LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Lu pour vous : « L’intégration économique en Afrique de l’Ouest : Analyse et perspectives » de El Hadji Abdou Sakho

Publié le vendredi 15 avril 2011 à 03h14min

PARTAGER :                          

Une grande vitrine à la bonne compréhension d’un destin commun.
Il est rare de voir des hauts cadres africains s’adonner à la plume pour éclairer la lanterne de l’opinion sur des questions liées à leurs compétences. Ce vide se trouve ainsi comblé avec la parution aux Editions Economica du livre de El Hadji Abdou Sakho intitulé : « L’intégration économique en Afrique Ouest : Analyse et perspectives ». A travers cet ouvrage de cent-un (101) pages riches en enseignements et défis sur la construction d’une communauté de destin sous régionale, le commissaire de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) aux Politiques économiques et à la Fiscalité intérieure attire l’attention sur cette sagesse de Henry Ford : « Se réunir est un début ; rester ensemble est un progrès ; travailler ensemble est la réussite ».

L’avenir économique de l’Afrique de l’Ouest se résumera t-il à son histoire faite d’une succession de drames ? Autrement dit, les peuples ouest africains sont-ils « condamnés à revivre leur histoire » ? (Karl Marx). Le nouveau livre de El Hadji Abdou Sakho, « L’intégration économique en Afrique Ouest : Analyse et perspectives », suggère des débuts de réponses à ces questionnements qui donnent froid au dos. Ancien Commissaire aux Politiques Fiscales, Douanières et Commerciales de l’UEMOA et depuis 2007, Commissaire aux Politiques Economiques et à la Fiscalité Intérieure, il interpelle les dirigeants économiques et politiques sur l’inanité des politiques et programmes communautaires qui n’ont pas pu inverser le lent mais inexorable étiolement économique, social et politique de l’Afrique de l’Ouest.

Cet officier supérieur de l’armée sénégalaise et spécialiste de la macroéconomie passé par Havard-University aux Etats-Unis dissèque les différents aspects de cet étiolement : insécurité croissante, marginalisation commerciale progressive, massification de la pauvreté, corruption, mal gouvernance, etc. Il établit le constat que les modèles intégration en cours sont arrivés en fin de cycle et pose aussi bien la nécessité que l’urgence de leur refondation et leur recentrage autour de la prise en charge des nouveaux défis. Remontant aux causes lointaines de ce qu’il appelle « l’essoufflement des modèles d’intégration en Afrique de l’Ouest », M. Sakho s’étonne du manque de perspective historique dans la conception des politiques communautaires. A ce propos, il cite l’absence d’une politique commune en matière de sécurité intérieure et extérieure, malgré les menaces « venues du Nord » contre le Niger et le Mali. Dans le même ordre d’idée, il préconise une politique commerciale au service de la sécurité communautaire.

En tant qu’économiste très au parfum des questions de sécurité en tant que haut cadre pendant plusieurs années dans l’Administration des Douanes, l’auteur estime que beaucoup de conflits dans le monde ont des causes liées à des questions tarifaires, commerciales ou d’intégration. Il illustre son propos en citant l’exemple de la Guerre Civile Américaine qui a éclaté le 12 avril 1861, où la signature du General agreement of trade and trafic (GATT) dès la fin de la deuxième Guerre Mondiale, pour mettre fin aux « dévaluations compétitives » à l’origine de la crise de 1929 et du second conflit mondial.

Un grand pan de l’avenir de 3,5 millions de Km2 et ses 94 millions d’habitants

Sur la base de ce constat, El Hadji Abdou Sakho pense qu’une politique commerciale, au service d’une sécurité communautaire renforcée, passe par la priorité à accorder à l’environnement africain immédiat (CEMAC, Afrique du Nord) dans la négociation des accords commerciaux au détriment des « autres » (APE). Un coin de voile de l’avenir des 3,5 millions Km2 et ses 94 millions d’habitants que constituent les huit (8) pays de l’UEMOA (Bénin, Burkina Faso, Côte D’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo) en tant qu’espace économiquement et commercialement viable. Les atouts et les forces, les faiblesses et les insuffisances sont courageusement mis en exergue pour mieux éclairer le lecteur sur cette ambitieuse entreprise qu’est l’intégration. Dans cet ouvrage d’une vaste culture générale, l’histoire et la géographie auréolent la nécessité de s’unir et de conjuguer les efforts pour être viable dans le concert des nations où les grands ensembles constituent à la fois un défi et un enjeu.

Le Commissaire de l’UEMOA attire également l’attention sur la « nocivité » de certains modèles de croissance rapide par les exportations, et cite à ce propos les échecs retentissants de certains pays exportateurs de pétrole, ou ceux de l’Espagne et du Portugal après le pillage des trésors astèques et incas en Amérique Latine. Il avertit que certains des produits d’exportation sont historiquement chargés pour les peuples africains (coton), du fait de leur rôle dans le commerce triangulaire, et dénonce l’illusion de la croissance (« croissance appauvrissante » J. Bhagwati) que procure le commerce en l’état de ces produits. Il cite à ce propos les exemples de pays et régions (Caraïbes, Sud des Etats-Unis, Nord-Est brésilien) « prospères » au 17e siècle, mais parmi les plus pauvres au monde aujourd’hui.

Revisitant les expériences théoriques et pratiques en matière d’intégration, l’auteur invite à construire un système de production et d’échange sous-régional auto dynamique et auto entretenu, et à privilégier cet objectif par rapport à la logique de l’insertion dans le système d’échange multilatéral. Dans la réalisation de cet objectif, M. Sakho pense que les contraintes géo politiques pour la sous-région se sont resserrées et il cite à ce propos, la migration des centres de gravité de l’économie mondiale au double plans sectoriel (apparition de l’économie de la connaissance) et géographique, avec l’éloignement de l’Afrique des « Cœurs » (J. Attali) ou centres de dynamisme, du bassin de la Méditerranée vers le bassin de l’Atlantique (Amsterdam, puis Londres, puis Boston, puis New York) et le Pacifique (Los Angeles et Shanghai). Faisant le constat qu’il n’y avait pas de « destin forclos » (F. Fanon) pour les peuples africains, l’auteur se demande si les difficultés croissantes de ces peuples pour « lire les rendez-vous de l’histoire » (J. Touzalain) n’étaient pas autant de balises pour illuminer le sentier vers le « destin de l’Afrique » (A. Wade) en dehors duquel il n’y a pas d’avenir pour beaucoup d’Etats ouest-africains actuels.

Ouvrant chaque chapitre de citations bien à propos savamment bien choisis pour illustrer, témoigner et intéresser au challenge de ce chantier communautaire, « L’intégration économique en Afrique Ouest : Analyse et perspectives » apparaît une boussole de grande portée pour les gouvernants, les décideurs, les chercheurs, les universitaires, les populations pour se résoudre à forger un destin commun et réussir le pari du progrès partagé.

Jolivet Emmaüs (Joliv_et@yahoo.fr)

Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Dédougou : Le festival des masques signe son retour
Burkina / Musique : Patrick Kabré chante Francis Cabrel