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LIBYE : Le roi Ubu a perdu sa boussole

Publié le jeudi 24 février 2011 à 01h49min

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42 ans de règne d’un dirigeant dans l’histoire d’un peuple, c’est le "seuil de saturation", comme le disent les économistes. En effet, le peuple libyen, excédé par la dictature tribunitienne du colonel Kadhafi, a fini par exprimer son ras-le-bol. Le peuple en question revendique un changement assorti d’une libéralisation de la vie publique. Et plutôt que d’écouter son peuple et d’emprunter le chemin de la négociation et de l’apaisement, ce fut d’abord Kadhafi fils qui, dans une piteuse sortie, avait promis au peuple un "bain de sang". Et pari réussi. Plus qu’un bain de sang, ce fut un océan de sang.

Et cette furie meurtrière ne fait que commencer. Pas plus tard que le mardi 22 février dernier, Kadhafi père, fidèle à son attitude, a, sur un ton martial et avec un art consommé de la mise en scène, promis de purger la Libye, appelant tous ses partisans à une contre-marche hier mercredi. Un discours surréaliste, au moment où son peuple le lâche. Les Occidentaux eux, en tout cas, ont déjà commencé à faire le requiem de l’ère Kadhafi. De nombreuses chancelleries sont en train de rapatrier leurs ressortissants dans un pays coupé du reste du monde et en plein chaos. Avec l’ego surdimensionné qu’on lui connaît, Kadhafi a affirmé qu’il n’a de leçon à recevoir de qui que ce soit, encore moins de son peuple.

Et cerise sur le gâteau, il a soutenu que si Ben Ali et Moubarak ont démissionné, c’est parce que, eux, étaient des présidents. Avec la chute de villes comme Tobrouk et Benghazi, Kadhafi devrait pourtant moins fanfaronner. Les Libyens ne sont plus près de retourner dans le régime ubuesque qu’il a incarné depuis des décennies. Ces derniers jours, l’homme aura, in fine prouvé, à suffisance à l’opinion publique son excentricité et son atypisme, tant il est en déphasage avec son peuple. Il donne l’image d’un père de famille vivant dans sa tour d’ivoire, hors des réalités de ses enfants et qui, du coup, s’offusque, outre mesure, de la colère de ces derniers qui ne le reconnaissent plus.

Se sentant trahi, le roi Kadhafi, ubuesque à souhait et désormais nu, déclare la guerre à son propre peuple, surfant sur la fibre nationaliste et la lutte contre l’islamisme. Kadhafi, pour tout dire, a perdu le nord, et aura montré par son discours et le martyr qu’il inflige à son propre peuple, la dimension "délirante et pathologique de son personnage". L’histoire nous a pourtant enseigné, à travers notamment Nelson Mandela et le Général Charles De Gaulle, que les vrais libérateurs d’un peuple se plient toujours à la volonté de ce dernier. En tout cas, un guide, s’il n’a pas perdu sa boussole, doit être prêt à tout pour défendre les intérêts de son peuple et non faire couler son sang.

Hélas, le guide libyen a, quant à lui, décidé de marcher et de régner sur des cadavres. Kadhafi est désormais bon pour l’asile. Et pas seulement. Il doit aussi payer pour tout le sang qu’il a sur les mains. Il aura été pire que Néron.

"Le Pays"

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