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CHEFFERIE TRADITIONNELLE : Les fils de Boulkon interpellés

Publié le vendredi 1er avril 2011 à 03h30min

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Dans l’écrit ci-dessous, Harouna Dianda donne sa compréhension du problème de chefferie qui prévaut à Boulkon. Cela, en réaction à un article de Abdoulaye Dianda paru dans "Le Pays" du 23 mars 2011.

Suite à la parution de l’écrit de Abdoulaye Dianda dans les colonnes des Editions "Le Pays" le 23 mars 2011 (Voir Le Pays n°4829, page 3) intitulé : "Chefferie traditionnelle : Boulkon gagné par le syndrome du bicéphalisme", il est de mon devoir, en tant que fils du village de Boulkon, d’apporter ma lecture sur ledit écrit. Tout d’abord, il est intéressant de faire comprendre à l’opinion publique que le chef de Boulkon est simplement un chef de village et non un chef coutumier. Il y a des villages où le chef fait le cumul de ces fonctions (la chefferie et la coutume) mais à Boulkon, ces deux entités ne sont pas intimement liées.

A Boulkon, le chef de village et le responsable coutumier travaillent de concert pour le bon développement du village. Sur les points communs des deux camps, je ne reviendrai pas sur l’historique de l’installation des habitants de Boulkon au Passoré. Mais je vais m’appesantir sur la manière d’introniser un chef à Boulkon. Originaires de Kokologho, les habitants de Boulkon devraient introniser leur chef chez le Mogho Naaba comme leurs frères de Kokologho. Mais ils ont préféré passer par le royaume de Yako qui a l’aval du Mogho Naaba. Il n’y a rien de mal en cela. Dire qu’au tout début les chefs de Boulkon étaient intronisés à Sitenga me met mal à l’aise. S’il est vrai que Boulkon a eu à introniser des chefs à Sitenga, qu’on me donne le nom d’un chef ou d’un Naaba qui a transité par le royaume de Sitenga ! Monsieur Boukaré Kimsé, patriarche de Boulkon, feint-il d’ignorer un pan de l’histoire de Boulkon ou voudrait-il faire une entorse à l’histoire de son village ?

C’est depuis les années 50 que Boulkon a commencé à avoir un chef de village qui mérite cette appellation. Avant cette date, il n’y a eu aucun chef dans le village mais simplement des Rassamb Naba qui ne sont rien d’autres que des responsables de jeunes et non des chefs. Notre patriarche commence à confondre un Rassamb Naaba avec un chef de village et surtout les attributions liées à chacun d’eux. Le premier chef du village de Boulkon a été intronisé à Yako par le chef de Yako appuyé par le chef du canton de Toléha. Ce dernier a pesé de tout son poids pour cette intronisation car Sibiri Dianda étant un ancien combattant du canton, il a eu à assurer l’intérim de la chefferie du canton. Et pour récompenser sa bonne gestion du canton, il a été intronisé comme chef de son village et a pris le nom de Naba Yemdé. Il a régné plus de vingt ans.

"Pas d’amalgame entre un chef et un Rassamb Naaba"

Après lui, il y a eu Naaba Tigré. Il y a eu des élections certes mais c’est sous l’œil vigilant du royaume de Yako afin de pouvoir entériner les votes et cela pour dire que les chefs de Boulon sont assujettis au Dima de Yako. Sa Majesté Naaba Sigri peut en témoigner pour mieux éclairer les lanternes de certaines personnes. Ensuite, Adama Raogo a été intronisé aussi à Yako et a pris le nom de Naaba Baongho. Sous le règne de ces trois chefs, le royaume de Yako a régulièrement envoyé les Bilbalsé auprès de ces chefs. Donc, il y a lieu de ne pas faire d’amalgame entre un chef et un Rassamb Naaba à Boulkon. Les divergences au niveau de la chefferie à Boulkon, ont commencé avec le choix ou la désignation de Yacouba Dianda comme deuxième chef le 25 septembre 2010.

Il n’a pas été intronisé et il ne devrait pas se prévaloir du titre de Naaba ou de chef à Boulkon. Naaba Koom a été intronisé le 28 août 2010 chez le chef de Yako. Avant son départ, tous les doyens des différents quartiers ont été informés de ses intentions. Il n’y a eu aucune réaction contraire et Boukaré Kimsé aurait déclaré en son temps qu’il est à la porte des fétiches coutumiers et non le détenteur. Donc, il se garde de se prononcer. S’il y avait un concurrent en ce moment, c’était le lieu de le signaler pour que Souleymane Dianda se patiente. Cela n’a pas été le cas. J’ai personnellement appelé Yacouba Dianda qui se trouvait à Bobo-Dioulasso en ce moment, pour lui donner l’information sur l’intronisation de Souleymane Dianda à Yako. Il a laissé entendre qu’il nous accompagnerait s’il était à Ouaga.

C’est après l’intronisation de Naaba Koom qu’il a fallu contacter certaines personnes dont Yacouba Dianda pour le désigner finalement comme deuxième chef. J’aimerais poser quelques questions à Boukare Kimsé qui aurait désigné Yacouba Dianda comme chef en ces termes :
- "Un individu qui s’autoproclame chef ou qui se fait désigner par un autre individu non-détenteur d’une parcelle de chefferie mérite- t-il l’appellation de chef ou le titre de Naaba ? - Un patriarche à Boulkon intronise-t-il un chef dans son village ? Si tel est le cas, le chef se décoiffe-t-il pour saluer le patriarche ou que fait-il" ? A ma connaissance, Naaba Karfo ne s’est jamais décoiffé pour vous saluer, donc, votre "intronisation" n’a pas de sens dans le domaine de la chefferie moaga.
- Dites-moi ce que la coutume peut faire pour la chefferie à Boulkon en dehors des sacrifices pour éloigner les esprits malfaisants et aussi soutenir le chef dans ses activités de développement. Ce soutien émane non seulement des autorités coutumières mais aussi des autorités religieuses et de toutes les associations du village.

"De quel collège s’agit-il ?"

Ousmane Nobila clame une profanation du trône et un bicéphalisme destructeur ; mais, qui est à l’origine de ce bicéphalisme destructeur ? Pour moi, elle n’existe même pas, cette histoire de bicéphalisme à Boulkon. Il y a un chef et un Rassam Naaba qui a usurpé le titre de chef. Il renchérit en disant que le Collège de sages est le seul garant de l’authenticité du trône sous le voile de nos us et coutumes. De quel collège s’agit-il ? Le responsable coutumier adjoint, responsable du rituel n’est pas de ce groupe. Il est prêt pour les sacrifices s’il s’agit des us et coutumes mais n’a jamais répondu à l’appel s’il s’agit d’invoquer les ancêtres pour Naaba Karfo.

Aussi, les partisans de Naaba Karfo insistent sur les faits que les chefs reçus à Yako ont été choisis par le Collège de sages. Ils reconnaissent d’emblée que Boulkon est assujetti au royaume de Yako. Mais pourquoi six mois après la désignation de Naaba Karfo, il ne s’est pas encore présenté auprès du chef de Yako ? Naaba Koom est né à Boulkon, il est le fils de Naaba Yemdé et non son petit-fils comme l’a indiqué l’écrit du 23 mars 2011 du journal "Le Pays". Il a grandi dans son village et y va fréquemment. Yacouba Dianda , né en Côte d’Ivoire, a connu son village et a été reconnu par certains habitants de son village pour la première fois, il y a à peine une dizaine d’années. Ce monsieur presque inconnu du village et ignorant les obstacles, les interdits, les limites des différents quartiers de son village peut-il se faire une bonne place au soleil dans l’histoire de la chefferie ?

C’est la méconnaissance de tous ces paramètres qui a prévalu à son choix comme deuxième chef à Boulkon créant cette situation confuse et entraînant ainsi une division du tissu social où on mettra longuement du temps pour recoudre les morceaux. Dans l’histoire des chefs à Boulkon, aucun chef n’a fait allégeance à un chef de Sitenga. Le premier chef de Boulkon a été Naaba Yemdé. Depuis son intronisation dans les années 50 jusqu’à nos jours, je n’ai pas entendu dire qu’un chef de Boulkon est parti se faire valoir ou se soumettre à un chef de Sitenga. Mais, s’il s’agit des responsables de jeunes ou Rassam Naaba, je n’en sais rien. Et si Naaba Karfo est un Rassam Naaba comme je le pense, qu’on nous le dise et que cessent les disputes intestines parce qu’un responsable de jeunes n’a aucun pouvoir sur un chef du village. S’il se dit chef et est reconnu seulement par le chef de Sitenga, nous ne discutons pas là-dessus car là où Naaba Koom a pris son bonnet de chef, c’est là-bas également que Naaba Ligdi de Sitenga a pris le sien il y a de cela un demi-siècle. Et selon le royaume de Yako, quand deux chefs se valent, personne ne doit allégeance à l’autre.

Ce sont de simples relations d’amitié, d’échanges pour le renforcement de la chefferie d’une manière générale dans le royaume moaga. Il faut rappeler que Boulkon occupe les terres du royaume de Sitenga mais aussi celles du canton de Ramessom (Arbolé). Donc, sur le domaine de l’occupation des terres, Arbolé est aussi notre hôte. Depuis l’intronisation de Naaba Koom, il y a de cela six mois, aucune tournée de reconnaissance de son pouvoir par d’autres chefs n’a été faite. Les anciens disent qu’on ne fait pas une publicité sur un objet de valeur. Pourquoi donc battre le tambour et emboucher la trompette pour exhiber la légalité et la légitimité de Naba Koom ? En dehors de la sortie officielle pour aller saluer sa Majesté le Mogho Naba Baongho le samedi 20 novembre 2010 et cela sur proposition de Naba Sigri de Yako qui l’a intronisé, Naba Koom n’a répondu qu’à des invitations.

Il a été à Arbolé le 30 octobre 2010 à la cérémonie coutumière du chef d’Arbolé appelée Baskoui. Il est parti également à Boulma chez le chef de canton et ce, pour assister à l’inauguration d’un barrage le 22 janvier 2011. Ensuite, il a participé à une rencontre des chefs de villages du département de Arbolé le 16 février 2011 et à la fête de l’igname de Arbolé le 19 février 2011. Enfin, Naba Koom a été salué le Ouagadogo Naba parce qu’il réside dans son quartier et doit se soumettre au monarque supérieur.

"Où se trouve cette tournée de reconnaissance du pouvoir de Naba Koom ?" Le patriarche de Boulkon dit que Naba Koom est persona non grata dans son village. Nous avons entendu cela plusieurs fois mais Naba Koom est toujours allé dans son village sans problème. De novembre à nos jours, il est parti plus de cinq fois dans son village et il a quitté Boulkon tout dernièrement le 27 février 2011, il y a de cela un mois. Il se rendra toujours dans son village quand le besoin se fera sentir. Je voudrais demander au doyen du village : Est-ce que dans nos us et coutumes, il y a la possibilité d’interdire fortuitement un simple individu dans son village à plus forte raison un chef ?

La seule personne qui peut être interdite du village est celle qui est bannie. Le bannissement peut être prononcé devant celui qui commet une faute grave : liaison avec une femme du village, sorcellerie appelé « Ti soaré », les relations sexuelles entre fils et filles du village… Pour le dernier cas, certains faits sont patents. Mais qu’est-ce que les responsables coutumiers ont fait ? Parlant de l’annulation de l’intronisation, je crois que le chef de Yako a déjà tranché et que cette heure est revolue.

Si depuis novembre jusqu’à nos jours il n’y a pas eu une réponse sur cet écrit, c’est que le Naba Sigri ne revient plus sur sa décision et que Naba Koom demeure et demeurera le seul chef reconnu de Boulkon. S’il y a toujours de doute, le chef de Yako est là et vous pouvez aller réclamer la réponse. D’une manière générale mon frère Abdoulaye, collaborateur du journal "Le Pays", a fait son travail et il est à féliciter. Mais nous remarquons que quelque chose s’est grippée dès son départ de Yako jusqu’à son arrivée à Boulkon.
- Sinon pourquoi après l’audition des partisans des deux camps et celle du chef de Sitenga, vous n’avez pas été écouté le chef de Yako pour bien clore votre écrit étant donné que vous logiez aussi à Yako ? -Qu’est-ce qui vous a poussé à aller à Boulkon pour recueillir les informations sur la chefferie ? -Pourquoi monsieur le journaliste, avez-vous choisi Hamado Dianda comme premier interlocuteur et non le deuxième conseiller Pierre Dianda ou une autre personne ?

- Pourquoi le choix des cours du patriarche et de l’oncle en lieu et place des cours des deux chefs ? Normalement c’est devant les cours des deux chefs que vous devrez rechercher vos informations et c’est aux deux camps d’apporter les interlocuteurs nécessaires pour vous aider. Il y a eu un "téléguidage" quelque part, ce qui donne un déséquilibre au niveau de l’information vous conduisant sur un terrain partisan même si vous avez fait l’effort de vouloir rester neutre. Le calme règne déjà au village et j’interpelle tous les fils et filles de Boulkon à la recherche rapide d’une solution à cette histoire de chefferie.

Harouna DIANDA

Le Pays

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