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Situation nationale : On n’y comprend plus rien

Publié le lundi 18 avril 2011 à 01h14min

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C’est l’histoire d’une vieille sorcière qui a arrêté de manger les enfants au point que de vilains garnements ont l’outrecuidance de venir la narguer jusque dans sa propre cour. Ce qui était impensable il y a encore une quinzaine d’années est en train de se banaliser, au grand dam du président Blaise Compaoré et des populations : les mutineries sont en effet devenues le sport favori des militaires burkinabè. Car après des coups de semonce en 1999, en 2006 et en 2007, comme pour se faire les jambes, la cadence en est devenue infernale au point de donner le tournis à des Burkinabè qui ne savent plus à quel treillis se vouer.

On n’avait pas fini de faire les comptes et mécomptes de leurs précédentes sorties courant mars que la soldatesque a de nouveau rué dans les brancards la nuit du jeudi 14 au vendredi 15 avril 2011 et les jours suivants. Ce coup-ci, c’était pour faire respecter, dit-on, une promesse faite par la hiérarchie, relative aux indemnités de logement.

Les motifs changent mais le modus operandi reste le même : tirs, souvent en l’air, d’armes légères et lourdes ; destructions de biens privés et publics (dont l’incendie du domicile du général Gilbert Djiendéré) : actes de vandalisme sur les commerces et même viols.

Pourquoi faut-il donc que ces mutins, dont les motifs sont parfois défendables quand ils touchent à des revendications corporatistes, s’échinent, à coups de mitraillettes, à desservir leur propre cause, comme si peu leur importait de gagner la bataille de l’opinion ou pas ? Qu’ils s’insurgent contre des chefs rapaces qui coupent les “merdiems” des subalternes, quoi de plus normal et les civils marcheraient même à leurs côtés pour revendiquer leurs droits.

Car après tout, “le civil n’est qu’un militaire en permission” pour reprendre un slogan de la révolution, et tous, nous subissons les affres de la vie chère, ainsi que l’injustice d’une nouvelle race de dirigeants qui a sombré littéralement dans la luxure. Mais qu’est-ce que, diantre, les “civilisés”, notamment les commerçants, ont à voir dans ça ?

Passe encore quand ce sont les autres corps qui se rendent coupables de telles exactions, mais lorsque ce sont les éléments du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) qui entrent dans cette danse macabre, c’est une forme de sacrilège et on n’y comprend plus rien.

Et on imagine Blaise, tel César s’adressant à Brutus quand il découvrit son propre fils adoptif parmi ses assassins : “Tu quoque, fili” : oui, toi aussi, mon fils ! Mais, c’est bien connu, on n’est jamais trahi que par les siens.

Il faut sans doute se garder de penser, juste parce que le président du Faso, la fameuse nuit fatidique, s’est réfugié dans un premier temps à l’ancien palais puis dans sa fazienda de Ziniaré, que le pouvoir est à terre et qu’il suffira au premier courageux de se courber pour ramasser quelque chose qui est dans la rue.

L’avis de vacance de poste à Kosyam est peut-être prématuré. ll n’empêche, le locataire a du souci à se faire s’il ne peut plus faire confiance aux gardiens du temple, qui se rendent eux-mêmes coupables de profanation.

C’est peut-être ça que les politologues désignent savamment sous le vocable “usure du pouvoir”, qui rappelle à ceux qui l’auraient oublié une vieille évidence, en politique ou dans la vie tout court : rien n’est jamais acquis définitivement, et si on excepte les désagréments que le citoyen lambda subit, c’est tant mieux que de telles situations viennent de temps à autre réveiller les insouciants et les vaniteux de la IVe République.

L’enfant terrible de Ziniaré a d’autant plus de mouron à se faire que, malgré le règlement, mutinerie tenante, des fameuses primes litigieuses ; malgré la dissolution du gouvernement ; malgré la valse des bérets intervenue dès vendredi et samedi dans la haute hiérarchie militaire, à commencer par l’état-major général des armées et le RSP, la quiétude n’est pas totalement revenue.

Faut-il croire que les réaménageants, pour le moment sommaires, au sein de la Grande Muette ne sont pas tout à fait du goût de la troupe qui voudrait que d’autres têtes, et pas des têtes d’artichaut, tombent ?

En tout cas Blaise, dont on dit jusque-là que ce n’est pas tellement son fauteuil qui intéresse les croquants, a tout intérêt à sacrifier courageusement certains de ses fidèles s’il ne veut couler avec eux. On attend surtout de voir quel visage aura son nouveau gouvernement pour apprécier si la volonté de rupture est bien réelle ou si, comme c’est souvent le cas, on se contentera d’un léger lifting qui cache toujours mal les profondes lézardes.

Cela dit, on se demande parfois, à l’analyse, si cet interminable ramdam ne procède pas d’une stratégie du pourrissement et du harcèlement en rendant le pays ingouvernable pour installer, au fil du temps, un climat insurrectionnel où tout sera possible, à commencer par le pire. Que dire d’autre quand on apprend que samedi nuit et dimanche matin la garnison de Pô s’est invitée elle aussi au bal des mutins ?

Dans un pays qui était abonné au putsch entre 1980 et 1987, de par le passé on a connu des jours de tourments et de tourmentes par suite de coups d’Etat classiques, mais au moins les choses étaient claires et, à aucun moment, nos militaires n’ont été pris en défaut d’avoir les biens et les coprs des civils dans leur ligne de mire.

Même au temps des CDR, où la kalach faisait la loi, on n’a pas assisté à de tels actes de vandalisme et de cupidité, encore moins d’attentats à la dignité de la femme. Décidément, le burkindlem agonise au pays autoproclamé “Patrie des hommes intègres”.

Prenons garde néanmoins à ne pas tout foutre en l’air, car si nos voisins Ivoiriens peuvent endurer de longues années de crise tout en restant debout, un petit mois d’instabilité suffira à mettre le Burkina à genoux. Et tout le monde y perdra, y compris ceux qui pensent être suffisamment outillés pour pêcher en eaux troubles.

Les responsables burkinabè, qui ont l’art de s’occuper des problèmes d’autrui, ont “racheté” la bagarre ivoiro-ivoirienne et soutenu Alassane Dramane Ouattara à bout de bras pour qu’il récupère un pouvoir dont il avait été spolié, oubliant leurs propres problèmes.

On a ricané quand l’usurpateur Gbagbo a chuté. On verra bien si la mer va se rapprocher de Niangoloko maintenant que notre “parent” a pris sa chose. En attendant, la Côte d’Ivoire commence à respirer et nous, à force de laisser l’armée se déliter et le désordre s’installer dans notre propre maison, semblons avoir emprunté le chemin inverse. “Beeb laada”, les ennemis s’en frottent les mains, diraient nos vieux au village.

La Rédaction

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 18 avril 2011 à 01:34 En réponse à : Situation nationale : On n’y comprend plus rien

    Très bel article ; il faut tout simplement ajouter que chacun s’asseoit à l’ombre de son travail, c’est une logique à la limite mathématique. Quand on tue sans se souciller, quand des officiers supérieurs deviennent de operateurs économiques, quand la justice est truffée de juges acquis, quand les nouveaux riches narguent à longueur de journée le peuple, quand l’honnetété devient un délit et quand on clanise le pouvoir on aboutit forcément à ce qui nous arrive. Aucun chef réligieux ni coutumier ne peut rien cette fois, d’ailleurs ils sont tous mouillés. C’est dire que tout se sème, se cultive et se recolte.

    • Le 18 avril 2011 à 16:10, par johnblacksad En réponse à : Situation nationale : On n’y comprend plus rien

      Très bel article indeed !

      Idem pour le commentaire.

      Qui peut faire semblant d’être étonné par cette situation après 25 ans de pouvoir ?!!

      Très franchement ?! Je m’adresse même à ceux qui ont intérêt à ce que Blaise reste à vie au pouvoir : 25 ans ?! Sérieusement, ne nous prennons pas les uns les autres pour des cons... 25 ans c’est trop, point d’exclamation final !

      Comment arrivez-vous à vous regarder dans une glace sans y voir l’injustice ?

      Au niveau où vous en êtes, ce n’est plus vos frères burkinabè que vous truandez mais c’est plutôt à Dieu que vous essayez de commettre l’injustice ! Mais je vous rassure, cela n’arrivera jamais.

      Comme cela a si joliment été dit au dessus : tout se sème, se cutive et se récolte.

    • Le 18 avril 2011 à 19:31, par Predator En réponse à : Situation nationale : On n’y comprend plus rien

      Je crois que le Burkina n’a plus d’armée a l’heure actuelle.
      Nous avons qu’un ramassis de bande armées (des voyous, violeurs de femmes, bon a castrer, des bandits de grand chemin) honte au Faso, actuellement si nous sommes attaqué par un pays voisin ce n’est pas cette bande de macaque armée qui pourra nous défendre. Pitié pour le Faso.

      Je regrette le temps ou il y avait de vrais hommes, de vrais soldats, rien à voir avec les sous hommes que nous avons dans notre armée actuellement qui pense que violer et voler est faire preuve de bravoure.

      De grâce modérateur, publie mon message.

  • Le 18 avril 2011 à 02:31 En réponse à : Situation nationale : On n’y comprend plus rien

    Mon cher journaliste,
    Ce ne sont pas le burkinabe qui ont vote pour Alassane Ouattara en Cote d’Ivoire. C’est le verdict des urnes des ivoiriens. On ne l’a pas aide a s’installer. L’ensemble de la communaute international a fait son devoir de faire respecter le verdict des urnes.

  • Le 18 avril 2011 à 02:53, par yatga En réponse à : Situation nationale : On n’y comprend plus rien

    il faudrait que la vieille sorcière reprenne ses gris-gris et mange deux ou trois enfant pour que les autres comprennent qu’elle n’a pas perdu toutes sa puissances(et k ell a toujours des dents) !!

  • Le 18 avril 2011 à 13:37, par lekpo Wandji En réponse à : Situation nationale : On n’y comprend plus rien

    Ne nous voilons pas la face comme l’a dit l’autre un jour. La Regie Abidjan-Niger ne fonctonne plus a merveille. Les commercants Burkinabe paye tres chers au port du Ghana ou du Togo.les Burkinabe n’ont pas certes mis Alassane au pouvoir en CI, mais Blaise y a ete pour quelquchose depuis 2002. Soyon sinceres envers nous memes. Merci freres.

  • Le 18 avril 2011 à 13:39, par lekpo Wandji En réponse à : Situation nationale : On n’y comprend plus rien

    Ne nous voilons pas la face comme l’a dit l’autre un jour. La Regie Abidjan-Niger ne fonctonne plus a merveille. Les commercants Burkinabe paye tres chers au port du Ghana ou du Togo.les Burkinabe n’ont pas certes mis Alassane au pouvoir en CI, mais Blaise y a ete pour quelquchose depuis 2002. Soyon sinceres envers nous memes. Merci freres.

  • Le 18 avril 2011 à 17:14 En réponse à : Situation nationale : On n’y comprend plus rien

    Juste un rappel.Rappel toi Blaise Compaoré, Norbert Zongo avait prédit tout cela. Il était le meilleur conseillé de Blaise mais malheureusement certaines personnes n’ont jamais rien compris dans la liberté d’expression.
    Que Dieu protège le Faso

  • Le 18 avril 2011 à 17:16, par l’enseignant En réponse à : Situation nationale : On n’y comprend plus rien

    puis vint Tenkodogo, Kaya, Koudougou,....quand nous en sortirons nous ? Excellence pense qu’il résoudra tout ça comment ? bricoler, toujours bricoler ! le sommet est quand même atteint lorsque lui même fui comme un malfrat à travers ouaga & environs.NON ? DE GRAVES CONCLUSIONS DOIVENT ETRE TIREES ET CEST MAINTENANT QUIL FAUT LE FAIRE ;SINON IL SEN IRA LUI MEME.

  • Le 18 avril 2011 à 19:01, par xxxxxxxxxxxxxx En réponse à : Situation nationale : On n’y comprend plus rien

    Ohhhhh merde !!!je comprend pa que certain soit étonné de tout ce ki se pass, cè une crise qui à commencé il ya longtemp, ce ki se pass cè que M.le super médiateur était tellement préocupé à joué le superman et à alé aidé les autre pays à lavé leur linge kil à du un moment oublié qu’il avait également du linge sale à lavé et en passant cè son frangin qui s’ocupai a lavé son linge.
    Le Blaiso veut se rachété, il a fait un certain nombre d’erreur, mais je crois q cè un p tard !!!!!!!!

    • Le 19 avril 2011 à 02:42, par Halcon Africansis En réponse à : Situation nationale : On n’y comprend plus rien

      Avez-vous lu "Le parachutage" de Norbert Zongo ? Ceux qui l’ont lu et ceux qui ne l’ont pas encore lu,s’il vous plaît lisez-le encore.C’est une métaphore de la chute du régime du Blaiso.
      Après dix ans d’absence , je retourne dans mon Faso natal et je ne le reconnais plus.J’ai vu trois catégories de citoyens :
      - Les politiciens et militaires super riches
      - Les nouveaux riches sortis du néant
      - Le bas peuple qui se bat comme un beau diable pour survivre.
      Ce n’est pas ça notre"Pays des hommes intègres".
      Les générations ont changé et la jeunesse veut plus de justice et de conscience au niveau de la gestion des affaires de l’Etat.
      La voix des armes n’est qu’un signal fort que le pays doit changer et la fuite en avant n’est pas la solution.
      Blaise penses-y et fais un examen de conscience.Ton temps est revolu et les résultats des urnes ne légitiment pas ton pouvoir.Ce n’est pas une contradition mais c’est une loi de la vie et c’est aussi une loi divine.Tu traines trop de dettes historiques : mort de Thomas Sankara et tes frères d’armes, Norbert Zongo, Dabo Boukary, Justin Zongo....
      Rappelles-toi la chanson de Alpha Blondy :" Vive le Général...à bas le Général..."
      Que dieu bénisse le Burkina Faso.

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