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DELESTAGES AU BURKINA : "Nous allons sortir de cette difficulté d’ici la semaine prochaine" dit Appolinaire Siengui Ki

Publié le vendredi 15 avril 2011 à 03h10min

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Il y a un peu plus d’une semaine, les clients de la Société nationale d’électricité du Burkina (SONABEL) pensaient avoir fini avec la difficile période du délestage mais voilà qu’il y a quelques jours, ils affrontent une situation beaucoup plus difficile. Qu’est-ce qui a bien pu se passer pour que la Nationale de l’électricité n’arrive plus à satisfaire la demande des usagers de l’électricité ? C’est pour en parler que le directeur de la Production et du Transport de la SONABEL a échangé avec des hommes de médias le jeudi 14 avril 2011 et donné des informations pour rassurer les clients.

Le Pays : Comment expliquez-vous les délestages constatés ces derniers temps ?

Appolinaire Siengui Ki : Depuis le début de la crise sociopolitique en Côte d’Ivoire, nous avons des problèmes pour satisfaire la demande d’électricité de notre clientèle sur le réseau national interconnecté de la SONABEL. Cela est dû à la mise hors tension de l’interconnexion par la partie ivoirienne alors que l’interconnexion entre la Côte d’Ivoire et le Burkina est une de nos principales sources d’approvisionnement.

C’est ainsi que nous avons organisé un délestage tournant et nous avions expliqué en début mars qu’avec l’appui du gouvernement nous étions en train de chercher des solutions. Il s’agissait de la location de centrales de production diesel qui devaient nous permettre de juguler le problème et il faut un temps pour qu’elles puissent arriver. Une de ces centrales avait été mise en service depuis début mars et les autres tranches sont en train d’arriver d’Europe. Il y a une partie qui est arrivée au Ghana et a pris la route depuis le mercredi 13 avril pour Ouagadougou et quand elle sera là, nous aurons trente et un mégawats. Les trente autres mégawats sont en mer pour le port de Téma au Ghana avant d’arriver à Ouagadougou. En plus de cette solution qui est en cours de mise en œuvre, nous avions essayé au niveau des techniciens d’entrer en contact avec nos collègues de Côte d’Ivoire pour dépasser cette situation et nous approvisionner.

Les contacts ont été difficiles à nouer parce que le système électrique ivoirien notamment son centre de conduite a été réquisitionné par le camp du président sortant Laurent Gbagbo depuis le 19 janvier. Dans ces conditions, les agents sont soumis à une surveillance très rapprochée et il était très difficile de les joindre. Malgré tout, certains se sont montrés très disponibles aux discussions et, finalement, nous avons pu rétablir le service de l’interconnexion même si l’importation était limitée dans un premier temps. Le 29 mars, nous avons pu officiellement importer de la Côte d’Ivoire et cela nous a permis d’amoindrir le délestage et le 1er avril, le niveau d’importation était tel que nous avons arrêté le délestage la semaine dernière.

Nous étions parvenus à une situation maîtrisée jusqu’au samedi 9 avril où à 00h 03mn, il y a eu un incident sur le réseau et nous avons constaté une coupure générale. Quand nous sommes entrés en contact avec nos collègues de Côte d’Ivoire, il nous a été expliqué que les lignes qui alimentent le Nord et l’Ouest du pays à Abidjan ont été attaquées par des tirs de fusils qui ont coupé les deux lignes à Abobo et Yopougon. La production en Côte d’Ivoire est concentrée à Abidjan et ce sont ces deux lignes qui amènent l’énergie vers le Nord et le Burkina est raccordé au Nord et c’est depuis ce moment que le délestage a repris et il est durement ressenti parce que nous sommes à une période où la demande est à sa phase maximale.

En attendant que les groupes qui sont en train d’arriver puissent être installés, nous avons pris langue avec nos collègues ivoiriens qui nous ont expliqué que les réparations ne devraient pas être compliquées et ils auraient besoin de deux à trois jours pour le faire mais le problème qui se pose actuellement, c’est que la sécurité à Abidjan n’est pas assurée. On a peur d’envoyer des gens sur le réseau parce qu’ils peuvent être la cible de tireurs isolés. Nous avons été informés le mercredi 13 avril qu’ils sont en train d’entreprendre des démarches pour sécuriser les zones d’Abobo et de Yopougon.

Il faut relever que le Nord et l’Ouest de la Côte d’Ivoire sont alimentés par deux barrages à savoir Taabo et Kossou mais leurs productions sont insuffisantes pour les besoins de ces deux zones et du fait qu’ils ne sont pas suffisamment alimentés, ils ne peuvent pas nous donner de l’énergie. En réalité, nous avons négocié avec eux pour qu’ils nous en donnent un peu et le 11 avril à 17h46, ils nous ont donné 10 mégawats qui ont duré jusqu’autour de 20h et par manque de chance, un équipement a pété à Taabo. Ils étaient ainsi coupés d’une autre source et sont en train de la réparer et nous avons bon espoir que cela finira ce jeudi 14 avril et ils pourront nous donner 10 mégawats, en attendant que la ligne soit réparée et ensuite celle de Yopougon.

Une fois encore, cela pose le problème de l’interconnexion et êtes- vous convaincu que le Burkina a fait le bon choix avec la Côte d’Ivoire ?

Actuellement, personne, dans le secteur de l’énergie électrique, aussi bien en Afrique qu’ailleurs dans le monde, ne parle de se fermer sur soi-même pour faire sa propre source de production pour alimenter ses clients. On parle plutôt en termes du coût de l’énergie le plus bas possible et on va le chercher là où il se trouve et c’est l’interconnexion.

Au-delà du coût, il y a une sûreté de fonctionnement parce que plus vous êtes dans un grand système plus vous avez un fonctionnement stable, fiable. L’énergie que nous recevons de la Côte d’Ivoire est moins chère actuellement et cela nous permet de pratiquer des prix qui vont être moins chers pour nos clients. Bon nombre de personnes disent pourquoi être allé chercher l’énergie en Côte d’Ivoire qui n’est pas sûre. Il faut souligner qu’une première tranche a été faite pour alimenter la région de l’Ouest à Bobo Dioulasso et elle est entrée en service en 2001 et celle-ci a fonctionné sans problème. Ensuite, au moment d’entamer la deuxième partie qui est la connexion entre Bobo Dioulasso et Ouagadougou pour permettre d’amener l’énergie de Côte d’Ivoire jusqu’à Ouagadougou qui constitue plus de 60% de la consommation, la question posée était de savoir pourquoi ne pas aller chercher aussi au Ghana qui était un autre projet.

Il faut dire que le projet de raccordement Bobo-Ouaga a été retardé de huit mois pour qu’on évalue ces deux options et voir l’option la meilleure. L’étude a montré que le meilleur choix était la liaison avec la Côte d’Ivoire parce que le Ghana n’a pas, jusqu’aujourd’hui, de capacité d’exportation suffisante du fait de son réseau qui a une capacité faible. Si on le fait présentement, le Ghana ne peut nous donner que 20 mégawats et le projet ne pourra être réalisé qu’en 2013 mais on ne pourra recevoir que 20 mégawats qui pourront passer à 100 mégawats en 2015. Alors qu’avec la Côte d’Ivoire, cela nous permet d’importer 121 mégawats avec des coûts qui sont meilleurs que nos coûts ici.

C’était donc net, l’option la meilleure était la Côte d’Ivoire. Au moment où nous prenions la décision en 2001, personne ne pouvait imaginer qu’il y aurait des troubles dans ce pays qui nous améneraient dans la situation que nous vivons depuis le début de l’année. Il faut relever que la première partie de l’interconnexion avec la Côte d’Ivoire qui a commencé en 2001, a fonctionné jusqu’en 2010 sans aucune difficulté et bien que les problèmes en Côte d’Ivoire aient commencé en 2002, jamais le courant n’a été coupé malgré les difficultés entre les deux pays. Notons aussi qu’en plus de la Côte d’Ivoire et du projet avec le Ghana, nous avons un projet d’interconnexion avec le Nigéria via le Niger parce qu’il est très important d’avoir plusieurs sources d’approvisionnement.

Que devient la promesse du ministre des Mines, des Carrières et de l’Energie en début mars sur la fin des délestages pour le mois d’avril ?

La promesse faite par le ministre se basait sur l’offre d’un fournisseur qui se proposait de nous livrer les équipements dans un délai de cinq à sept semaines. Nous nous sommes dit qu’avec ce fournisseur, nous allons pousser pour que ce soit cinq semaines au lieu de sept. Si nous nous en tenons à la conférence de presse donnée par le ministre, nous pouvons affirmer que le fournisseur n’est pas hors de son programme.

Quelles sont les mesures prises par la SONABEL pour un rétablissement rapide de la fourniture de l’électricité ?

Il y a les groupes qui sont en train d’arriver et les travaux que doivent réaliser nos collègues ivoiriens et si ces travaux s’achèvent aujourd’hui, nous rétablissons la situation d’il y a une semaine où nous n’avions pas de problème. Pour les réaliser, il faut que les zones de Yopougon et Abobo soient sécurisées parce qu’il faut mettre des gens sur les pylônes pour raccorder les fils qui ont été coupés et un pylône ça fait une trentaine voire une quarantaine de mètres. De cette hauteur, une personne est une cible parfaite. Au niveau de nos autorités, des contacts ont été pris avec leurs homologues ivoiriennes pour qu’elles mettent rapidement en œuvre cette sécurisation et si cela est fait, nos collègues ivoiriens nous ont fait la promesse que les travaux ne vont durer que deux à trois jours. Nous pensons que d’ici la fin de la semaine prochaine, nous allons sortir de cette difficulté à moins qu’il y ait un évènement qui vienne compliquer les choses. Mais nous y croyons parce que tout est en train de se normaliser en Côte d’Ivoire et nous souhaitons que ça continue de cette façon.

Que dites-vous de vos clients qui se plaignent que le programme du délestage n’est pas respecté ?

Nous avions un premier programme depuis que les délestages ont commencé et qui était en cours jusqu’au samedi et il s’appuyait sur un niveau de déficit, c’est-à-dire l’écart entre l’offre et la demande en électricité ; Et comme nous avions établi la situation depuis le début de ce mois, nous avons pensé ne pas faire de communication pour dire que le délestage est terminé. Avec ce qui est arrivé et le fait que nous sommes dans notre période de plus grande charge alors que notre offre n’a pas augmenté, ce qui fait que l’écart entre l’offre et la demande est plus grand qu’au moment où nous publions le premier programme. Cela fait que nous ne pouvons pas respecter ce programme. Maintenant, depuis le mercredi 13 avril, nous avons élaboré un deuxième programme de délestage qui tient compte de l’écart actuel entre l’offre et la demande et en principe, nous devons être en mesure de le respecter sans pouvoir l’appliquer au-delà de la semaine prochaine parce que nous comptons sortir de cette situation.

Qu’aimeriez-vous adresser comme message à vos clients pour les rassurer ?

Nous demandons l’indulgence et la compréhension des usagers de l’électricité, des clients de la SONABEL surtout pour les centres de Ouagadougou et Bobo Dioulasso. Nous avons tout fait pour dépasser cette situation et il y a une semaine, nous pensions être sortis des difficultés. Malheureusement cet évènement inattendu à Abidjan nous a replongés dans la situation d’antan. Nous mettons tout en œuvre pour en sortir et nous sommes conscients des désagréments que cela cause aux clients.

Propos recueillis par Antoine BATTIONO

Le Pays

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