulgaire, la tentation de la haine et de la rancune. Par exemple, nous devons d’ores et déjà accepter de faire chacun de son mieux pour la réintégration sociale de nos militaires. Beaucoup d’entre eux, par excès de « jeunesseries » peut-être, ignorent qu’ils se sont socialement « salis » pour cent ans.

Le geste est aisé, la réflexion l’est moins. Et comme l’inconduite a pris une dimension nationale, prenons également des mesures fraternelles nationales pour que nos frères et enfants militaires ne perdent pas toute considération pour le restant de leurs jours. Haut les cœurs ! Ce n’était qu’une mauvaise humeur

Par Ibrahiman SAKANDE ( sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 3 mai 2011 à 19:43, par Gédéon En réponse à : Editorial des Editions Sidwaya : Haut les cœurs !

    Bravo Monsieur le Directeur. Pour une fois au moins, écartez vous du désordre de l’intellectualisme et écrivez vrai bon sang. Comment parvenez vous à déconnecter la perversion de nos dirigeants et les moments accablants que nous vivons. C’est NATUREL que les gens aient besoin du changement, c’est loi cosmique. C’est pourquoi dès maintenant il faut montrer le chemin aux jeunes afin qu’ils puissent affronter "ce qui n’a jamais été"le moment venu. En Tunisie, en Egypte on ne sait là où on va parce que cela a été voulu incosciemment comme cela se prépare ici et ailleurs en Afrique. "Après moi, le chao, le déluge" disent certains, monsieur le Directeur. Les longs règnes débouchent sur de graves grises socio politiques. C’est connu presque de tous sauf des supporters des monarques et des antidémocrates.

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