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Egypte : Moubarak négocie une lente agonie

Publié le jeudi 3 février 2011 à 02h24min

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Mardi dernier, l’opposition égyptienne a réussi une manifestation monstre de plus d’un million de personnes dans les grandes villes du pays. Le même soir, Hosni Moubarak s’est adressé à ses compatriotes. S’il a exclu toute démission dans l’immédiat, il a par contre promis de ne pas se présenter à la prochaine présidentielle prévue en septembre.

Autrement, plutôt qu’une mort subite, il négocie une lente agonie pour son régime. Comme il fallait s’y attendre, les manifestants ont balayé du revers de la main cette offre du raïs. Et malgré le couvre-feu, la contestation s’est poursuivie toute la nuit de mardi à mercredi au Caire, notamment à la place Tahrir (Libération), l’épicentre du mouvement de contestation.

A l’image de la révolution du jasmin qui a emporté Ben Ali en Tunisie, les contestataires égyptiens entendent faire partir Hosni Moubarak dans les délais les plus brefs. On lui a même donné jusqu’à demain vendredi pour partir. Mais s’il consent à s’en aller, le raïs veut bien le faire avec son propre agenda : au mois de septembre, en clair dans huit mois. Refus de l’opposition qui ne veut pas se faire piéger.

En effet, accepter ce délai reviendrait à courir un risque ; celui qu’entre-temps Moubarak reprenne pied. Huit mois, c’est beaucoup long et plein de choses peuvent se passer d’ici là. Et une fois l’orage passé, le vieux président pourrait se dédire et même se porter candidat à la présidentielle puisque le rapport de force aurait changé.

L’histoire est jalonnée d’exemples assez édifiants dans ce domaine, si bien qu’on se dit que les Tunisiens ont eu raison de tenir mordicus à chasser Ben Ali.

On se rappelle qu’au Burkina Faso, au plus fort de la crise Norbert-Zongo, quand le régime a vacillé, il n’y a pas cette concession qu’il n’a pas acceptée : Commission d’enquête indépendante, Collège de sages, limitation du nombre de mandats présidentiels ainsi que bien d’autres réformes politiques qui ont permis un certain rééquilibrage de la vie politique.

L’orage est passé. Puis le rapport de force a changé. Et qu’est-ce qu’on voit ? le pouvoir est en train de détricoter méticuleusement tous les avantages politiques qui avaient été concédés, à contrecœur du reste, à la classe politique burkinabè au début de l’an 2000.

Dans le cas Egyptien, il reste encore huit mois à Moubarak puisqu’il affirme qu’il partira en septembre. Mais d’ici là, tout peut arriver : il pourrait bien tomber avant comme un fruit pourri ou alors se refaire une santé politique.

Alors, pour qu’il ne retrouve pas une santé, il faut acculer la bête jusqu’au bout, voire l’achever en le chassant du pouvoir, sinon elle devient plus dangereuse. Parce que quand ça chauffe, les gens savent reculer, ne serait-ce que pour conserver leur pouvoir. Mais dès qu’il y a une accalmie, ils reprennent rapidement leurs mauvaises habitudes…

Ce qui est sûr, à un homme comme Moubarak qui a déjà passé 30 ans au pouvoir, on ne peut faire confiance quand il promet, dans un air de componction, de se retirer des affaires. La preuve, il mobilise en sous-main ses partisans, dont de nombreux policiers en civil, pour porter la contradiction à ses adversaires.

C’est ainsi qu’hier, par milliers, ses disciples se sont mobilisés et ont convergé vers la place de la Libération. Pro et anti-Moubarak se sont d’abord défiés par le verbe durant de longs moments avant de se rentrer dedans : jets de pierres, de blocs de pierre, de bâtons et de cocktails Molotov devant une armée qui assiste à la scène en spectateur.

Les échauffourées entre les deux camps se sont poursuivies dans la nuit d’hier avec à la clé des centaines de blessés de part et d’autre. La situation était tellement volatile qu’on se demande comment est-ce qu’elle a pu évoluer la nuit.

Ce qui est certain, l’une des clés de cette crise, c’est bien l’attitude de la « Grande muette ». Va-t-elle se contenter de rester l’arbitre neutre qui observe les deux camps se massacrer ou, à un certain moment, face au désordre, aux pillages et aux tueries, va-t-elle siffler la fin de la récréation en mettant tout le monde d’accord ?

Le comportement de l’armée, qui avait reconnu la légitimité des revendications des manifestants, sera donc très déterminant dans l’issue de cette crise. Des militaires qui ont promis, on se le rappelle, de ne pas tirer sur « notre vaillant peuple ».

San Evariste Barro

L’Observateur Paalga

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