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Adama Ouédraogo, président de SOS toxicomanes : "Les gens n’ont pas demandé à être malades"

Publié le jeudi 28 avril 2011 à 02h06min

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Commissaire de police en poste à la division de la police économique et financière, Adama Ouédraogo est président d’une association de lutte contre la consommation de stupéfiants. Dénommée SOS toxicomanes, cette association en quête de visibilité, a été reconnue officiellement par l’Etat burkinabè, le 31 décembre 2010, date de l’obtention de son récépissé. Dans cet entretien, Adama Ouédraogo donne les raisons de la création de cette structure et les modes de prévention et de riposte à la consommation de drogues.

Sidwaya (S.) : Vous venez de créer une association dénommée SOS toxicomanes. Quels sont les objectifs visés ?

Adama Ouédraogo (A.O.) : Notre objectif est de contribuer fortement à la lutte contre la consommation des drogues au Burkina Faso par le canal de la prévention et la prise en charge de toxicomanes.

S. : Pourquoi vos actions sont axées uniquement sur la toxicomanie ?

A.O. : Tout simplement, parce que de nos jours, on constate qu’il y a une recrudescence du grand banditisme, de la délinquance et de la criminalité. Nous avons fait une relation entre la consommation des drogues et ces éléments. Fort de ce constat, nous avons estimé que pour qu’il y ait la régression de ces actes, il faut absolument influer sur la demande des drogues par la jeunesse. C’est pour cette raison que nous avons orienté nos actions d’abord, sur l’offre et la demande. L’offre suppose le trafic et la demande désigne les gens qui vont vers les drogues pour résoudre leurs problèmes quotidiens. Si on informe la population des dangers de la drogue, de manière à ce que les gens puissent choisir librement d’aller ou non vers les drogues, je pense que ce choix va libérer la population de la consommation des drogues.

S. : Est-ce que la création d’une structure chargée de lutter contre la drogue n’est pas perçue de trop, au regard de leur nombre sur le terrain ?

A.O. : Non. Je dirai que ce n’est pas de trop, parce que quand vous regardez au niveau institutionnel, étatique, il y a un organe qui s’occupe de ce volet. Mais, notre mouvement pourrait venir en aval de cette lutte. Notre association va renforcer les capacités de lutte antidrogue au Burkina Faso, c’est-à-dire le Comité national de lutte contre la drogue. Personnellement, j’ai travaillé dans ce comité où j’étais adjoint au secrétaire permanent. J’ai une autre expérience. J’étais également membre d’un Comité scientifique d’analyse situationnnelle du tabagisme au Burkina Faso, sous la direction de l’Association burkinabè de santé publique. C’est une somme d’expériences qui me permet aujourd’hui, de comprendre le phénomène de drogue dans notre pays et proposer des mécanismes pouvant juguler ce problème.

Ce que j’ai remarqué au niveau étatique, c’est que la lutte contre la drogue se caractérise par le durcissement de textes pénaux. Alors que nous considérons qu’il faut traiter différemment le problème de l’offre et de la demande. L’offre étant supposée être le trafic, donc si on poursuit d’une manière énergétique le trafiquant, ça c’est une bonne chose. Maintenant du côté de la demande, les gens n’ont pas demandé à être malades. C’est la disponibilité et la priorité du stupéfiant, et aussi des problèmes sociaux qui amènent les gens à se tourner vers les drogues. Nous avons remarqué qu’il n’y a pas beaucoup de contraintes au niveau des drogues licites (alcool, tabac). Elles sont faciles à obtenir. Mais quand l’organisme prend goût à ces drogues, à un certain moment, les sensations diminuent et l’individu est obligé d’augmenter les doses ou il s’oriente vers d’autres drogues plus puissantes qu’on appelle les drogues illicites (cocaïne, chancre indien, cannabis, etc). Il y a même des drogues de substitution . C’est notre technicité dans ce domaine qui fait notre spécificité.

S. : Comment comptez-vous mener vos activités sur le terrain ?

A.O. : Nous avons élaboré un programme d’activités qui s’articule sur plusieurs points. Premièrement, nous voulons rendre visible notre association et que par le mécanisme de suivi, on puisse résorber le problème. Dans notre association, on a des psychologues, des sociologues, des économistes, des psychiatres, des commerçants, etc. Si un toxicomane s’oriente vers notre association, nous allons essayer de diagnostiquer le problème. La proximité suppose aussi le suivi-traitement au sein de la cellule familiale. Le problème au Burkina Faso est que nous n’avons pas de centre de prise en charge. Nous demandons à la population d’adhérer à notre combat et de comprendre que le toxicomane n’est ni un délinquant ni un vulgaire individu qu’il faut marginaliser et stigmatiser. Donc, on commence d’abord, par l’acceptation de la personne au sein de sa propre famille et ensuite, nous donnons notre appui-conseil à la famille.

S. : Le fait que vous ne disposez pas d’assez de moyens pour engager la lutte n’est-il pas un handicap dans la conduite normale des activités ?

A.O. : Bien sûr ! Si on n’a pas les moyens pour mener notre lutte, c’est que le combat est voué à l’échec. Mais, on ne doit pas laisser faire. Avec le minimum de moyens, l’expérience et les compétences que nous avons, nous pouvons travailler de façon à réduire progressivement la consommation de drogue au Burkina Faso. Il y a beaucoup d’exemples de prévention et de traitement de la toxicomanie. Il y a l’expérience portugaise où les autorités ont finalement dépénalisé la consommation. Ça permet aux consommateurs de drogues de parler publiquement de leurs problèmes aux policiers. Cette expérience portugaise a porté fruit, car en dix ans de dépénalisation, on a remarqué que la consommation de stupéfiants a considérablement baissé. Si l’individu est informé des dangers de la drogue, il ne va pas s’en procurer. Il y a tellement d’expériences en la matière, mais celle qui a marché, c’est l’expérience portugaise.

S. : Quel message particulier avez-vous à l’adresse des lecteurs ?

A.O. : Le message que je lance aux populations, surtout la frange jeune, est de ne pas faire de leur vie un enfer et d’hypothéquer leur avenir en touchant à la drogue.

Interview réalisée par Ouamtinga Michel ILBOUDO (omichel20@gamil.com)

Sidwaya

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