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Mahamadou Issoufou élu président du Niger : Le plus difficile reste à faire

Publié le mardi 15 mars 2011 à 12h25min

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C’était une victoire annoncée. Socialement et électoralement. On voyait mal les Nigériens, qui s’étaient mobilisés pour dégager en touche Mamadou Tandja, appeler un de ses ex-compagnons de route pour prendre la présidence. Le score de Mahamadou Issoufou au premier tour et le ralliement immédiat de la grande majorité de ceux qui s’étaient présentés contre lui rendaient son échec totalement improbable.

Le deuxième tour de la présidentielle 2011 au Niger n’a pas, du même coup, mobilisé les foules (à peine plus de 48 % de taux de participation contre près de 52 % au premier tour) mais la logique mathématique a été respectée : Issoufou devient le président de la République du Niger avec 1,8 million de voix, soit près de 58 % des suffrages exprimés, contre 1,3 million de voix (moins de 42 % des suffrages) pour son challenger Seyni Oumarou. Dans le contexte qui est aujourd’hui celui de l’Afrique de l’Ouest, on ne peut que se réjouir de ce qui s’est passé au Niger : après que Mamadou Tandja ait tenté de se maintenir au pouvoir, que l’armée l’en ait dégagé en surfant sur le mécontentement de la population voici donc un civil, un « opposant historique », porté à la présidence par une élection qui s’est déroulée sans incidents majeurs et sans heurts. Et dont le résultat a été rapidement connu et communiqué officiellement. C’est une source de satisfaction alors que les Ivoiriens s’entretuent et que la classe politique béninoise a bien du mal à remettre la main sur sa « démocratie » compte tenu du foutoir qui règne à Cotonou.

Dans une Afrique de l’Ouest congestionnée depuis trop longtemps, l’accession au pouvoir de Issoufou va faire souffler un vent nouveau. Bien plus que la victoire tripatouillée de Alpha Condé en Guinée qui est le seul à penser que l’armée guinéenne est devenue « républicaine » et arrive à se convaincre qu’il n’en est pas l’otage. Et puis Issoufou a une bonne douzaine d’années de moins que Condé (pas encore 60 ans quand l’autre en a déjà plus de 72 !). On notera que l’un et l’autre sont des leaders de partis affiliés à l’Internationale socialiste, ce qui pourrait donner du baume au cœur et des raisons d’espérer aux candidats de « gauche » aux prochaines élections présidentielles africaines (même si le plus emblématique des « socialistes » ayant accédé au pouvoir est un certain Laurent Gbagbo !).

Le changement est d’autant plus remarquable en Afrique de l’Ouest que Tandja, exaspéré par les commentaires des uns et des autres sur son comportement politique, avait tendance à jouer la périphérie plutôt que le centre et était prêt à succomber aux sirènes (étrangères) qui lui faisaient remarquer que l’UEMOA comme la Cédéao étaient des cadres trop étroits pour ses immenses ambitions. Issoufou, quant à lui, ne manquera pas de jouer un jeu d’autant plus collectif qu’il est conscient qu’il y a beaucoup à faire dans son pays et que l’essentiel ne pourra pas être fait si Niamey continue à jouer « perso ». Il sait aussi que la déstabilisation de l’Afrique du Nord et la montée en puissance, au cours des dernières années, de AQMI, sont des facteurs de risques majeurs tout comme les soubresauts de son trop puissant voisin, le Nigeria. Et que ce n’est pas en restant dans son coin qu’il pourra trouver des solutions à ces problèmes qui sont, d’abord, sous-régionaux.

Dans un contexte régional et continental tendu, le caractère exceptionnel de l’évolution de la situation politique au Niger doit être affiché clairement : une population et une classe politique coalisées contre un chef d’Etat qui voulait perdurer au pouvoir ; une armée républicaine qui a géré sereinement la transition ; des élections qui confirment la primauté de l’Etat de droit ; des partis politiques qui jouent le jeu du débat démocratique.

Mais il faut prendre garde à ne pas trop penser que le Niger est aujourd’hui paré de toutes les « vertus » dont sont dépourvus bon nombre de pays de la sous-région (et d’ailleurs). Il serait naïf de penser que quelques « vices » ne se sont pas immiscés dans les plis vertueux de la « démocratie » nigérienne. Pour Issoufou, le plus difficile reste à faire : démontrer que la pauvreté du Niger résulte non pas de la nature du pays mais de sa mauvaise gestion. C’est un joli discours pour un leader politique d’opposition ; c’est un programme handicapant pour un président de la République élu avec… le soutien d’une flopée de leaders politiques qui, tous, ambitionnent d’être « près de la marmite ». Certes, Issoufou n’est pas un imbécile ; et sait qu’il devra composer avec les uns et les autres comme avec son propre parti. Il sait aussi que la population a voté pour lui parce qu’il était, plus qu’aucun autre, le candidat de la « rupture ». Mais cette alternance est, aussi, un saut dans l’inconnu pour un parti qui, depuis sa fondation, n’a guère eu l’occasion de gouverner le pays ; il lui faudra donc, nécessairement, composer avec les « autres ».

Au « despotisme éclairé » prôné en Afrique par Michel Rocard, ancien premier ministre français (et socialiste), Issoufou oppose la « démocratie apaisée » ayant des « relations régulières et constructives » avec l’opposition ; dans cette perspective consensuelle, on attend de connaître le nom du premier ministre dont la nouvelle Constitution dit qu’il est responsable non seulement devant l’Assemblée nationale mais également devant le président de la République. Il ne faudrait pas que le caractère « apaisé » de la démocratie nigérienne vienne bloquer le fonctionnement de l’appareil étatique ; cela s’est déjà vu dans ce pays et a conduit l’armée à intervenir ! Il ne faut pas perdre de vue, non plus, que le PNDS-Tarayya, le parti de Issoufou, entend être celui de « la liberté, de l’égalité, de la justice, de la tolérance et de la solidarité ». Les électeurs ne l’ont pas oublié ; mais ce n’est pas pour autant que le PNDS est majoritaire : premier parti du Niger, certes, mais pas pour autant majoritaire à l’Assemblée nationale (39 sièges de députés sur 113 !). Issoufou aura-t-il les mains libres et, s’il les a, jusqu’où pourra-t-il aller alors que l’ancienne classe politique est restée dix ans au pouvoir et a pris des habitudes ?

Il convient de noter, surtout, que Issoufou accède au pouvoir alors que le Japon vit un drame « historique ». On me dira que Tokyo est bien loin des préoccupations de Niamey. Certes, mais ce drame « historique » a, aujourd’hui, une composante industrielle majeure : l’énergie nucléaire. Or la croissance économique du Niger est fondée sur le renouveau de ce secteur d’activité puisque la matière première en est l’uranium dont il est un des principaux producteurs mondiaux. Il est probable que, compte tenu de ce qui se passe sur la côte orientale du Japon, partout dans le monde il soit décidé de mettre un terme à nombre de programmes d’équipement envisagés.

Alors qu’il y a quelques jours, avec un baril de pétrole surfant au-dessus des 100 dollars rendant du même coup l’énergie nucléaire plus rentable qu’elle ne l’était, avec la perspective de construire 450 nouveaux réacteurs d’ici 2030 (soit un parc de près de 1.000 réacteurs à cette époque), l’uranium était un produit « tendance ». Les cours atteignaient 70 dollars la livre et les spécialistes espéraient une hausse des cours de 32 % en 2011. De quoi faire rêver les pays producteurs ; et notamment le Niger.

Mais la catastrophe nucléaire qui menace le Japon remet en question ces perspectives. Il est certain que le cours de l’uranium va dégringoler. C’est dire que la marge de manœuvre économique et financière de Issoufou, dans un contexte local qui ne sera pas nécessairement aussi « apaisé » qu’il peut l’espérer, sera étroite. La « bonne gouvernance » ne sera plus une nécessité mais un strict impératif si l’on veut que la « rupture » réclamée par les Nigériens ait les effets politiques et (surtout) sociaux qu’ils espèrent.

Jean-Pierre BEJOT
LA Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 15 mars 2011 à 13:11, par elcohote En réponse à : Mahamadou Issoufou élu président du Niger : Le plus difficile reste à faire

    Bien plus que la victoire tripatouillée de Alpha Condé en Guinée qui est le seul à penser que l’armée guinéenne est devenue « républicaine » et arrive à se convaincre qu’il n’en est pas l’otage.

    ah bon ?????? donc elle est tripatouillée ?
    par qui ?
    la france et ses sbires ?
    pourquoi vous plaignez vous dc que Gbagbo refuse de se laisser avoir comme un sale con par ces sales blancs qui se permettent tout en afrique.
    ils viennent chier chez nous et nous demande de ramasser leur sale défectures et de la ramener dans leurs pays.

    vivement que la troisième guerre mondiale vienne rétablir une fois de plus un étquilibre pour les 50 prochaines années.

  • Le 15 mars 2011 à 13:58, par wise En réponse à : Mahamadou Issoufou élu président du Niger : Le plus difficile reste à faire

    en reponse a ce monsieur qui demande une troisieme guerre mondiale je dirai ke vous etes un frustré car ce sont pa de bonnes pensée. suis daccord quand tu dis que les blancs fouten le bordel dan nos Etats mai pas juska reclamer une guerre pour ca. si t’a envie de te battre pour eradiquer ca je pense qu’il existe plusieurs moyens a savoir travailler a eveiller les conscience au lieu de dire des betisses du genre

  • Le 15 mars 2011 à 16:05, par 58 ruemeurt (la rumeur) En réponse à : Mahamadou Issoufou élu président du Niger : Le plus difficile reste à faire

    Cher Monsieur Béjot,

    J’ai toujours plaisir à lire vos articles surtout ceux sur la Côte d’Ivoire comme si vous étiez vous même ivoirien de souche. Merci de continuer à nous donner des infos, et partager vos analyses .

    Mais je voudrais bien lire vos analyses prochaines sur l’après Gbagbo car il est en train de faire ses valises actuellement . dans 24 heures nous le saurons dans son discours que tout le monde attends d’un instant à l’autre.

    Encore merci .

  • Le 15 mars 2011 à 23:31 En réponse à : Mahamadou Issoufou élu président du Niger : Le plus difficile reste à faire

    j envie juste la transition qu il a eu ds ce pays ! EXEMPLAIRE !

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