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Municipalités du Burkina : Sale temps pour les maires

Publié le lundi 27 septembre 2004 à 07h33min

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Depuis que le Burkina Faso fait l’expérience de la décentralisation, entendez la délocalisation du pouvoir, qui quitte le sommet pour descendre à la base, les conseils municipaux sont de nos jours une des composantes du paysage politique du pays.

Sous d’autres cieux, un maire et de façon générale, les conseillers municipaux sont généralement issus de localités où ils sont connus comme le loup blanc, puisqu’ils y ont commencé la politique au bas de l’échelle pour ensuite en gravir les différents paliers.

En Afrique, dans certains pays il arrive que des maires empruntent le même cheminement, mais il est fréquent que des "parachutés" accèdent également aux postes de bourgmestre simplement parce qu’ils ont des soutiens haut placés dans la capitale. En quelques années donc, plusieurs communes burkinabè se sont dotées par les urnes de conseils municipaux qui, cahin cahan, président aux destinées des populations locales.

Mais voilà, le hic, c’est qu’au fil du temps on s’est rendu compte que ces conseils sont souvent un conglomérat d’individus ou de partis dont les intérêts divergents s’accordent mal avec la gestion saine et transparente d’une commune. Conséquence : en quelques années de vie, ces municipalités volent en éclats, ou même si elles ne le font pas constituent des coquilles vides, les actions contradictoires enrayant toute avancée de la commune. De ce fait, ces derniers mois ont vu des mairies soufflées par des bourrasques, qui ont réduit ces temples de décisions locales à l’ombre d’eux-mêmes.

Le rituel est quasi immuable : un groupe de conseillers municipaux commencent à s’agiter et à distiller des amabilités et autres philippiques à l’endroit du maire, qui est accablé de toutes les tares de gestion, puis ils passent à une seconde phase qui consiste soit à démissionner, soit à demander le départ du maire. En l’espèce la mairie de Kongoussi est un des premiers cas d’école : on est mémoratif que dans cette municipalité, une tambouille avait opposé le premier responsable à certains conseillers, qui n’avaient pas trouvé mieux que de rendre le tablier, ce qui avait ouvert une crise qui a perduré et qui a abouti au remplacement du bourgmestre.

Aujourd’hui c’est un adjudant-chef de gendarmerie à la retraite qui est à la tête de la délégation spéciale. Bobo-Dioulasso offre également un exemple en la matière, même si la capitale économique peut être considérée comme une spécificité. Lorsque le 10 février 2000, Célestin Bayo Koussoubé prend les rênes de cette mairie sous les gaz lacrymogènes (policiers, partisans de l’édile sortant Afred Sanou et ceux de Koussoubé s’affrontant avec à la clef la mort du policier Vincent Ouédraogo), et ce après un long épisode politico-judiciaire, il n’ignorait pas que son "règne" ne serait pas facile, les partisans de son prédécesseur ayant juré, dit-on, de lui rendre la vie impossible.

Vrai ou faux, en tout cas les 4 ans de l’ère Koussoubé ont été marqués par de sporadiques crises au sein de la commune, si ce ne sont pas les maires des arrondissements qui croisent le fer entre eux, opposant les pro-Koussoubé et ceux du camp de Salia Sanou et Cie. En réalité, la mairie de Bobo-Dioulasso a toujours été le siège d’une guerre permanente, la ville étant supposée n’avoir jamais de leader politique autour duquel les militants font chorus.

Il est vrai que les politiques rejettent cette assertion, mais le constat est là que Sya a toujours manqué de cette voix qui pourrait faire parler les populations d’une même... voix. La bagarre des clans y est sempiternelle avec comme summum le récent débarquement à Ouagadougou de nombreux militants, ou supposés tels, venu se plaindre au siège du CDP à Ouagadougou du renouvellement des structures de base dans leur province. Sans que le calme ne revienne véritablement.

Loin de Bobo, c’est Ziniaré qui voit son Conseil municipal désavouer le maire. Ici aussi le cas est assez intéressant, car il s’agit du patelin présidentiel, dont la réputation en matière de fidélité à Blaise Compaoré n’est pas surfaite, puisqu’aux dernières municipales, c’est un "tuk guili" que le CDP y a engrangé. Et n’est pas maire de Ziniaré qui veut, car il faut avoir le OK personnel du président, et ici à ce qu’on dit, en plus le maire a l’aval total d’une des sœurs de Blaise Compaoré. Ce qui relativise également un des arguments avancé par le CDP pour modifier le mode de scrutin au niveau des municipales, qui sera la proportionnelle à la plus forte moyenne, au lieu du plus fort reste, argument qui consiste à dire qu’il faut des majorités fortes au sein des mairies pour avoir des conseils municipaux stables.

Pourquoi avec cette majorité cdépiste, le maire de Ziniaré, alors qu’il était en déplacement à Pouytenga, a-t-il appris la démission de tous ses conseillers ? Le président et sa sœur l’auraient-ils lâché en plein vol sans parachute ? Ce sale temps pour les maires n’a pas épargné celui de Ouahigouya, ville hautement politisée, dont le conseil municipal est aussi dirigé par un cdépiste, et dernier en date à être touché par cette pandémie, car pas plus tard que la semaine dernière, plus de la moitié des conseillers municipaux envoyaient "une motion de défiance" à l’encontre du maire au ministère de tutelle des mairies, celui de l’Administration territoriale et de la Décentralisation.

Le ton souvent acrimonieux de ce petit brûlot dénote que la crise est profonde au sein de cette municipalité. On l’aura remarqué, d’une mairie à l’autre, si les gens semblent braqués sur la présidentielle de 2005, certains n’ignorent pas que ce sera aussi, sauf report comme on le susurre, l’année des municipales, c’est-à-dire la démocratie à la base. Or ces querelles de tranchées avec leur lot de dénonciations calomnieuses (même s’il est vrai que certains maires méritent les critiques qui leurs sont adressées) n’arrangent en rien le parti au pouvoir.

En effet, ces zones de turbulences à un an de ce scrutin local ne peuvent qu’arranger l’opposition, qui peut, le moment venu, en récolter des dividendes. S’il est vrai que le parti majoritaire cultive la démocratie en son sein, il faut d’abord commencer par ne pas imposer des gens depuis Ouagadougou, car si les partis se créent au sommet comme qui dirait, leur gestion quotidienne devrait par contre toujours tenir compte de la base. Cela dit rien ne sert aujourd’hui d’accuser un maire de vouloir se servir de sa position comme tremplin pour se mettre en pole position lors des municipales de 2005.

Car à défaut de mieux il voudrait au moins conserver son fauteuil. C’est légitime, mais c’est tout aussi légitime que d’autres veuillent lui ravir la place. Le vrai débat est qu’au soir de la présente mandature, chaque conseil municipal puisse dresser un bilan honnête de son quinquennat. En ne prétextant pas des bâtons qu’on lui avait mis dans les roues pour justifier un échec éventuel. Le reste sera encore et devra être laissé aux populations locales, qui auront alors à décider, par voie des urnes, de qui doit être digne de diriger ces mairies qui sont bien souvent, hélas, des refuges pour affairistes et potentats locaux, qui se servent au lieu de servir les populations pour lesquelles ils sont là où ils sont.

Observateur Paalga

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