Il y eut d’abord la déclaration de Barack Obama. A tout le moins, elle fut brutale. Le chef de la Maison-Blanche, à dessein, se départit des circonlocutions diplomatiques d’usage pour se fendre d’un lapidaire « Kadhafi doit partir ». Dans la foulée suivirent les sanctions annoncées vendredi, par l’exécutif américain, contre le régime Kadhafi. Et seulement quelques heures plus tard, on annonça que des forces navales et aériennes américaines seraient déployées dans les pays voisins de la Libye.

Et ce, au moment même où les puissances occidentales n’excluent pas la possibilité d’une intervention manu militari contre le régime du bien bouillant colonel Kadhafi. La concomitance des faits est loin d’être fortuite ; même si, par ailleurs, la chef de la diplomatie américaine, Hillary Clinton, depuis Genève, a affirmé qu’« il n’y aura pas d’action militaire impliquant des navires américains. »

Il faut le reconnaître tout net, on ne met pas en branle pareille armada, dans les circonstances que l’on connaît, dans le seul but d’offrir une virée touristique à ces soldats à des milliers de kilomètres des côtes américaines. Plus militaire et forcément moins diplomatique, c’est le porte-parole du Pentagone qui traduit un peu plus l’intention américaine lorsqu’il annonce que « nous sommes en train de repositionner des forces afin d’avoir la flexibilité nécessaire une fois que les décisions auront été prises ».

C’est presque une dernière sommation lancée au Guide libyen qui, par la férocité ainsi que la barbarie de sa répression, a bien exaspéré une communauté internationale qui a bien la ferme intention d’en finir avec lui, une fois pour toutes.

Et de toute évidence, les Américains, dans cette expédition punitive, n’ont pas l’intention de jouer les derniers rôles. La célérité des décisions américaines s’explique certainement par le nombre élevé de victimes déjà enregistré ; mais aussi et peut-être surtout, par le risque élevé d’enlisement que promet sans doute, les jours à venir, la bataille de Tripoli ; car, s’il est réel que la quasi-totalité de la Libye se trouve en ce moment sous le contrôle des insurgés, lesquels ont été jusqu’à ériger un Conseil de transition, il n’en demeure pas moins que Kadhafi et l’ensemble de son clan chercheront à se barricader dans Tripoli dont ils sont à ce jour maîtres, et, pour cela, useront de tous les moyens nécessaires.

Le Guide a clairement signifié qu’il vendrait cher sa peau. Pas de doute là-dessus, il ne se rendra pas au premier des soldats qui se montrera. D’ailleurs, les milliers de mercenaires dont il loue grassement les services ont été appelés en renfort à cet effet. Selon des sources concordantes, ils seraient à tout le moins 6000, certains, Africains, d’autres, les plus nombreux, d’Europe de l’Est, dont un peu plus de la moitié serait postée dans la seule ville de Tripoli. Kadhafi a gardé de sa formation et de ses séjours dans les pays slaves de solides amitiés idéologiques qui ne demandent qu’à lui venir en aide. Et d’aide, le Guide ne pourra plus jamais en avoir besoin autant que maintenant.

Les guerres les plus atroces étant celles où se trouvent engagés des mercenaires, on peut pressentir que l’assaut de Tripoli ne se fera pas sans fracas considérables. Et ce sont là des aspects dont devront tenir compte absolument les alliés occidentaux au cas où une intervention serait décidée contre les fidèles de Kadhafi ; d’autant que l’opposition libyenne elle-même se montre plutôt réservée quant à ce qu’elle perçoit comme une « ingérence » de la communauté internationale. On le comprend, ils n’ont aucune envie qu’on les dépossède de leur « révolution ».

Reste à savoir s’ils sont réellement en mesure de faire capituler le colonel avec la facilité qu’ils croient. Rien n’est moins sûr ; car, traqué comme il se trouve être, et tout Guide qu’il est, il n’hésitera pas à organiser le carnage dont il est persuadé qu’il peut le sauver. Ou alors, en désespoir de cause, périr pour périr, il cherchera à provoquer l’apocalypse qui engloutira tout avec lui, histoire de ne rien laisser lui survivre.

A n’en point douter, une intervention des Occidentaux peut s’avérer délicate, voire périlleuse. Comment apporter l’aide qu’il faut à ces populations qui tiennent à se débarrasser de leur Guide, en demeurant suffisamment discret pour ne pas donner l’impression de récupérer l’opération à son propre compte ? La réponse à pareille interrogation demeure à trouver.

Et en attendant, c’est bien Kadhafi qui est aux abois. Les rodomontades qu’il multiplie en ce moment, dans le genre « mon peuple m’adore », « le peuple libyen mourrait pour me protéger » ne sont que de la poudre aux yeux et ne constituent qu’une preuve de plus qu’il est de moins en moins sûr de lui.

L’homme, probablement, s’attend au pire ; lui qui avait juré de ne jamais s’exprimer dans la langue des impérialistes se découvre des talents d’orateur, suprême affront, dans la langue de Shakespeare ; preuve que, même acculé, le Guide reste inconstant, même s’il semble qu’il perde progressivement de sa superbe.

Malheureusement, pas au point de se convaincre qu’il représente à lui seul le problème libyen à l’heure actuelle. Et c’est bien dommage. Car, alors, il pourrait éviter à ce pays qui l’a vu naître, et qu’il prétend aimer, un bien inutile bain de sang.

Jean Claude Kongo

L’Observateur Paalga