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Arthur Patiendé Kafando, Ministre de l’Industrie, du commerce, de la Promotion de l’initiative privée et de l’artisanat : « Il y a des stocks sécurisants de produits de grande consommation »

Publié le vendredi 11 mars 2011 à 09h49min

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Nommé en janvier 2011, Arthur Patiendé Kafando, ministre de l’Industrie, du commerce, de la promotion de l’initiative privée et de l’artisanat est arrivé en pleine crise postélectorale en Côte d’ivoire. Les effets de cette crise sont durablement ressentis par l’économie burkinabè. Le gouvernement essaie d’en amoindrir les répercussions. Dans l’entretien suivant, le ministre Kafando évoque les répercussions néfastes de la crise sur le système commercial burkinabè. Il aborde également, les mesures palliatives adoptées par le gouvernement pour limiter les dégâts. Sans oublier d’inviter les opérateurs économiques, ainsi que les consommateurs, à adopter les bons comportements.

Sidwaya (S) : Comment ressent-on les effets de la crise postélectorale en Côte d’Ivoire sur l’économie et le commerce burkinabè ?

Arthur Patiendé Kafando (A.P.K.) : Depuis les évènements postélectoraux en Côte d’Ivoire, notre pays, à l’instar des autres pays de l’hinterland, fait face à de réelles difficultés. Cela s’explique par le fait que ce sont des économies fortement intégrées à l’économie ivoirienne. Pour le cas spécifique du Burkina Faso, nous avons une grande partie de nos importations qui viennent par le corridor ivoirien. On peut évaluer cela à environ 90% des importations. C’est le premier corridor, en termes de volume des importations, même si nous avons d’autres corridors, tels que ceux du Bénin, du Ghana et du Togo. Il faut rappeler qu’il y a eu suffisamment d’investissements faits au port autonome d’Abidjan qui permettait la sérénité des importations.

A cela s’ajoute le chemin de fer qui facilitait l’acheminement des marchandises en partance ou en provenance du port autonome d’Abidjan. En un mot, le corridor ivoirien offre des avantages que nous n’avons pas avec les autres corridors. Mais avec la crise postélectorale, nous constatons le ralentissement de l’ensemble des activités du réseau ferroviaire provoquant des problèmes d’approvisionnement du pays. On assiste aussi au renchérissement des coûts des importations dans la mesure où il a fallu nécessairement se rabattre sur les autres corridors. C’est le lieu de saluer les acteurs privés qui ont su s’adapter au nouveau contexte et au nouvel environnement. Ils ont pris des initiatives pour faire rentrer leurs marchandises, avec l’appui de la Chambre de commerce, du Conseil burkinabè des chargeurs (CBC) et des groupements professionnels. On peut donc affirmer que bien que la crise ivoirienne soit durement ressentie, le Burkina Faso continue d’être régulièrement approvisionné, de sorte que nous n’aboutissons pas à des ruptures de stocks, au manque d’un certain nombre de produits essentiels et nécessaires à la consommation.

S. : Quel est le secteur économique au Burkina Faso le plus touché par cette crise ?

A.P.K. : A ce niveau, il faut citer en premier lieu, les industries, surtout celles situées dans la zone Ouest de notre pays. En effet, la plupart des industries s’approvisionnent en matières premières à partir du corridor ivoirien. Aujourd’hui, elles ont des difficultés d’approvisionnement, d’importation de matières premières. Nous pouvons citer les cas des industries telles que la Société africaine de pneumatique (SAP), Winner Industrie et la SN-Citec qui ont eu des difficultés sérieuses au départ. Certaines ont momentanément interrompu leur fonctionnement, avant de reprendre leurs productions.

S. : En termes chiffrés, quel est, à l’heure actuelle, le manque à gagner pour le Burkina Faso dans cette crise ?

A.P.K. : Ce travail est en cours au sein du ministère en charge du Commerce. Nous avons mis en place une cellule de veille économique qui va nous permettre d’évaluer les pertes et surtout, de suivre l’évolution des stocks et des prix des marchandises, etc. Nous attendons le rapport de la cellule de veille pour avoir l’évaluation complète de la situation.

S. : Quelles sont les différentes missions de la cellule de veille ?

A.P.K. : La cellule de veille travaille sur plusieurs thématiques. Elle regroupe la Chambre de commerce, le Conseil burkinabè des chargeurs (CBC), la douane et les groupements professionnels, la société civile et bien sûr, les directions techniques de mon département.
La cellule de veille va à un certain moment, synthétiser l’ensemble des problèmes et proposer des réponses. Ces propositions seront des recommandations à soumettre au gouvernement. En attendant cela, nous avons un noyau dur qui réfléchit chaque semaine, sur les effets de la crise. Le rapport hebdomadaire concerne l’ensemble des stocks que nous avons au niveau national. Le noyau dur surveille également, les prix des produits de grande consommation. Il regarde aussi la question des hydrocarbures.

C’est à partir des recommandations de la cellule de veille que nous pouvons affirmer que la situation actuelle n’est pas alarmante. Les stocks de nos jours, sont à un niveau rassurant. Au niveau des prix, nous avons fait une moyenne qui permet de dire qu’ils n’ont pas flambé.

S. : Néanmoins, le gouvernement a pris des mesures palliatives. Dévoilez-nous ces mesures qui permettent de faire face à la crise ?
A.P.K. : Il s’agit d’abord, de trouver un accompagnement pour les opérateurs économiques. L’urgence c’était de les rencontrer, afin d’échanger avec eux pour savoir leurs préoccupations. Nous avons pu rencontrer les représentants des commerçants, de même que ceux des syndicats et des consommateurs. Nous avons, par exemple, conseillé aux opérateurs économiques de s’orienter désormais vers les autres corridors, notamment, les ports de Lomé, de Takoradi et de Téma. Nous les avons assistés quand il s’est agi de faire sortir les marchandises bloquées au port d’Abidjan, puisque le train continuait de circuler, même si c’était des mouvements très lents. Ainsi, de plus de 28 000 tonnes de marchandises stockées à Abidjan, au départ, nous en sommes aujourd’hui, à moins de 2 000 tonnes. Cela témoigne du fait qu’un accompagnement a été fait. Cependant, il y en a qui ont toujours leurs marchandises stockées à Abidjan.

S : Pour éviter pareille situation où le Burkina Faso se voit obligé de déployer de grands moyens afin d’éviter le pire, n’est-il pas envisageable de réduire la dépendance de l’économie burkinabè vis-à-vis du corridor ivoirien ?

A.P.K. : L’une des réflexions que nous menons est de trouver des solutions à long terme, en ce sens que les crises ne sont pas prévisibles. Il faut que la réflexion soit orientée vers la sécurisation de notre pays, en matière d’approvisionnement, de production et d’animation sur les échanges commerciaux. Le ministère en charge du commerce est en train de mener des réflexions sur cette instruction la direction générale du commerce pour les questions de commerce intérieur et extérieur. Le but final est que les opérateurs économiques ne soient pas cantonnés sur un seul corridor. Il faut reconnaître que la Côte d’Ivoire a dans la sous-région, un poids économique et des avantages évidents. De nos jours, d’autres pays sont en train de se positionner, de développer des initiatives et de faire des investissements qui peuvent, à terme, compenser ce poids de la Côte d’Ivoire dans notre espace communautaire. Il convient également de travailler à faire des investissements structurants.

Ainsi des projets tels que le chemin de fer devant relier le Burkina Faso au Ghana, serait d’une grande importance. En outre, en termes de distance, le Burkina Faso n’est pas éloigné du port de Conakry, en Guinée. S’il y avait un investissement structurant qui permettait de joindre le port de la capitale guinéenne, on aurait davantage de débouchés. La vision à moyen et long terme, devrait être que le Burkina Faso œuvre, de concert avec les autres pays de la sous-région, à faire des investissements structurants. Cela ne peut se réaliser qu’avec l’intervention de la CEDEAO et/ou de l’UEMOA. Nous n’en sommes pas encore là. Mais à court terme, nous nous devons d’orienter les opérateurs économiques vers d’autres corridors de la sous-région, pour un trafic plus fort.

S : Avec l’évolution de la situation, ne va-t-on pas assister à une pénurie de certains produits de grande consommation, tels que les hydrocarbures ?

A.P.K. : Sur la question, il faut se féliciter du fait que le secteur privé burkinabè a une grande capacité d’adaptation. Les évènements de crise en Côte d’Ivoire en 2002 et de crise économique mondiale en 2008, ont montré la voie à nos opérateurs qui ont développé des initiatives permettant de sécuriser les stocks nationaux. Nous veillons à ce que la disponibilité des produits alimentaires soit effective sur tout le territoire national.

Pour ce qui est du cas précis des hydrocarbures, la capacité de la SONABHY (NDLR : Société nationale burkinabè des hydrocarbures) nous met en sécurité, avec des stocks à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Contrairement à certains pays, qui même avant la crise, ont constaté des pénuries de gaz, le Burkina Faso, ne connaît pas ce problème. Il y a certes, parfois, des phénomènes tels que les bouteilles de gaz venues de l’étranger qui inondent notre marché et qui ne sont pas chargées par la SONABHY. Il ne faut pas confondre cette situation avec la disponibilité de gaz au Burkina Faso. Pour ce qui est des produits pétroliers, la SONABHY a fourni des efforts qui impactent son compte d’exploitation. En effet, elle a assuré près de cinq milliards de FCFA de perte, en vue de pouvoir stabiliser les prix à la pompe, les mois passés. Il faut se rassurer, nous disposons de stocks sécurisants de produits de grande consommation.

S. : Comment va se faire la surveillance des prix sur toute l’étendue du territoire national ?

A.P.K. : Je voudrais d’abord rassurer l’ensemble des opérateurs économiques que nous ne sommes pas revenu au contrôle des prix. Nous allons seulement faire une opération de surveillance, parce que les prix sont libres. Ils sont fixés librement et ont une structure.
L’Inspection générale des affaires économiques (IGAE) va mettre sur le terrain, des équipes qui vont vérifier la disponibilité des stocks des produits de grande consommation. Elles vont s’assurer que les prix des produits sont affichés et vérifier la structure des prix pratiqués. L’opération va permettre également de vérifier la qualité des produits sur le marché.

S. : Quel est votre message à l’endroit des consommateurs ?

A.P.K. : Je voudrais lancer un appel à tous les consommateurs pour leur dire qu’ils ont eux aussi un rôle à jouer dans la recherche de solutions. En effet, le comportement qu’ils vont adopter face à la situation, peut avoir des répercutions sur l’économie. En rationalisant la consommation de certains produits comme l’électricité, le gaz, les hydrocarbures, ils contribueront au renforcement des stocks de ces produits.

Par ailleurs, il faut que les consommateurs changent leurs habitudes alimentaires, en mettant l’accent sur la consommation des produits locaux. Nous allons travailler à ce qu’il ait des boutiques-témoins. Là où on pourra facilement trouver ces produits alimentaires produits ici au Burkina Faso. Avant tout ça, il faut que nous-mêmes, nous ayons le réflexe de consommation des produits locaux. Le ministère dans sa politique sectorielle, axe une partie de sa politique sur la transformation des produits locaux. Nous allons encourager les transformateurs qui iront dans ce sens.

S. : Votre message à l’endroit des opérateurs économiques et des commerçants.

A.P.K. : Je voudrais en de moments pareils, leur demander, comme cela a été fait pour les importateurs, de continuer de nous accompagner. La situation interpelle tout le monde. Seul, le gouvernement ne peut imaginer des mesures qui soient des réponses à la situation, sans la collaboration de tous les acteurs économiques, notamment, ceux qui sont dans la chaîne de distribution. Dans la chaîne de distribution, il faut que le produit soit disponible.

Ensuite, il faut que les prix soient affichés et que les prix affichés soient ceux pratiqués. Les prix ne doivent surtout pas être hors norme. Nous souhaitons que l’ensemble de ces commerçants et de ces acteurs au niveau de la distribution, participent à ce que la période de crise postélectorale en Côte d’Ivoire ne soit pas très insupportable pour les consommateurs. Nous savons qu’il y a un comportement citoyen au Burkina Faso. Que les commerçants continuent sur cette lancée et rendent disponibles et accessibles les produits.

Interview réalisée par Alban KINI
(alban_kini@yahoo.fr) et Ouamtinga Michel Ilboudo

Sidwaya

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